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La part de la volonté sur les éléments objectifs de la qualification

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 142-147)

LES ÉLÉMENTS DU CONTRAT RETENUS AU TITRE DE LA QUALIFICATION

LES ÉLÉMENTS SUBJECTIFS OPÉRANT SUR LA QUALIFICATION DU CONTRAT

B. La part de la volonté sur les éléments objectifs de la qualification

212. Partant du principe que les parties ont choisi un contenu donné, elles se voient obligatoirement imposé un cadre donné. Peut-il y avoir alors un disfonctionnement entre le cadre et le contenu portant atteinte à la liberté individuelle ? Les parties peuvent-elles bouger les lignes du cadre ou du contenu contractuel, sans pour autant vicier la qualification ? Au-delà du choix de l’opération projetée, les parties peuvent agir sur la qualification du contrat à travers l’élaboration du contenu contractuel, avec la volonté de supprimer ou d’alléger une ou plusieurs obligations se rapportant à une obligation principale. Il

637 Cf., P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.B. SEUBE, Technique contractuelle, op. cit., n° 111, p. 58.

638 Cf., P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.B. SEUBE, Technique contractuelle, op. cit., n° 114, p. 59.

639 Voir à ce propos, F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les éléments des qualifications, thèse précitée.

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s’agit, pour les parties contractantes de minimiser le caractère essentiel d’une obligation prise au sens où Pascal Ancel640 définit l’engagement du débiteur comme « un lien obligationnel ». Celui-ci se distingue du « lien contractuel », lequel impose au débiteur d’être soumis aux normes contractuelles, tout comme doit l’être le créancier, alors que le lien obligationnel doit se présenter comme

« un pouvoir de contrainte du créancier sur le débiteur » 641. En aménageant leurs obligations, les parties peuvent agir sur la qualification du contrat ; « Le contrat dont une obligation est supprimée peut cesser de mériter la qualification sous laquelle on le désigne normalement. La disqualification doit se constater si les éléments caractéristiques du contrat sont eux-mêmes modifiés »642. Si une clause de non obligation se heurte à l’obligation principale du contrat son influence joue sur la qualification technique appelée par Ruth Sefton-Green « la transformation du contrat » au sens du changement de nature. Cette mutation du contrat par l’effet d’une clause de non obligation pourra entraîner la disqualification ou la requalification du contrat.

213. Bien que leur action soit limitée par le caractère impératif des règles relatives à l’ordre public, les parties peuvent agir, selon le principe de la liberté contractuelle, sur le contenu des contrats nommés643. Elles ont la faculté d’établir, en ce cas, une correspondance entre la qualification résultant de la modification voulue et le régime juridique spécifique se rapportant au type de contrat identifié. Le juge peut alors relever une qualification nouvelle qui ressort d’une autre catégorie juridique ou bien, sans que la qualification préétablie ait changée, constater que les parties ont écarté des règles trop contraignantes ou ajouté certaines plus favorables, appartenant à d’autres contrats nommés. De toute manière, une qualification inexacte, qu’elle soit volontaire ou involontaire, dès lors qu’elle permettra aux contractants de s’affranchir d’une règle d’ordre public, ne pourra créer des effets juridiques.

214. Une clause d’information, par exemple, insérée à l’acte instrumentaire d’un contrat nommé va permettre aux parties d’agir sur les termes de la convention et plus précisément sur le caractère d’un élément que les parties ont voulu informatif et non contraignant. S’il s’agit de l’interprétation opérée par le juge sur un élément de fait tel que la clause d’information par un effet inductif ne permet pas à celui-ci d’apprécier la force obligatoire de cet élément ciblé dans la clause, puisque qu’il relève de la volonté des parties644. La clause restreint en cela, le pouvoir du juge sur la qualification. En revanche, le contenu de cette clause d’information peut présenter d’éventuelles incohérences avec certains éléments de l’instrumentum. C’est pourquoi, même en présence d’une clause claire et précise, dès lors que celle-ci s’avèrerait incohérente avec l’ensemble du contenu contractuel, le juge par son pouvoir d’appréciation pourra, sans dénaturation, s’en

640 Voir, P. ANCEL, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », op. cit..

p. 771.

641 A.-S. LUCAS-PUGET, Essai sur la notion d’objet du contrat, Paris, LGDJ, 2005, n° 520, p. 298.

642 Cf.. P. DELEBECQUE, Les clauses allégeant les obligations dans le contrat, op. cit., n° 251, p. 285.

643 Cette liberté, qui porte sur des règles supplétives, trouve une limite au regard de l’ordre public économique et social qui détermine impérativement le contenu de certains contrats.

644 Cf., G. HELLERINGER, Les clauses du contrat, op, cit., n° 611 et s., p. 313.

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prévaloir pour justifier l’interprétation de la clause qu’il aura jugée douteuse. Le juge agira ainsi sur la qualification et déterminera le régime qu’il aura décidé d’appliquer.

215. Les éléments objectifs, essentiels à la formation du contrat à titre onéreux, tels que la chose et le prix, déterminants de l’accord des parties, participent à la qualification du contrat. Si la volonté ne peut remplacer un élément essentiel déterminant de la qualification, elle peut cependant peser, dans certaines conditions, sur le changement de nature de certains éléments objectifs qui sont essentiels à l’existence du contrat. L’exemple significatif est celui de la vente de meubles par anticipation qui consiste à considérer l’élément matériel non avec les caractères qu’il comporte au moment où les volontés contractuelles s’accordent, mais avec ceux qu’il présentera dans un avenir plus ou moins proche. En ce sens, la volonté des parties a une influence sur la condition de ces biens, c’est-à-dire qu’elles aient destiné les immeubles à devenir meubles par le seul effet de leur volonté mais aussi, que la destination de la chose à être transformée en meuble résulte d’une intention sérieuse des contractants645 dans l’hypothèse d’une récolte sur pied, des immeubles destinés à être séparés du sol. « La volonté individuelle remplace un élément matériel présent par un élément matériel futur 646 ». L’objet du contrat est vu en ce cas comme une chose future.

§2. La volonté de donner à l’accord un régime juridique spécifique

216. La volonté des parties, élément subjectif essentiel, peut tenir une place prépondérante dans la qualification. Cela concerne les contrats innommés pour lesquels la difficulté réside dans l’identification des éléments considérés comme essentiels par les parties contractantes qui ne relèvent d’aucun type préexistant, encore que certains, selon leur nature, puissent être rattachés à un type de contrat nommé. Or, dans l’hypothèse où, l’opération projetée ne peut relever globalement d’une quelconque qualification légale, les parties vont devoir, en ce cas, construire le contrat à partir des éléments qui lui sont spécifiques. On a vu que le consentement des parties, donnant naissance au contrat et partant des effets juridiques647, permettait d’avancer que la qualification ne se cantonnait pas à une démarche objective qui relevait uniquement des obligations résultant de l’accord des volontés. Les volontés étant vues comme des éléments subjectifs essentiels648 à la formation du contrat, la qualification ne peut ainsi « être arbitrairement dissociée de la volonté exprimée, ou parfois supposée, des parties »649. La volonté des parties peut influer sur la qualification du bien et orienter de ce fait la

645 Cf., F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, op. cit., p. 40 et s.

646 Cf., F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, op. cit., p. 41.

647 Voir, J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, 3e éd., op. cit., n° 9, p. 10.

648 Cf., J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, les effets du contrat, 3e éd., op. cit., n° 90, p. 112

649 J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, les effets du contrat, 3e éd., ibid.

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qualification du contrat650. Dès lors que les volontés sont explicites, les parties deviennent les agents actifs651 en qualifiant elles-mêmes le résultat de leur accord. Elles passent d’une passivité théorique, face à tel cadre rigide établi par le législateur qui doit être vu comme un élément subi652, à une phase active comprise comme la volonté de contrôler l’élément voulu. On peut ainsi analyser comment le rôle de la volonté des parties peut influer, sur la qualification, selon que le contrat est un contrat nommé ou un contrat innommé653.

217. Pour ce qui est du rôle de la volonté des parties dans la qualification du contrat innommé, il s’agit pour celles-ci de créer une sorte de contrat en marge de ceux régis par la loi, selon l’article 1105 du Code civil654. Ceci leur permet de contrôler655 un certain nombre d’éléments spécifiques, élaborés selon leur volonté commune, qu’elles considèrent comme déterminants de l’opération juridico-économique projetée. La volonté des parties dans cette hypothèse s’éloigne des catégories existantes. Or, ne faisant l’objet d’aucune réglementation spécifique, le contrat innommé peut être générateur d’abus et par là même, porter atteinte à une justice contractuelle, dans la mesure où il transgresse l’ordre public de protection656 et plus généralement les règles générales du droit des contrats.

En cela, l’ordre public de direction, ainsi que l’ordre public de protection, s’imposent à ce type de contrat. Ces règles ont vocation à régir l’ensemble des contrats et non un contrat pris isolément, ce que précise expressément l’article 1105 du Code civil. Au-delà, en ce qui concerne les contrats innommés, et plus particulièrement ceux auxquels seule la pratique a donné un nom657, la jurisprudence est en mesure de préciser, pour ces contrats, les obligations principales qui les caractérisent. Pour exemple, la cour de Cassation a précisé que le contrat de déménagement « est un contrat d’entreprise qui se différencie du contrat de transport en ce que son objet n’est pas limité au déplacement de la marchandise658 ». Nous avons vu que l’opération juridique envisagée par les parties pouvait être comprise comme étant l’objet du contrat. En ce cas, le juge va devoir identifier au sein de l’instrumentum les obligations principales pour remonter jusqu’aux éléments constitutifs de l’accord des parties que sont les

650 Voir à ce propos, F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications.

651 Cf., F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, op. cit., n° 5, p. 3.

652 Dans les contrats spéciaux.

653 Art. 1105 nouveau du Code civil : « Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux.

Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».

654 Art. 1105 nouveau du Code civil : « Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre.

Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux.

Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».

655 Voir, J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, les effets du contrat, op. cit., n° 104, p. 126.

656 Cf., J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, les effets du contrat, ibid., n° 106, p. 130.

657 Cf., J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, les effets du contrat, n°79, p. 98

658 Cass. com., 20 janvier 1998, Bull. civ., IV. n° 26, p. 18.

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éléments essentiels du contrat et son objet qui regroupe à la fois le lien juridique et sa qualification.

SECTION

2.

LES LIMITES À LA VOLONTÉ DES PARTIES DE FIXER LIBREMENT LA QUALIFICATION DU CONTRAT

218. Si le but recherché par les parties est contraire à une règle impérative, les clauses contractuelles concernées peuvent être sanctionnées de nullité. En revanche, dans le cas où il n’y a aucune violation de l’ordre public, les parties peuvent qualifier le contrat à leur convenance. Une fois conclu, ce sont les parties qui, en règle générale, font le contrat, plus particulièrement, elles aménagent son contenu, « selon un scénario prévisionnel »659, autrement dit, son mode de fonctionnement. Ces dernières vont alors exprimer leurs attentes au moyen des clauses contractuelles, qui contiennent les prestations correspondantes aux obligations consenties. En revanche, les parties contractantes n’ont le pouvoir de créer des normes que parce que la loi les y autorise, ce en quoi la volonté ne tire pas d’elle-même le pouvoir de se régir, mais de la loi. Autrement dit, la loi contractuelle étant subordonnée à la loi étatique le contenu de la norme contractuelle échappe en grande partie à la volonté des parties. Aussi forte que puisse être la volonté d’un individu dans la détermination de ses objectifs, ce dernier sera toujours tenu par ce que la loi lui autorise, il ne serait pas admissible que les personnes privées jouissent d’une totale liberté pour créer du droit ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de liberté. Sans liberté contractuelle, il ne peut y avoir de volonté efficace.

219. Nonobstant leur diversité, tous les contrats ont en commun de se former par un accord de volonté qui est l’élément déterminant et à ce titre, un critère de leur formation. Ainsi, par le fait d’une libre disposition des droits (§1), les parties ont la faculté d’aménager le contenu de leur accord à travers un certain nombre de clauses qui se présentent comme des prérogatives contractuelles, mais qui demeurent soumises aux règles relatives à l’ordre public qu’elles sont insusceptibles de transgresser (§2).

§1.L’aménagement des prérogatives contractuelles

220. Selon le principe de la liberté contractuelle, les parties sont libres d’aménager par le truchement de clauses spécifiques, le manquement du fait de l’une d’entre elles à ses obligations pouvant alors déséquilibrer le contenu de l’accord et compromettre l’exécution du contrat. Or, selon les circonstances, la présence de ces clauses sensibles que sont les prérogatives contractuelles, sources de désaccords, présentent un risque d’altération des obligations créées par le contrat formé. Les prérogatives contractuelles apparaissent selon les effets qu’on leur attribue, ou de la manière dont elles sont appliquées, comme des clauses sensibles susceptibles d’altérer ou de modifier l’économie du contrat. Les prérogatives contractuelles ne créent pas entre les parties de rapport de créancier

659 P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, 4° éd., op. cit., n° 7, p. 18.

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à débiteur. L’objet de ces clauses est spécifique et corrélatif à l’opération juridique envisagée par les cocontractants. La rupture unilatérale d’un contrat à durée déterminée autorisée par une clause contractuelle en est un exemple660. Les parties peuvent aussi prévoir des dispositions qui ont pour but de limiter leurs engagements lorsque l’exécution des obligations présente un risque de défaillance. Une partie peut s’obliger conventionnellement en se réservant la possibilité de limiter ou d’exclure sa responsabilité en cas de l’inexécution de ses obligations, une prérogative qui porte atteinte à la force obligatoire du lien contractuel, mais qui est admise en ce cas par le droit positif.

221. À travers les prérogatives contractuelles661, parmi lesquelles on compte les clauses allégeant les obligations (A) ainsi que les clauses dites de responsabilité proprement dites (B), les parties ont la possibilité d’aménager leurs propres pouvoirs contractuels662 en limitant l’exécution des engagements auxquels elles ont consenti.

A. Les clauses allégeant les obligations : une

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