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Le choix d’un régime préétabli

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 139-142)

LES ÉLÉMENTS DU CONTRAT RETENUS AU TITRE DE LA QUALIFICATION

LES ÉLÉMENTS SUBJECTIFS OPÉRANT SUR LA QUALIFICATION DU CONTRAT

A. Le choix d’un régime préétabli

207. Le choix des parties sur l’opération projetée les conduit fréquemment vers un contrat organisé par la loi ou par les usages professionnels623. Les volontés individuelles agissent ainsi sur les qualifications, non pas en raison de la qualification elle-même, mais en fonction du résultat que les contractants ont déclaré vouloir atteindre. Ce choix peut concerner par exemple un contrat nommé tel un contrat spécial règlementé par un ensemble de normes fixé par le législateur, il suffira aux cocontractants de s’y référer afin que le contrat conclu puisse relever d’un régime juridique préexistant. Ce peut être aussi le fait d’un acte par lequel l’une des parties, ayant souscrit un contrat auprès d’un professionnel, bénéficie de la protection du droit de la consommation essentiellement réservé aux personnes physiques, seules à être reconnues

« consommateurs ». Il s’agira par exemple du droit de rétractation des articles L. 221-18 et suivants du Code de la consommation, principes que l’on retrouve en droit commun, énonçant une disposition générale à l’article 1122 du Code civil624.

621 Cf., J.-F. OVERSTAKE, Essai de classification des contrats spéciaux, op. cit.,. p. 16.

622 Voir, J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, op. cit., n°94.

623 Cf., P. MALAURIE, L. AYNES, P-Y GAUTIER; Les contrats spéciaux, 6e éd., Paris, Defrénois, p. 3.

624 Art. 1122 du Code civil : « La loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion, qui est le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ou un délai de rétractation, qui est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement ».

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208. Organisés spécialement par la loi ou par les usages professionnels, les contrats spéciaux proposent une classification qui permet de reconnaître rapidement la qualification donnée au contrat. En ce cas, il n’est pas nécessaire pour le juge d’interpréter les termes du contrat litigieux dont il est saisi, pour identifier le régime juridique applicable qui se révèle à la lecture du contenu contractuel. Qualifier un contrat625, implique pour les parties d’indiquer clairement le régime juridique qu’elles souhaitent voir appliquer. Cela permet en principe au juge, de déterminer les éléments juridiques caractéristiques du type de contrat voulu626, permettant de lever le doute qui pourrait exister concernant un élément essentiel, tel que le prix par exemple, qui ne serait pas suffisamment défini dans l’acte instrumentaire. En ce sens, l’action des parties ne porte pas sur l’opération de qualification elle-même, mais sur le résultat attendu627. Lorsqu’il s’agit d’une opération simple, le choix par les contractants d’un régime juridique préétabli, s’impose naturellement. En revanche, dès lors que les parties sont en présence d’une opération fondée sur une pluralité de contrats distincts, la détermination du régime juridique applicable s’avère plus compliquée. Les notions d’intention et de volonté relèvent du domaine du fait et non du droit. S’il est établi, en droit positif que le fait doit être distingué du droit, il n’en demeure pas moins que dans un contrat synallagmatique à titre onéreux, les faits sont étroitement liés au droit. Le choix ou l’acceptation du régime juridique applicable à l’opération projetée, résulte de la conclusion du contrat et partant, de la volonté des parties. En revanche, la détermination du régime juridique est une question de droit. En ce cas, on peut s’interroger sur la capacité qu’ont les parties d’influer sur la fixation du régime juridique applicable à la convention628. Dans les contrats spéciaux, où le législateur a prédéterminé le contenu des obligations réciproques des contractants, ce sont les éléments objectivement essentiels qui guident le juge dans l’identification de la prestation caractéristique ou essentielle correspondant au type de contrat que l’offrant propose au bénéficiaire. En cela, les obligations principales constituent la substance même de l’engagement contractuel tel que stipulé par exemple à l’article 1915 du Code civil629, où la garde et la restitution de la chose constituent les éléments caractéristiques essentiels à la validité du contrat de dépôt.

209. Ainsi, « le choix des effets caractéristiques, préalablement hiérarchisés du contrat commande sa qualification, la désignation de sa nature et partant, celle de son régime »630. Bien que les contrats réglementés soient des contrats dont le contenu est fixé par une réglementation d’ordre public, la volonté des parties peut jouer encore un rôle essentiel pour déterminer la qualification. Autrement dit, le choix de l’opération projetée, dès lors que celui-ci correspond à un contrat

625 Voir à ce sujet, F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les éléments des qualifications, thèse, Paris, LGDJ, 1956, n° 5, p. 4.

626 Pour exemple, l’obligation de garde caractérise le dépôt; l’existence d’un prix et le transfert de propriété caractérise la vente,

627 Cf., F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les éléments des qualifications, thèse, op. cit., p. 4.

628 Cf., J. GHESTIN, Traité de droit civil, la formation du contrat, op. cit., n° 90, p. 112

629 « Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature ».

630 J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e éd., LGDJ, Paris, 2001, n° 90, p. 112.

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nommé631, privilégie une qualification légale attribuée par le législateur. La dénomination propre du contrat nommé révèle immédiatement la classification voulue du contrat par les parties, auquel se rattache le régime juridique correspondant. C’est en cela que la classification participe étroitement à la qualification. À l’identique de l’opération d’interprétation qui la précède, la classification est de fait un préalable à l’opération de qualification qui peut s’effectuer par syllogisme à une catégorie juridique préexistante, une règle de droit ou encore à partir de faits établis.

210. Or, la volonté des parties peut être mal exprimée ou lacunaire. Le juge va devoir alors s’attacher à l’interprétation des éléments qui figurent à l’instrumentum afin d’identifier ceux qui n’y apparaissent pas formellement et dont l’absence peut déséquilibrer les droits et engagement des contractants. On se trouve en ce cas dans une situation qui pourrait s’identifier au déséquilibre significatif dont la sanction est précisée à l’article 1171 du Code civil, mais qui n’est applicable en revanche qu’aux seuls contrats d’adhésion. Or, dans la catégorie des contrats de gré à gré, selon le principe de la liberté contractuelle, les parties ont la possibilité de modifier les termes d’un contrat spécial. En cela, la rencontre des volontés qui ciblent un effet de droit, se manifestent en premier lieu par l’instauration d’un intitulé qui éclaire sur la qualification du contrat. Dans les contrats nommés, traduisant l’objet du contrat632, le titre procure « un premier indice, fort, de la volonté des parties de rattacher leur accord à un régime juridique déterminé ou, au contraire, de le détacher de pareil régime »633. Porté à l’acte à la connaissance des tiers, le titre marque ainsi la qualification voulue par les parties à laquelle, en revanche, le juge n’est nullement tenu634. Il se peut en effet qu’il existe une discordance entre le contenu du contrat et son intitulé faisant apparaitre des qualifications distinctes. Le juge n’étant pas tenu par le titre du contrat fixé par les parties, doit alors porter son intervention au bénéfice du contenu contractuel. En cas d’incohérence ou de contradiction entre les termes du contenu du contrat, ce dernier peut procéder à une requalification qui permet de rétablir la réalité contractuelle635 ; en d’autres termes, « le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée »636. Lors de l’opération de

631 L’ordonnance du 10 février 2016 à l’alinéa 1er de l’article 1105 du Code civil, substitué à l’article 1107 ancien, aborde à son tour la distinction entre les contrats nommés et les contrats innomés venant ainsi confirmer la règle : « les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, […] »

632 Cf., A.-S. LUCAS-PUGET, Essai sur la notion d’objet de contrat, Paris, LGDJ, 2005, n° 315, p. 171.

633 P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Technique contractuelle, op. cit., n° 113, p. 59.

634 Art.12 du Code de procédure civil : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, […]”.

Il se peut en effet que l’interprétation laisse apparaître une incohérence entre l’intitulé du contrat et les clauses figurant à l’acte instrumentaire.

635 Cass. com., 7 juill.2004, n° 02. 17416., bull.2004. IV. n° 149, p. 163.

636 Art.12 du Code de procédure civile.

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qualification, le titre reste en conséquence une indication sur la commune intention des parties de s’accorder sur un type de contrat déterminé ; en ce sens,

« intituler un contrat participe à sa qualification et, par conséquent, son rattachement à un régime juridique donné »637. Le titre doit ainsi reprendre dans son énoncé les indications qui ont trait à l’économie du contrat638 ou plus précisément, reprendre le sens de l’obligation essentielle qui résulte de la formation du contrat. Le titre est la clause contractuelle qui se présente comme le premier élément révélateur de la volonté des parties.

211. Cela étant dit, ce qui doit être pris en compte, ce sont les éléments essentiels sur lesquels les parties se sont accordées. Ces éléments, vus comme l’objet du mobile qui a conduit les parties dans leur choix, sont déterminants dans l’élaboration du contenu contractuel et la qualification du contrat. Dès lors que l’accord des parties porte par exemple sur une opération relevant d’un contrat spécial, les éléments essentiels qui figurent à l’instrumentum, conditionnent pour partie le régime juridique applicable par le biais des obligations principales. Dans ce cas, dès le contrat conclu, l’acceptation pure et simple par les parties du régime juridique qui lui est applicable ne pose pas, a priori, de difficulté particulière. En revanche, ce qui peut poser problème, est le rôle joué par celles-ci dès lors qu’elles interfèrent sur certains éléments qualifiants, aux fins d’imprimer à la convention le régime juridique qu’elles veulent privilégier. Ce régime peut ne pas correspondre à la réalité de ce que devrait être la qualification du contrat formé et de ce fait, révéler une incohérence entre les différents éléments de la qualification. En effet, soucieux d’éviter certains rattachements à un régime juridique qu’elles considèrent défavorable au regard de leur intérêts, les parties s’emploient à modifier la qualification de la convention. En ayant recours à certaines clauses, elles peuvent agir sur les éléments qualifiants du contrat entraînant des non-qualifications ou des contre-qualifications639 et échapper ainsi à une règlementation qu’elles jugent inadaptées à leur accord. Ce sont les éléments du contrat qui se présentent comme des éléments essentiels à sa qualification tel que l’objet qui est soumis à la volonté des parties.

B. La part de la volonté sur les éléments

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