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De l’objet de l’obligation à l’objet du contrat

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 128-133)

LES ÉLÉMENTS DU CONTRAT RETENUS AU TITRE DE LA QUALIFICATION

LES ÉLÉMENTS OBJECTIFS ATTACHÉS À LA QUALIFICATION DU CONTRAT

A. De l’objet de l’obligation à l’objet du contrat

188. Le contrat n’a pas pour objet de créer des obligations, mais d’amener à la réalisation de l’objet de l’opération juridique envisagée par les parties ; l’objet du contrat est le but commun que les parties se sont assigné. En revanche, il a pour effet la création, la modification, la transmission ou l’extinction d’obligations571, lesquelles ont pour objet les prestations promises correspondantes, qui ont à leur tour pour objet, tantôt le transfert d’un droit réel sur une chose, tantôt un droit personnel, au profit du créancier ; en tout état de cause le débiteur sera tenu d’honorer les obligations pour lesquelles il s’est engagé. Alors que dans une définition abstraite le contrat pouvait être compris comme un accord de volonté créateur d’obligations, il est aujourd’hui absorbé par celle qui le place comme

« un accord de volonté en vue d’une finalité concrète »572. Il existe de ce fait, un rapport étroit entre l’objet du contrat (1) et l’objet de l’obligation essentielle (2) qui concrétise le résultat final attendu.

1. L’objet du contrat comme étant l’objet de l’opération juridique.

189. Au-delà de sa définition première, qui le présente comme étant une chose, élément matériel ou immatériel sur lequel les parties ont fondé leur accord,

569 Le terme « économie du contrat », se distingue de l’opération économique projetée par les contractants au sens où elle se définit comme étant l’organisation d’ensemble de la convention.

570 Voir, P. JESTAZ, « L’obligation et la sanction : à la recherche de l’obligation fondamentale », in Mélanges Pierre Raynaud, Paris, Dalloz-Sirey, 1985, p. 279.

571 Art. 1101 du Code civil: « Le contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations »

572 Cf., A.-S. LUCAS-PUGET, Essai sur la notion d’objet du contrat, op. cit., n° 500, p. 282

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l’objet du contrat doit être appréhendé en tant que concept573. Au regard de l’intérêt que suscite l’objet dans le cadre de l’interprétation du contrat et par voie de conséquence de sa qualification, l’ambivalence de la définition commande, après avoir précisé la notion de chose telle qu’elle se présente dans la sphère contractuelle574, de considérer l’objet comme étant le but que les parties se sont assigné. « Pour qu’un contrat se forme valablement, il faut qu’il y ait une volonté des parties de s’accorder. Mais cet accord ne se réalise pas dans l’abstrait. Les parties veulent quelque chose de précis, pour une raison précise. Rechercher ce qu’elles veulent, c’est déterminer l’objet du contrat »575. L’objet résulte ainsi de la volonté commune des parties et donne une vision d’ensemble du contrat qui se présente comme un échange de prestations. L’expression objet du contrat permet de désigner l’opération juridique réalisée par les parties en la considérant, non plus dans ses éléments, mais dans sa globalité. L’objet du contrat serait constitué par l’opération juridique envisagée dans son ensemble, c’est-à-dire à travers toutes ses composantes et non pas à travers telle obligation principale ou l’objet du contrat serait alors la prestation promise.

190. L’obligation créée par la formation du contrat, conséquence immédiate de la volonté des parties de s’accorder sur les éléments essentiels du contrat, se révèle comme étant l’obligation essentielle qui ne peut être dissociée de l’objet du contrat qui l’a fait naitre. Ceci, fait dire à Christian Larroumet, justifiant cette position, que « l’objet du contrat se confond avec ses effets »576. Dans cette hypothèse, l’objet de l’obligation essentielle s’identifierait à l’objet du contrat.

Or, une partie de la doctrine, se positionne sur une notion conceptuelle proche, mais qui se distingue par le fait que certains auteurs entendent opérer une distinction entre les deux notions que sont l’objet du contrat et l’objet de l’obligation. Ainsi, si l’objet de l’obligation doit être vu comme la prestation577 sur laquelle s’est engagé le débiteur, au sens où il s’agit d’un moyen qui va dans le sens de la finalité attendue, l’objet du contrat, au-delà de la chose considérée au sens matériel du terme, doit quant à lui, être compris comme, l’objet de l’opération juridique voulue par les parties dans sa globalité ; les deux notions ne se rejoignent-elles pas, dès lors qu’il s’agit de qualifier le contrat ?

191. L’objet est à l’origine du contrat formé et par là-même, de la naissance des

« obligations » qui en sont la conséquence immédiate, celles qui portent sur les éléments essentiels du contrat. L’objet du contrat compris comme étant le cadre juridique du contenu contractuel578 est le résultat global attendu, le but que les parties se sont assignées comme étant la finalité, au sens de l’objet de l’opération

573 Cf., A.-S. LUCAS-PUGET, Essai sur la notion d’objet du contrat, ibid., n° 1, p. 1.

574 Supra n° .

575 Cf., F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, op. cit., n° 264, p. 280.

576 C. LARROUMET, Droit civil, Les obligations, Le contrat, 1ère partie, Conditions de formation , t. III, 6e éd., Paris, Economica, 2007, n° 380, p. 356.

577 Une prestation qui peut être la livraison d’une chose, le paiement du prix convenu, l’exécution du service promis.

578 Le contrat en ce sens doit être compris comme étant la norme juridique obligatoire. Voir à ce sujet, P. ANCEL, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ., oct.-déc. 1996, n° 4, p. 771 et s.

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juridique voulue579, il s’agit là de l’obligation dite essentielle. Or, selon Gérard Cornu, le contrat doit être compris « comme une espèce de convention ayant pour objet de créer une obligation […]. »580. À cela, l’auteur ajoute : « […] ou de transférer la propriété. », une alternative qui propose de voir le contrat non plus comme créateur d’une norme juridique, mais, comme une opération juridique à part entière. En ce cas, l’objet de l’obligation ne serait-il pas, une composante de l’objet du contrat ? On rejoint par-là, la théorie de Ripert et Boulanger581, citée par Philippe Delebecque, étant que « L’objet du contrat désigne la prestation à propos de laquelle l’accord des volontés intervient, et autour de laquelle s’ordonne l’économie du contrat ». Ne doit-on pas reconnaître à travers cette énoncé que la prestation initiale, qui commande l’ordonnancement du contenu contractuel, est bien l’objet de l’obligation dite principale, ou plus précisément, dans l’hypothèse d’un contrat synallagmatique, les objets respectifs des obligations principales ; c’est-à-dire les prestations qui portent sur les éléments essentiels du contrat. En ce cas, si l’on considère l’objet du contrat uniquement comme l’opération juridique sous-tendue à l’opération économique projetée par les parties, cela nous permet d’établir, a contrario, que l’obligation principale dont l’objet relève d’une opération économico-juridique, est en fait la transcription de l’objet du contrat. En revanche, s’agissant de la création d’obligations comme étant un lien de droit, elle serait quant à elle, un des effets résultant du contrat formé. L’objet du contrat et l’obligation essentielle sont en cela indissociables. Dès lors que le contrat synallagmatique ne peut avoir plusieurs objets, on peut en déduire que l’objet de l’obligation dite essentielle doit être conforme à l’objet du contrat.

192. Christian Larroumet se pose la question de savoir quelle est alors l’utilité de la notion d’objet du contrat dès lors qu’elle se définit indépendamment de l’objet de telle ou telle obligation créée par le contrat. Dans le cas de la vente d’un immeuble par exemple, c’est le transfert de la propriété de l’immeuble qui constitue le fondement juridique de l’engagement. Alors que l’objet d’une obligation principale est la prestation qui doit être accomplie par le débiteur comme livrer une chose, accomplir le service promis, payer le prix stipulé, l’objet du contrat serait constitué par l’opération juridique envisagée dans son ensemble, c’est-à-dire dans toutes ses composantes et non pas à travers telle obligation principale582.

2. L’objet de l’obligation essentielle, objet de l’opération juridique projetée.

193. L’obligation essentielle à travers son objet, lequel dans l’exemple du contrat de vente se traduit par le transfert du droit de propriété du bien acquis, porte non pas sur la remise de la chose par le débiteur et la prise de possession par le créancier, mais au-delà, pour ce dernier, d’en devenir propriétaire dès lors qu’il

579 Cf., J. GHESTIN, G. LOISEAU, Y.M. SERINET, Traité de droit civil, La formation du contrat, t. II, 4e éd., Paris, LGDJ, 2013. n° 57, p. 46.

580 Cf., G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 231.

581 Cf., G. RIPERT, J. BOULANGER, Traité de droit civil, t. II, n° 241.

582 Cf. C. LARROUMET, Les obligations-Les contrats, op. cit., n° 381, p. 356.

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en a payé le prix583. L’obligation essentielle constitue ainsi la substance même de ce qui est fondamental et obligatoire dans le contrat formé. Elle est en quelque sorte l’élément central, la pierre angulaire de l’opération économico-juridique, autour de laquelle s’organise l’économie du contrat. Son objet, à l’identique de n’importe quelle prestation contractuelle, peut consister à créer, modifier, transmettre ou éteindre une créance. Or, « les obligations constituent la forme juridique des rapports économiques qui s’établissent entre les individus au sein de la société »584. L’obligation essentielle renseigne alors le juge sur la manière dont les échanges doivent s’organiser, puisqu’elle a pour objet la prestation caractéristique dont l’inexécution rend le contrat et par là-même, l’opération économique projetée irréalisables. Dans le cadre de la vente d’un bien, on ne peut imaginer que l’acheteur en paye le prix sans qu’il puisse acquérir les droits de propriété. Sans transfert des droits de propriété, il ne peut y avoir une vente. Le transfert du droit de propriété constitue bien l’objet du contrat de vente. Cette aliénation de ses droits par le débiteur, représente la prestation essentielle qui constitue une attente et qui est le résultat de l’accord des parties sur la chose et son prix. Véritable clé de voûte de l’édifice contractuel, c’est autour de l’obligation essentielle que se construit la loi contractuelle et plus précisément au regard de son objet, au sens où ce sont une ou plusieurs prestations qui peuvent se définir comme étant l’expression des modalités essentielles à l’exécution du contrat. Dès lors que ces prestations ont pour finalité l’aboutissement de l’opération juridique projetée, on peut comprendre qu’il y a une correspondance de l’objet de l’obligation essentielle avec l’objet du contrat.

194. Le prix de la chose agit en complémentarité avec les autres éléments essentiels déterminants de l’accord des parties. À l’accord sur la chose, élément essentiel du contrat, préexiste une volonté des parties qui doit être comprise, comme l’intention commune de contracter sur une opération dont la finalité est, à l’origine, principalement économique, dès lors qu’elle est basée sur le principe de réciprocité portant sur une prestation financière. Ainsi, prise dans sa globalité, cette opération économique voulue par les parties, sous-tend l’opération juridique qui est vue en ce cas comme l’objet du contrat, nécessaire à la réalisation du projet. Elle constitue le lien direct par lequel le débiteur est engagé envers le créancier. Or, il est à considérer que ce sont bien les éléments essentiels du contrat, parties intégrantes de l’opération économique envisagée, qui sont déterminants, à l’origine, de la volonté des parties de contracter.

195. L’obligation essentielle, qui s’impose en dehors de la volonté des parties585, résulte de la réalisation de l’objet des obligations principales relevant de l’accord des parties sur les éléments essentiels du contrat. En ce sens, l’exécution du contrat est généralement comprise comme l’exécution des obligations principales

583 A l’obligation de donner pour l’une des parties, doit correspondre pour l’autre partie contractante, l’obligation de payer le prix du bien objet de la vente. Dans l’hypothèse où cette obligation de payer n’est pas exécutée, le contrat ne pourra exister.

584 J.-F. OVERSTAKE, Essai de classification des contrats spéciaux, Paris, LGDJ, 1969, p. 31.

585 L’obligation essentielle comme les obligations principales sont des éléments extrinsèques à la volonté des parties à laquelle elles s’imposent dès le contrat formé.

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nées de sa conclusion586 qui s’imposent aux parties, afin de satisfaire à l’obligation essentielle. Relativement à l’opération économique projetée qui passe par la réalisation des obligations principales, l’obligation essentielle a de ce fait un lien indirect avec l’objet du contrat dont elle est la finalité. En revanche, si l’on part du principe que l’exécution de l’ensemble des obligations constitutives d’un contrat doit conduire à la réalisation de l’opération projetée, on peut en déduire qu’il existe un lien direct entre cette opération que les parties se proposent de réaliser à travers l’objet du contrat et l’obligation essentielle. En ce cas, par un lien indirect entre l’objet de l’obligation essentielle et l’objet du contrat qui marque la finalité de l’opération juridique, définissant ainsi la qualification du contrat.

196. Autrement dit, l’objet du contrat étant défini comme l’objet de l’opération juridique voulue par les parties au sens du résultat économique attendu, les obligations nées du contrat formé, sont par voie de conséquence liées à la qualification du contrat. Ce sont là, les conditions déterminantes qui donnent au contrat sa spécificité. L’objet de l’obligation essentielle qui est une conséquence de la formation du contrat, s’identifie à l’objet du contrat qui est aujourd’hui défini comme l’opération juridique à réaliser, et plus précisément comme l’objet de l’opération juridique projetée selon la volonté des parties587. En cela, l’obligation essentielle est celle qui permet de déterminer la qualification donnée au contrat.

197. Si l’on considère la prestation caractéristique dans les opérations complexes, la juxtaposition de deux contrats disparates peut constituer un ensemble unitaire cohérent qui se situe à la frontière de deux contrats spéciaux différents.

Lorsqu’un prêt, par exemple, est adjoint à une vente, le prêt et la vente qu’il finance sont-ils interdépendants ?588 En droit commun, le prêt destiné au financement d’une opération est indépendant du contrat principal. Ce qui signifie que si le contrat principal est nul, le prêt reste valable589. Ce principe ne préside pas en droit de la consommation où l’accessoire suit le principal lorsqu’il s’agit de relations entre professionnels et consommateurs. Le droit consumériste impose une interdépendance entre le prêt et le contrat principal, dès lors que le prêt finance le prix de la chose objet de la transaction. Le contrat principal est suspendu à l’obtention du prêt. Dès lors qu’il s’agit d’un mélange de plusieurs contrats spéciaux comme le contrat d’hôtellerie, de transport, de déménagement, de location-vente590, la qualification n’a d’intérêt que lorsque chacun des statuts spéciaux auquel un contrat complexe peut se rattacher est différent et que leur régime juridique est incompatible.

586 Cf., J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil. La formation du contrat, op. cit. n° 148, p. 184.

587 Cf., J. GHESTIN, G. LOISEAU, Y-M. SERINET, Traité de droit civil. La formation du contrat, t. II, 4e éd., Paris, LGDJ, 2013, n° 57, p. 46.

588 Voir, P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTHIER, Les contrats spéciaux, op. cit., n° 84, p. 53.

589 Voir, P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTHIER, Les contrats spéciaux, ibid, n° 955 p. 563.

590 Cf., P. MALAURIE, L. AYNES, P-Y. GAUTHIER, Les contrats spéciaux, ibid, n° 8, p. 9.

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B. L’objet de l’obligation essentielle à l’image

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