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L'évolution diachronique du substantif part L'exemple de autre part

2. Part en moyen français

Le moyen français se caractérise par une double évolution et se présente comme un stade intermédiaire : alors que les formes associant autre et part se diversifient (on en compte de nombreuses nouvelles) et que part est toujours polysémique, on trouve parallèlement les premières traces de figement : l’invariabilité d’un groupe d’occurrences se confirme ainsi que son extension à des emplois non spatiaux.

2.1. Un substantif toujours polysémique

En moyen français, part reste polysémique. C'est ce que P. Hopper & E. Traugott (1993) entendent par "persistance". Dans les stades intermédiaires d'un processus de grammaticalisation, la forme en cours de grammaticalisation est toujours polysémique: un ou plusieurs sens reflète le (ou les) sens d'origine.

On retrouve ainsi part employé dans le sens de partie de, avec toujours présent dans l'environnement cotextuel, le tout sur lequel s'applique une opération de partition. Ci-dessous, une part du temple renvoie à une partie du temple:

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(40) J'ay veu roches et pierres fendre ; Cheüe est une part du temple (Passion d'Auvergne, 1477 dans la Base des lexiques du moyen français).

J'ai vu se fendre des roches et des pierres ; Une partie du temple est tombée (traduction D. Capin).

Dans (41) et (42), les formes verbales fendit et divisé explicitent l'opération de partition de laquelle sont issues deux ou quatre pars:

(41) Et quant le roy vit les lettres, a peu que le ceur ne luy fendit en deux pars de pitié et de compassion (La Vigne, 1495 dans la Base des lexiques du

moyen français).

Et quant le roi vit les lettres, peu s'en faillit que son coeur ne se fendît en deux de pitié et de compassion (traduction D. Capin).

(42) Il avoit divisé l'an en quatre pars: cestasavoir, printemps, esté, automne et hyver (Lemaire dans E. Huguet).

Il avait divisé l'année en quatre parties: c'est-à-dire printemps, été, automne et hiver (traduction D. Capin).

Par ailleurs, sont toujours d'usage les emplois de part au sens de tiers:

(43) Item, son usage es fourquez, de trois la mendre, par hault et par bas, et es branches jusques aux deux pars de l'arbre, sans livrée, pour son ardoir. (H. de Chartres, 1398-1408). [...]

Ainsi, son habitude d'utiliser les cisailles, les plus petites des trois, depuis le haut et depuis le bas, sur les branches jusqu'aux deux tiers de l'arbre, sans livrée, pour son chauffage (traduction D. Capin).

En moyen français, les emplois partitifs côtoient les emplois locatifs, part signifiant toujours côté, ici dans un emploi prépositionnel de l'autre part de:

(44) [...] auquel lieu ledit conte alla, mais il ne sceut trouver ledit musnier, et estoit en sa loge endormy de l'autre part de la rivière (Le Clerc 1502).

Ledit comte se rendit en cet endroit, mais ne sut trouver ledit meunier qui était endormi dans sa cabane de l'autre côté de la rivière (traduction D. Capin).

(45) Et se un homme environnoit la terre, il seroit antipode a soy meisme, ce est a dire que il avroit ses piés au contraire de la manière comment il les a quand il seroit de l'autre part de la terre (Oresme, 1370 dans la Base des

lexiques du moyen français).

Et si un homme faisait le tour de la terre, il serait aux antipodes de soi-même, c'est-à-dire que, lorsqu'il serait de l'autre côté de la terre, il aurait les pieds à tout à fait à l'opposé de l'endroit où ils sont placés maintenant (traduction D. Capin) .

Alors qu'en ancien français, part et côté avait un sens différent, costé ne référant qu'à la partie latérale du corps humain, les choses sont sensiblement différentes en moyen français. Costé peut être employé pour référer plus largement aux côtés d'un objet. La pièce de monnaie décrite dans (46) présente les armes de France d'un côté (d'un costé) et les armes de Cecille de l'autre côté (d'autre part)

(46) [...] double coing du roy nouveau fait de par luy, les armes de France d'un

costé, et les armes de Cecille d'autre part [...] (La Vigne, 1495 dans la

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[...] monnaie double du nouveau roi, faite par lui, avec les armoiries de France d'un côté et les armoiries de Sicile de l'autre (traduction D. Capin).

En moyen français, part et côté sont dans une relation de synonymie, ce qui n'était pas le cas en ancien français. Cette synonymie s'étend d'ailleurs aux nouveaux emplois prépositionnels de costé:

(47) Lors devalla de l'autre costé de ladicte montaigne

où il trouva de toute manières de bestes saulvaiges (Les Chroniques admirables, 1534).

Alors il descendit de l'autre côté de cette montagne où il trouva toutes sortes de bêtes sauvages (traduction D. Capin).

Parallèlement, le sens de part semble s'étendre à l'expression plus générale de

lieu/endroit. Nous avions déjà observé quelques exemples en ancien français pour lesquels

une traduction par côté semblait difficile, le terme lieu semblant plus approprié. En moyen français, ces exemples sont plus nombreux:

(48) Il assemble les forces d'Anjou, du Maine et de la basse Normandie, pour suivre le dict duc de Mercueur la part où il ira combattre (1590 dans

Godefroy).

Il rassemble des forces d'Anjou, du Maine et de la basse Normandie pour suivre ledit duc de Mercueur dans la direction où il ira combattre (traduction D. Capin).

(49) En part où les damoyselles sont mal traictées ... n'y peult avoir homme qui rien vaille (exemple cité par E. Huguet).

Dans un endroit où les demoiselles sont mal traitées... il n'y peut y avoir homme de valeur (traduction D. Capin).

Dans cet énoncé, part, difficilement traduisible par côté s'accompagne de la préposition

en. Or, nous n'avons relevé aucun exemple en ancien français où part locatif entrait dans la

composition d'un syntagme prépositionnel en en.

Dans (50), le verbe aller est un indice qui permet la lecture spatiale de part au sens de

lieu:

(50) Qu'ils se rendissent tous a Butigliere, où il ferait marcher dix canons pour aller la part qu'il ordonneroit (Michaud 1556 dans Godefroy).

Qu'ils se rendissent tous à Butigliere où il ferait tirer les canons dans la direction qu'il déciderait (traduction D. Capin).

Au sens de "lieu", part concurrence ainsi plus directement le lexème lieu. Une recherche dans le corpus de moyen français montre en effet que les formes construites avec lieu coexistent avec celles formées avec part. Parallèlement à (en) autre part, (en) quelque part et (en) nulle part apparaissent les formes (en) autre lieu, (en) quelque lieu et (en) nul lieu:

(51) [...] et aussi que le roy, voulant les droiz de l'Eglise estre gardez et observez, voult et ordonna qu'il tendroit le concile de l'Eglise en la ville de Lion ou autre lieu près d'ilec (Roye 1460).

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... et tout comme le roi qui voulait préserver et respecter les droits de l'Eglise, il voulut et ordonna qu'il ouvrira le concile de l'Eglise dans la ville de Lyon ou tout près (traduction D. Capin) .

(52) Sachiez c'est nostre entencion qu'en quelque lieu que tu iras [...] (Miracle de Saint Valentin, 1367).

Sachez que c'est notre intention où que tu ailles... (traduction D. Capin).

(53) Et aussi il y a ruit en divers lieus de la forest, et ou parc ne peut estre en

nul lieu fors que dedanz le parc (Phebus, 1387).

Et aussi, on entend le brame dans différents endroits de la forêt ; quant au parc, cela ne peut être en aucun autre endroit si ce n'est à l'intérieur du parc (traduction D. Capin).

Les possibilités de commutation entre part et lieu caractérisent également les formes où apparaissent autre et part: parallèlement à (en) quelque autre part et (en) nulle autre part, apparaissent les expressions (en) quelque autre lieu et (en) nul autre lieu:

(54) Iceulx chevaulx sont desferrez et mis au bas, ilz sont enmielez, ilz ont foing trié et advoine triblee, et leur fait l'en en leur hostel plus de bien a leur retour que en nul autre lieu (Le ménagier de Paris, 1394).

On enlève les fers de ces chevaux-là et on les couche, ils sont enduits de miel, ils ont du foin trié et de l'avoine pilée, et on leur fait dans leur demeure plus de bien qu'en aucun autre endroit (traduction D. Capin).

(55) Je me veulx taire de plus vous advertir de ces faitz d'Angleterre jusques à ce qu'il viengne à propos en quelque autre lieu (Commynes, 1489).

Je voudrais me taire et ne plus vous mettre en garde sur les affaires de l'Angleterre jusqu'à ce qu'il vienne à les exposer en quelque autre

endroit (traduction D. Capin).

Dans le Dictionnaire des locutions en moyen français (1991) figure d'ailleurs la locution

de lieu en lieu: elle finira par sortir de l'usage.

2.2. Autre part en moyen français: vers un figement ?

Dans ses emplois locatifs au sens de lieu, part a toujours un fonctionnement nominal. Alors que l'on trouve toujours des exemples sans déterminant, le système des occurrences construites avec autre et part s’élargit pourtant sensiblement, la détermination du syntagme

autre part s’étendant aux déterminants quelque et toute:

(56) Astrologiens les ont appelées maisons, ou domiciles, parce que tout ainsi qu'en ta maison tu as plus de faire ce qu'il te plaira, que tu n'as quant tu es en quelque autre part [...] (De Brues, 1557).

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Les Astrologues les ont appelées maisons ou domiciles car, tout comme toi, qui peux faire ce qu'il te plaît dans ta maison, tu n'as plus de ressources quand tu es dans un autre endroit (traduction D. Capin).

(57) Bien que vous surpassiez en grâce et en richesse celles de ce pays, et de

toute autre part: vous ne devez pourtant, et fussiez vous princesse, jamais

vous repentir d'avoir aimé Ronsard (De Ronsard, 1578).

Bien que vous surpassiez en grâce et en richesse toutes celles de ce pays et de tout autre (pays), vous ne devez jamais, fussiez-vous princesse, regretté d'avoir aimé Ronsard (traduction D. Capin).

On ne peut donc pas parler de figement. L'extension des possibilités de détermination indique d'ailleurs le contraire.

Pourtant, certains exemples montrent que le fonctionnement syntaxique de autre part sans déterminant en moyen français présente certaines similitudes avec les emplois contemporains. On relève ainsi des constructions syntaxiques qui n'existaient pas en ancien français, par exemple l’insertion de autre part dans une structure alternative (cf. (58)) ou dans une structure comparative (cf. (59)):

(58) La meschine (...) va besoigner a sa cuisine ou aultre part (Cent nouvelles

nouvelles 1456 dans la Base des lexiques du moyen français).

La servante va faire sa besoigne dans sa cuisine ou ailleurs (traduction D. Capin).

(59) [...] elle fust mieulx advisée de mettre son homme aultre part que ou

casier (Cent nouvelles nouvelles, 1456 dans la Base des lexiques du moyen

français).

[…] on lui conseilla de cacher son homme plutôt ailleurs que dans sa demeure (traduction D. Capin).

Un autre élément nous conduit à penser que l'occurrence autre part commence à se figer. En moyen français, autre part employé sans déterminant semble toujours être utilisé au singulier: on ne répertorie aucune occurrence de autre part au pluriel70. Il n'en est pas de même pour les expressions construites avec lieu qui se trouvent couramment au pluriel:

(60) Car, par aventure, teles bestes ne sont pas trouvees en autres lieus (Oresme 1370).

Car, peut-être, on ne trouve pas de telles bêtes ailleurs (traduction D. Capin).

(61) Et doyent estre mis les levriers au devant des grosses rivières ou en autres

lieux [...] (Phebus 1387).

Les levriers doivent être mis devant les grandes rivières ou sur

d'autres passages (traduction D. Capin).

(62) Et, durant ce temps, le roy et son conseil se tindrent à Orléans, à Chartres, Bourges, Meun, Amboise et autres lieus (Roye 1460).

Et, pendant ce temps, le roi tint conseil à Orléans, à Chartres, Bourges, Meun, Amboise et ailleurs (traduction D. Capin).

On pourrait voir dans cet emploi singulier de autre et part une illustration du phénomène

66 de décatégorisation :

Les formes soumises à un processus de grammaticalisation tendent à perdre ou à neutraliser les marques morphologiques et les particularités syntaxiques des catégories pleines (comme le nom et le verbe) et à acquérir les attributs de leur catégorie d’adoption (G.Dostie 2001:64).

L'emploi de autre part au singulier peut, dans ce sens, correspondre à une étape dans l'adverbialisation de cette forme, qui, en français contemporain, ne présente aucune marque morphologique du pluriel.

Parallèlement, il semble que l’on assiste à la grammaticalisation de quelque part et nulle

part, qui comme, autre part, sont employés sans déterminants ni préposition. D'ailleurs,

tout comme autre part, ce sont des formes que l’on ne trouve qu’au singulier :

(63) [...] tantost que son mary iroit quelque part dehors pour séjourner une nuyt, elle incontinent l'en advertiroit (Cent nouvelles nouvelles, 1456 dans la Base des lexiques du moyen français).

...dès que son mari irait ailleurs pour y passer une nuit, elle l'avertirait tout de suite (traduction D. Capin).

(64) Vous avez menty, paillarde, ou vous l’avez mengée, ou vous l’avez cachée

quelque part (Cent nouvelles nouvelles, 1456 dans la Base des lexiques du

moyen français).

Vous avez menti, paillarde, ou bien vous l'avez mangée, ou bien vous l'avez cachée quelque part (traduction D. Capin).

(65) Par aventure, ceste rayson n'est pas purement évidente, quar l'en pourrait dire que en tel corps est le milieu et le centre du mouvement, mais non pas le milieu de sa quantité qui ne diroit que de tel corps le centre est partout et la circonférénce nulle part (Oresme, 1370 dans la Base des lexiques du

moyen français).

Cette raison n'est peut-être pas tout à fait évidente, car on pourrait dire que le milieu et le centre du mouvement sont dans un tel corps, mais pas le milieu de sa quantité qui laisserait dire que le centre d'un tel corps est partout alors que sa circonférence n'est nulle part (traduction D. Capin).

Si part présente encore un sens spatial en moyen français, certains emplois s'élargissent néanmoins à des contextes qui ne sont plus strictement spatiaux. C'est le cas de certaines occurrences de autre et part non précédées d'un déterminant:

(66) [...] après avoir cerché tous moyens de kuy complaire, avisa de ses reconforter autre part des ennuys qu'elle enduroit avec son mary (De Navarre, 1550).

... après avoir cherché tous les moyens de lui plaire, décida de se réconforter ailleurs des ennuis qu'elle endurait avec son mari (traduction D. Capin).

(67) Certes se vous me fussiez bon, Et vous n'amissiez autre part, Vous ne venissiez pas si tart Comme vous faictes a l'ostel (Deschamp 1385).

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Assurément, si vous étiez bon avec moi, et si vous n'aimiez pas

ailleurs, vous ne rentreriez pas aussi tard au logis comme vous le

faites (traduction D. Capin).

(68) Faictes luy ce que les bonnes simples femmes de nostre pays dient que l'en a fait a leurs fils, quant ilz sont enamourez autre part et elles n'en peuent chevir (Le ménagier de Paris, 1394).

Faites-lui ce que les bonnes femmes de notre pays disent qu'elles font à leurs fils quand ceux-ci s'éprennent ailleurs et qu'elles n'en peuvent venir à bout (traduction D. Capin).

(69) Il le prieroit de bon cuer en grans pleurs, en gemissements et grans contrictions de cuer sans penser autre part (Le ménagier de Paris, 1394).

Il le prierait de bon coeur, en pleurant à chaudes larmes, en gémissant et en faisant preuve de contrition sans penser à autre chose (traduction D. Capin).

Il est possible, à partir de ces trois derniers exemples, de faire un parallèle avec ailleurs avec qui autre part peut ici commuter. Dans les énoncés suivants, c'est ailleurs que l'on retrouve, ceci dans des cotextes identiques (penser ailleurs/ penser autre part; aimer

ailleurs/aimer autre part):

(70) Il ne pensoit ailleurs, fors à s'enfuyr (Seyssel cité par Huguet).

Il ne pensait à autre chose, si ce n'est à s'enfuir (traduction D. Capin).

(71) Qant il dist ce, s'a il aillors pensé (Aymeri de Narbonne, début du XIIIème, cité par Godefroy).

Quant il a dit cela, il a pensé autrement (traduction D. Capin).

(72) aimer ailleurs (Le Goffic).

Si ailleurs exprime toujours l'altérité spatiale, on retrouve, en moyen français, l'emploi pronominal que nous déjà décrit pour la période d'ancien français, toujours avec le verbe

penser dans son environnement cotextuel. En français moderne, ce type d'emploi est

totalement sorti de l'usage: *j'ai pensé ailleurs. On dirait plutôt j'ai pensé à autre chose.

Le Goffic (1993) mentionne cependant l'expression aimer ailleurs, "forme archaïsante et

précieuse" pour dire aimer quelqu'un d'autre.

Par ailleurs, il se développe dès le moyen français un emploi non plus spatial mais énonciatif de ailleurs. On en trouve une trace dans la Base du moyen français qui mentionne la locution d'ailleurs dans le sens de du reste:

(73) Nous retournerons cy d'un accort; En terre les mectrons parfon.

D'ailheurs, nulles gens n'y viendront, Ou ce seroit grant adventure

(Passion d'Auvergne, 1477).

Nous retournerons ici de concert, Nous les repousserons loin dans les terres, Aucunes troupes ne viendront d'ailleurs, Ou alors ce serait le hasard (traduction D. Capin).

Cet emploi non spatial de ailleurs s'étendra jusqu'à représenter, en français contemporain, "plus des deux-tiers des occurrences" (TLFi).

Le TLFi date également l'apparition d'un sens non locatif quelque peu différent du précédent dans le sens de d'un autre côté, par contre aux environs de 1673:

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(74) Père injuste, cruel mais d'ailleurs malheureux ! (Racine cité par le TLFi)

On note également l'apparition d'une seconde locution, par ailleurs. Le TLFi propose un premier exemple datant de 1797:

(75) Helvétius, par ailleurs honnête homme et bon homme, (mot dont on a trop mésusé, et qu'il faut faire revenir à sa première valeur), Helvétius marié, se faisoit amener chaque nuit une nouvelle maîtresse par son valet de chambre [...] (Chateaubriand 1797 cité par le TLFi)

2.3. Moyen français: bilan

La période de moyen français est riche en changements. Alors que part est toujours polysémique, pouvant à la fois signifier partie de ou côté, son sens spatial semble évoluer: on trouve de nombreux emplois où part ne réfère plus à côté mais plus généralement à lieu. C'est ce qui semble être le cas dans de nombreux exemples où part est accompagné de

autre, mais également de nulle ou quelque:

(76) Vous avez menty, paillarde, ou vous l’avez mengée, ou vous l’avez cachée

quelque part (Les cent nouvelles nouvelles 1456, Base des lexiques du

moyen français).

Vous avez menti, paillarde, ou bien vous l'avez mangée, ou bien vous l'avez cachée quelque part (traduction D. Capin).

(77) Par aventure, ceste rayson n'est pas purement évidente, quar l'en pourrait dire que en tel corps est le milieu et le centre du mouvement, mais non pas le milieu de sa quantité qui ne diroit que de tel corps le centre est partout et la circonférénce nulle part (Oresme, 1370 dans la Base des lexiques du

moyen français).

Cette raison n'est peut-être pas tout à fait évidente, car on pourrait dire que le milieu et le centre du mouvement sont dans un tel corps, mais pas le milieu de sa quantité qui laisserait dire que le centre d'un tel corps est partout alors que sa circonférence n'est nulle part (traduction D. Capin).

(78) La meschine (...) va besoigner a sa cuisine ou autre part (1456).

La servante va faire sa besoigne dans sa cuisine ou ailleurs (traduction D. Capin).

Il s'agit ici des prémisses du futur paradigme adverbial autre part/quelque part/nulle part. Ce sont en effet des formes, qui, si elles ne sont pas encore figées en moyen français, commencent à ressembler aux formes contemporaines correspondantes, tant au niveau de la forme (forme au singulier, absence de détermination) qu'au niveau du sens (part peut être traduit ici par endroit/lieu). On ne peut pourtant pas encore véritablement parler d'adverbes: les constructions indéfini + part peuvent encore en effet être intégrées dans un syntagme prépositionnel en en (en autre part, en quelque part, en nulle part). Ces constructions peuvent également être modifiées par autre (en quelque autre part, en nulle

69 Si les occurrences construites avec un indéfini et part semblent se grammaticaliser, celles construites sur autre et lieu ne semble pas suivre pas la même évolution: elles apparaissent ainsi plus facilement au pluriel (cf. les exemples (60) à (62)).

Le moyen français se caractérise également par une grande diversité dans l'expression de l'altérité spatiale: aux côtés de l'adverbe ailleurs, figurent les syntagmes construits avec

lieu (autre lieu) mais aussi ceux construits avec part (autre part). D'ailleurs, autre part et ailleurs commutent facilement: c'est le cas quand dans leur fonction pronominale (aimer ailleurs/aimer autre part) mais également dans leur fonction de complément locatif (aller