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1.3. Pour conclure cet examen lexicographique

A.Rey et S.Chantreau (1979) parlent de sort particulier à propos de part, et il est vrai que ses emplois figés sont plus nombreux que ses emplois non figés38. Pour autant, les définitions lexicographiques de part ne se limitent pas à la description d’un seul emploi. Elles reflètent au contraire une réelle variété sémantique de ce mot aussi bien dans la quantité des emplois répertoriés que dans les notions convoquées pour tenter de les décrire. Les descriptions lexicographiques de part, partie et portion montrent une importante circularité, qu’il est cependant possible de dépasser: on constate en effet que les possibilités de substitutions sont limitées. Certains emplois semblent d'ailleurs spécifiques à chacun des membres de ce trio. On note ainsi des exemples pour lesquels part, partie et

portion ne se laissent pas remplacer les uns par les autres:

(25) Mais il faut l’admettre, dans une élection, il y a toujours une part de loterie.

* Mais il faut l'admettre, dans une élection il y a toujours une partie de loterie.

* Mais il faut l'admettre, dans une élection il y a toujours une portion de loterie.

(26) Dans la portion d’univers qu’est notre planète […] (Bergson 1932 dans

Frantext).

* Dans la partie d'univers qu'est notre planète […] * Dans la part d'univers qu'est notre planète […] (27) Une partie de la neige a fondu.

* Une portion de la neige a fondu. * Une part de la neige a fondu.

Dans ce cas, quelles sont les modalités de la partition propres à part? Sont-elles les mêmes pour part, partie et portion ? Ces questions orienteront notre propre description de

part. Mais auparavant, examinons les analyses linguistiques consacrées à part.

2. Examen des travaux consacrés à part

Le substantif part n'a que modérément retenu l'attention des linguistes. Deux raisons au moins peuvent expliquer ce manque d'intérêt. Part souffre tout d'abord de sa concurrence avec partie. Part est ensuite victime, si l'on peut dire, de son succès dans la construction d'un nombre important de formes figées qui ont plus intéressé les linguistes que les

38 Certaines locutions ne présentent pourtant pas un figement total :

J’avais une grande part aux affaires de l’Etat (Chandernagor 1981 dans Frantext).

29 emplois non-figés. Seules D. Crévenat-Werner & M. Biermann-Fischer (1995) examinent les spécificités de part non-figé, dans le cadre d'une confrontation avec partie mais également avec d'autres substantifs partitifs tels portion, bout, morceau ou encore

tranche39. Concernant les formes figées, seules les deux locutions adverbiales quelque part et d'une part … d'autre part ont fait l'objet de travaux spécifiques40. Quelque part a suscité l'intérêt essentiellement à cause de l'émergence d'un nouvel emploi non spatial. Nous ferons le point sur une série d'articles sur le sujet, série entamée par C. Blanche-Benveniste (2001). L'auteur procède à un inventaire des emplois de part en français parlé avant de s'attacher à l'examen des deux formes figées quelque part et à part. Elle complétera l'analyse de quelque part dans un second article (2003) consacré au système adverbial construit sur la base de quelque (quelque part, quelque chose, quelquefois, quelqu'un). G. Kleiber & F. Gerhard-Krait (2006) viennent clore cette série en revenant exclusivement sur les emplois non spatiaux de quelque part. La seconde forme figée à avoir attiré l'attention des linguistes est la locution d'une part … d'autre part41. B. Combettes (1998) s'y intéresse dans une perspective diachronique, en décrivant les emplois de la locution en moyen-français. P. Péroz (1998) examine quant à lui les emplois contemporains de la locution. Voyons cela en détail.

2.1. D. Crévenat & M. Biermann-Fisher (1995)

D. Crévenat & M. Biermann-Fisher (1995) se penchent sur deux points qui nous intéressent tout particulièrement: la description et l'explication d'une importante contrainte d'emploi qui touche partie et une confrontation de différents substantifs partitifs dont part,

partie et portion.

2.1.1. Partie et les substantifs massifs concrets

D. Crévenat-Werner & M. Biermann-Fischer (1995) s'interrogent sur l'importante contrainte qui touche partie quand ce dernier est employé avec des substantifs massifs concrets (par exemple vin ou pain) dans les constructions du type x est une partie de Y, alors que dans un contexte identique, l'emploi des substantifs verre ou tranche ne pose pas

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Concernant tranche, nous renvoyons aux deux articles de D. Crévenat-Werner (1996) et (1997) qui y sont exclusivement consacrés.

40 On notera également l'intérêt porté par G. Kleiber (2005b) à à part dans le cadre d'une étude sur les constructions exceptives.

41 Notre choix se porte ici sur les deux travaux qui s'accompagnent d'une analyse sémantico-référentielle de

part. Nous proposerons dans le chapitre 6 un état des lieux plus complet avec, entre autres, les travaux de G.

Turco & D.Coltier (1988) qui traitent très largement de cette locution mais sans s'attarder spécifiquement sur

30 problème :

(28) * Un verre de vin est une partie de vin (op.cit.:107). Je bois un verre de vin (op.cit.: 107).

(29) * Une tranche de pain est une partie de pain (op.cit.:107). Je prends une tranche de pain (op.cit.: 107).

Cette contrainte est d'ailleurs double. Que la partie soit représentée par un syntagme nominal composé d'un déterminant et du substantif massif en question (du vin dans l'exemple (30)) ou bien par un syntagme constitué d'un nom support42 (verre et litre dans l'exemple (31)), l'emploi de partie est exclu:

(30) * Du vin est une partie de vin (op.cit.:109).

(31) * Un verre de vin est une partie de vin (op.cit.:107).

* Un litre de lait est une partie de lait (op.cit.:111).

* Une rondelle de citron est une partie de citron (op.cit.:112).

L'agrammaticalité de (30) doit, d'après les auteurs, être imputée à un effet de redondance produit par l'emploi du partitif dans du vin: "si X est défini comme une partie, l'emploi de la structure est une partie de devient inutile parce que redondant"(op.cit.:110). Ainsi, les déterminants "porteurs du trait sémantique de partition" (op.cit.: 110) produisent le même effet. Dans les deux exemples suivants, "le démonstratif à valeur déictique ce […] ou encore du quantifieur un peu de est appréhendé comme une partie d'un tout générique" (op.cit.:110):

(32) * Ce vin est une partie de vin (op.cit.:110).

(33) * Un peu de vin est une partie de vin (op.cit.:110).

L'agrammaticalité des exemples sous (31) s'explique par des mécanismes identiques: d'après les auteurs, les noms de contenant (verre), de mesure (litre) ou de forme (rondelle) impliquent ontologiquement une opération de partition: "il n'est plus nécessaire de catégoriser le référent de N dans la langue au moyen de la formule est une partie de" (op.cit.:112). Les auteurs précisent d'ailleurs que l'emploi de partie est tout aussi contraint lorsque le nom support est un partitif, par exemple morceau, bout, tranche, portion ou bien encore part:

(34) * Un morceau de fromage est une partie de fromage (op.cit.:115). (35) * Un bout de brioche est une partie de brioche (op.cit.:115). (36) * Une tranche de pain est une partie de pain (op.cit.:115). (37) * Une portion de gâteau est une partie de gâteau (op.cit.:115). (38) * Une part de tarte est une partie de tarte (op.cit.:115).

Cette contrainte est néanmoins levée si "le nom du tout est suivi d'une expansion, ici sous la forme d'une relative" (op.cit.:122):

(39) Le pot de confiture est une partie de la confiture que le petit chaperon rouge doit apporter à sa grand-mère (op.cit.:121).

Dans ce cas, le substantif massif confiture "fonctionne comme un nom comptable. Il s'agit d'une confiture spécifique: celle destinée à la grand-mère, par opposition à une autre

31 confiture spécifique, par exemple celle destinée à être vendue"" (op.cit.:122). Les auteurs s'appuient sur R. Langacker (1991) pour dire que "le nom du tout est recatégorisé comme un nom comptable parce qu'il désigne une région bornée dans un domaine, le domaine de l'espace" (op.cit.:122). Ce processus peut être résumé en termes d'inclusion, et donc de partition:

[…] le sous-ensemble "pot de confiture" est inclus dans l'ensemble "confiture destiné à la grand-mère" qui lui-même devient un sous-ensemble de l'ensemble "confiture" et qui s'associe à d'autres sous-ensembles tels que "confiture destinée à la vente" ou "confiture destinée à la consommation du ménage" (op.cit.:122).

2.1.2. Quatre catégories de substantifs partitifs

Le second point qui attire notre attention est l'analyse sémantico-référentielle des substantifs partitifs morceau, bout, tranche, portion et part.

Sur la base de trois critères (l'aliénation i.e. la séparabilité de la partie par rapport au tout, l'homéomérie i.e. l'identité structurelle entre la partie et le tout et enfin la fonctionnalité de la partie43), les auteurs distinguent quatre catégories de substantifs partitifs.

Une première catégorie est constituée par morceau et bout. Les référents de ces deux partitifs se caractérisent par leur séparabilité du tout, bien qu'ils n'indiquent pas avec précision ni la forme, ni la mesure de l'entité obtenue. Par ailleurs, ces deux mots ne donnent aucune indication quant au processus mécanique qui est à la base de la partition. La séparabilité s'accompagne d'une congruence ontologique44 c'est-à-dire d'une identité entre la partie obtenue et le tout d'origine. S'ajoute aux deux critères de séparabilité et d'homéomérie, une fonctionnalité: l'explication apportée est que "un bout ou morceau sera plus facile à prendre, tenir, manger, etc. que le tout" (op.cit.:116)45.

Le substantif tranche appartient à une seconde catégorie. "Un sémantisme plutôt vague du point de vue de la grandeur" (op.cit.:116) le rapproche de morceau et bout. Mais à l'inverse de morceau et bout qui n'apporte aucune précision sur les modalités de l'opération de partition, tranche s'associe à des prédicats partitifs spécifiques (couper, séparer en

tranches versus *casser, diviser en tranches). Tranche remplit par ailleurs les trois critères

de séparabilité (c'est la séparabilité dans la largeur qui est saillante), d'homéomérie (une tranche de pain c'est du pain) et de fonctionnalité, "puisque ce mot est toujours associé à une substance comestible: *une tranche de bois" (op.cit.:116).

Le substantif portion, ainsi que ration, appartient à une troisième catégorie. La partition en jeu est doublement caractérisée: elle est issue d'un calcul et orientée vers un

43 Les auteurs reprennent ici des critères de classification proposés par M.-E. Winston et al. (1987).

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Même si les auteurs précisent que "le caractère homéomérique de la partie et du tout n'est pas forcément évident, c'est-à-dire directement perceptible au moyen de nos sens" (op.cit.:116).

45 Nous reviendrons infra (cf. point 2.1.3.) sur les problèmes que pose l'application du critère de fonctionnalité.

32 destinataire46. S'ajoute à cela un critère de fonctionnalité puisque dans un cadre commercial, "le poids d'une portion facilite et simplifie sa vente" ((op.cit.:117). Les auteurs ajoutent que "les notions de forme, de mesure et de congruence ontologique semblent secondaires" (op.cit.:117).

La quatrième catégorie est constituée des substantifs part et partie47. Concernant part, tout comme pour portion, la partition est orientée et calculée. D'ailleurs, "un morceau sera appelé part lorsqu'il aura une forme et/ou une mesure" (op.cit.:118). Mais, alors que pour

portion, la mesure est liée à des contraintes économiques, concernant part, est elle

déterminée par une norme socio-culturelle: ce sont "les habitudes socio-culturelles qui expliquent la forme ronde des tartes et leur découpage en quatre, six, huit morceaux de forme triangulaire" (op.cit.:118). La caractéristique d'homéomérie est variable selon les emplois de part: alors qu'elle est évidente pour part de tarte (une part de tarte, c'est de la tarte), elle pose problème pour les emplois du type part d'héritage, une part d'héritage étant composée d'éléments différents (argents, maisons, terrains). Dans ce cas, les auteurs estiment, "qu'à défaut d'être physique, elle est tout au moins conceptuelle" (op.cit.:118). Le substantif partie quant à lui "contient définitoirement les trois critères dans son sémantisme" (op.cit.:120).

Le tableau suivant résume les différentes caractéristiques des partitifs examinés par D.Crévenat et M. Biermann-Fisher (1995):

Aliénabilité Homéomérie Fonctionnalité

Morceau/Bout + + +

Tranche + + +

Portion/Ration Caractéristique secondaire Caractéristique secondaire +

Part + + +

Partie + + +

Tableau 5

La classification de quelques substantifs partitifs d'après D. Crévenat et M. Biermann-Fisher (1995)

Concernant les trois critères d'aliénabilité, d'homéomérie et de fonctionnalité, les auteurs précisent qu'ils connaissent "divers degrés de saillance" (op.cit.:120). Ainsi, l'aliénabilité est mise en saillance par les substantifs verre ou grain, alors que l'homéomérie est mise en saillance par un substantif comme tranche et que le critère de fonctionnalité est davantage mis en avant par morceau ou part.

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D'après les auteurs, ration "réfère à la même entité tout en la situant dans une sphère temporelle" (op.cit.:117).

47 Partie est annoncé comme faisant partie de cette catégorie de partitifs. Mais il n'en sera fait mention que par le biais d'un commentaire diachronique sur l'origine commune de part et partie.

33 La spécificité de partie est de ne privilégier aucun de ces éléments. C'est ce qui explique, d'après les auteurs, son statut sémantique paradoxal. D'un côté, l'équilibre entre les critères ci-dessus implique un "aspect vague et général" qui "laisse croire à un emploi multi-reférentiel"(op.cit.:122). D'un autre côté, les lourdes contraintes d'emplois indiquent que ce n'est pourtant pas "un mot super-ordonné" (op.cit.:122): c'est "son insuffisance sémantique"(op.cit.:122) qui limite son utilisation à la place d'autre partitifs. C'est ce statut paradoxal qui expliquerait le confinement de partie dans les discours à caractère logique ou didactique "alors que tout autre forme de discours lui préfère généralement des termes spécifiques tels morceau, tranche, portion, etc. …"(op.cit.:123).

2.1.3. Bilan

Nous commencerons ce bilan par pointer les aspects qui nous semblent problématiques. Une première remarque concerne des aspects méthodologiques. Les auteurs n'expliquent pas le choix des substantifs analysés (morceau, bout, tranche, portion, part et partie) et on peut se demander pourquoi d'autres partitifs comme fragment ou fraction par exemple, se trouvent exclus de l'analyse. De même, le rapprochement avec des substantifs non partitifs, les noms "supports" comme litre, kilo, verre ou encore grain, n'est pas motivé et peut donner un sentiment de dispersion. Mais le rapprochement avec les partitifs n'en est pas moins intéressant et nous retenons avec un vif intérêt l'orientation de l'examen des partitifs vers des problématiques quantitatives.

Une seconde remarque concerne l'application des critères d'analyse (séparabilité, homéomérie et fonctionnalité). Certains exemples posent problème dans l'application des critères. C'est le cas de certains emplois de part par rapport au critère d'homéomérie. Le référent du syntagme une part d'héritage est constitué d'une diversité d'éléments (argent, biens divers et variés); la part est ainsi différente du tout c'est-à-dire de l'héritage dans sa globalité. Les auteurs précisent bien qu'il n'y a plus aucune identité structurelle entre la part d'héritage et l'héritage, mais l'identité est d'après eux conceptuelle. De nombreux exemples sont analysés ainsi, en faisant appel à une homéomérie conceptuelle48. L'inconvénient d'une telle démarche est, qu'au final, tous les exemples finissent par répondre par la positive aux différents critères (tout est séparable et homéomère), qui perdent, par ce biais, toute capacité différenciative. C'est d'ailleurs ce qu'indique le tableau 5: les différents substantifs ne sont plus distingués les uns des autres. On notera par ailleurs que c'est surtout l'application du critère de fonctionnalité qui pose problème. Les explications proposées par les auteurs pour justifier la fonctionnalité de morceau, bout, tranche, portion et part ne nous semblent pas suffisantes: le fait qu'un morceau ou un bout, soit plus facile à tenir ou à manger que le tout dont il est issu ne lui confère aucune fonctionnalité. D'ailleurs concernant part, le jugement des auteurs nous paraît extrême. C'est, d'après eux, dans le sémantisme de part et morceau que le critère de fonctionnalité est le plus saillant. Concernant part, c'est l'aspect normatif du découpage qui conditionnerait la fonctionnalité de ce partitif.

34 Les résultats de l'analyse proposée D. Crévenat & M.Biermann-Fischer (1995) sont néanmoins intéressants et cela à plus d'un titre.

Tout d'abord, si les critères employés se révèlent insuffisant dans le cadre d'une problématique de différentiation des partitifs, le résultat obtenu indique par contre l'existence et l'homogénéité d'une sous-catégorie de substantifs partitifs. Cette étude tend en effet à montrer que les partitifs analysés ont des propriétés sémantico-référentielles très proches. Il conviendra donc, dans notre propre description de part, de s'intéresser aux partitifs qui gravitent autour du trio part, partie et portion.

Parmi les critères convoqués pour analyser morceau, bout, tranche, portion, part et

partie, ce sont surtout des critères plus secondaires qui éveillent notre intérêt. Nous

reviendrons bien sûr sur les trois notions de fonctionnalité, d'aliénabilité et d'homéomérie, mais nous serons également attentifs à l'idée de calcul et de destination. Ces deux points fournissent d'ailleurs un point commun entre part et portion. La différence proposée nous pose davantage problème car elle repose sur des considérations moins linguistiques: d'après les auteurs, la partition qu'implique part repose sur des normes socio-culturelles alors que ce sont des contraintes économiques qui conditionnent un découpage en portion.

Voyons à présent ce que peut nous apprendre l'examen des travaux consacrés à la locution adverbiale quelque part.

2.2. L’analyse de part dans les études consacrées à l’adverbe quelque part

2.2.1. C. Blanche-Benveniste (2001) : l’analyse de certains emplois de part qui résultent d’un processus de grammaticalisation

Dans l’article intitulé Grammaticalisation d’un terme de lieu : quelque part et mis à part, C.Blanche-Benveniste se propose de réfléchir sur les emplois contemporains de part. Après avoir dressé un inventaire des emplois de part en français parlé, elle montre comment part est touché, à lui seul, par plusieurs schémas de grammaticalisation49.

C’est tout d’abord dans le cadre d’un parallèle avec les substantifs place, lieu, côté qu’elle fait mention de part. "Ces expressions relatives au lieu et au mouvement" (2001 :83) ont en commun d’avoir donné naissance à de nombreux outils grammaticaux, évolution qu’elle traite comme un processus de grammaticalisation. Part est ainsi à l’origine des mots grammaticaux quelque part, autre part, nulle part, de part en part, d’une part, d’autre

part, ... Part, ainsi que place, lieu50 et côté sont ce qu’elle appelle "des mots à

49 La grammaticalisation, introduite par A.Meillet (1905), se définit comme un processus d’évolution au travers duquel un mot passe d’un statut lexical à un statut grammatical.

35 fonctionnement multiple" en faisant référence au Bon Usage (1998) qui parlait de mot "au statut grammatical instable".

A propos de part elle apporte la précision suivante :

Part a fonctionné autrefois comme un locatif déterminé, la part, telle part, au

même titre que l’endroit, tel endroit :

Enterrez-les en veue du soleil, la part que vous voudrez (Rabelais, cité par

Littré).

Il ne fonctionne aujourd’hui que pour désigner des lieux indéterminés, quelque

part, autre part, nulle part, de part en part, et dans des locutions comme d’une part, d’autre part, ceci mis à part, à part cela (op.cit.:83).

L'auteur souligne également que part sert de modèle dans la construction d'un système relativement complet de formes qui expriment l'indétermination locative, en français mais également dans d'autres langues romanes. Ce système s'organise en trois séries, l’indéfini, le négatif et l’altérité:

Indéfini Négatif Altérité Portugais qualquer parte nenhuma parte outra parte Espagnol alguna parte ninguna parte otra parte

Italien qualche parte nessuna parte - Français quelque part nulle part autre part

Tableau 6

Les adverbes locatifs construits avec part en portugais, espagnol, italien et français, d'après C.

Blanche-Benveniste (2001)

2.2.1.1. Les emplois de part en français parlé

Sur la base d’un corpus de français parlé, l'auteur dénombre douze emplois de part. Nous les regroupons dans le tableau suivant (cf. tableau 7), accompagnés des descriptions de l'auteur (souvent empruntées aux dictionnaires) et de quelques exemples. Si l'auteur ne commente pas véritablement son inventaire, elle signale néanmoins que "le corpus de français parlé offre des exemples correspondant à peu près à toutes les rubriques que signalent les dictionnaires"(op.cit.:84).

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Emplois Description Exemples

part Portion d'une chose divisée Elle nous a laissé la plus grosse part du gâteau. de la part de Partie d'un espace, côté, direction C’est gentil de sa part.

avoir part Ils arrivent à faire la part des choses

prendre part Me faire part de sa déconvenue

faire la part de

faire part

Participation à un ensemble

à part entière Sens dérivé du précédent, dans un

emploi qualifiant C’est une femme à part entière

Elle est touchée d’une part parce que il y a un manque à gagner51

d'une part … d'autre part Endroit au figuré

Et puis d'autre part ça donnait des cours très calmes quelque part Endroit indéterminé Elle rentrera comme infirmière quelque part quelque part Avec une valeur d'approximation Quelque part ça m’amuse vachement