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J’envisageai, dès le début, de mener une trentaine d’entretiens auprès d’anciens cadres des deux institutions. Le premier objectif assigné à ces entretiens était de me donner des clefs de lecture des documents. En effet il m’apparaissait que la seule consultation

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CUCES, ACUCES et CPST-PIC

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En particulier pour B. SCHWARTZ, auquel le guide d’entretien ne pouvait s’appliquer de la même façon, P. OLMER et M. DESHONS (partiellement pour ce dernier), acteurs privilégiés de la première période du CUCES de 1954 à 1960, ou encore pour C. GAGNY dont la position quasi extérieure au « CUCES » obligeait à modifier les questions.

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Cf. annexe 1-3

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Notamment des entretiens ont été menés également avec des personnes ayant travaillé à l’ACUCES après 1973 (donc en dehors de ma période d’étude) ou au CUCES-universités actuel

d’archives dont j’ai souligné par ailleurs les lacunes, ne suffirait pas à ma compréhension. Les entretiens devaient donc me permettre d’entrer en contact avec le passé par un biais moins formel, plus humain. En particulier le vécu affectif de ces années-là m’était précieux. Une histoire désincarnée, froide, dépassionnée n’aurait eu aucun attrait pour moi et j’avais besoin d’entrer en relation empathique avec ses acteurs pour accéder à une intelligibilité du registre sensible qui me semblait au moins aussi important que celui des logiques supposées rationnelles. Je dois dire que de ce côté là, mes attentes ont été dépassées, et que la difficulté a davantage consisté à prendre du recul pour ne pas me laisser moi-même prendre dans le piège affectif. Je ne suis pas certaine d’y être toujours parvenue.

Je savais qu’en faisant appel aux souvenirs, j’avais de fortes chances d’obtenir des informations approximatives, faussées et très peu fiables quant à leur datation. Je ne comptais donc pas sur les entretiens pour recueillir des informations sur des « faits » historiques, hormis sur le parcours individuel des personnes interviewées. En cela j’avais tort car si j’avais dû m’en tenir aux informations contenues dans des documents « donnés », je n’aurais pas eu beaucoup à raconter. C’est la plupart du temps à partir d’informations recueillies en entretiens qu’une reconstitution chronologique a pu être possible et que des faits saillants me sont apparus comme ayant du sens au regard de certaines continuités ou ruptures. Bien entendu, ce sont des informations qu’il a fallu vérifier et préciser, soit en essayant de recouper les témoignages, soit en cherchant à en retrouver une trace documentaire, soit encore dans le meilleur des cas en procédant aux deux. Si bien qu’entretiens et consultation d’archives sont devenus les deux moyens complémentaires et en interaction continue du recueil d’informations : tel entretien poussant à rechercher tel document, tel document amenant telle personne interviewée à donner du sens aux écrits, ou encore à m’inciter à aller interviewer telle autre personne… Comme pour la consultation d’archives, la phase d’entretiens, dont je pensais qu’elle serait courte et préliminaire, n’a jamais cessé tout au long de ces quatre années de recherche.

Quant au choix des personnes à interviewer, il s’est effectué de manière très empirique. Ne pouvant m’appuyer sur aucune liste officielle des effectifs des institutions, il a fallu procéder par recoupements. Plusieurs méthodes ont donc été mises en œuvre, s’appuyant sur le croisement d’informations en provenance de sources différentes.

Pour ce qui concerne les sources documentaires, je me suis tout d’abord appuyée sur les listes de membres du comité de rédaction de la revue Education Permanente, en étudiant les changements qui s’opéraient dans le temps. Les premiers numéros de la revue précisent en effet l’appartenance institutionnelle des personnes. J’ai pu recouper une

première liste de personnes avec, pour l’INFA, celle des auteurs de rapports d’études publiés dans la collection des documents de l’INFA, dont je trouvai une liste (exhaustive ?) dans les sous-sols de l’INRP et, pour le CUCES, avec des bribes d’organigrammes fournis par les comptes rendus d’activité.5 Des comptes rendus de réunions retrouvés par la suite m’ont permis de compléter cette liste et de valider les choix. Les entretiens ont constitué une source complémentaire d’informations. A chaque personne interviewée je demandais quelles étaient, à son avis, les personnes que je devais absolument rencontrer. Chacun me citait alors quatre ou cinq noms, parfois en m’indiquant où joindre les personnes. On pourrait objecter que cette façon de faire reproduit d’une certaine manière la cooptation qui a présidé au recrutement des premiers cadres du Complexe. Ce risque est cependant limité par le croisement avec les sources documentaires. En outre, la diversité des personnes interviewées et de leurs points de vue sur l’histoire du Complexe, de par leur appartenance passée à des institutions différentes (INFA et CUCES, mais aussi CPST-PIC6) ou de par leur présence à Nancy à des périodes très différentes (avant 1960, de 1960 à 1967, après 1968) laissent peu de place à l’omission monumentale. J’ai donc pris soin de recueillir des témoignages de personnes engagées sur des actions ou dans des équipes différentes (en situation de responsabilité ou non), et dans la lutte syndicale au sein des deux syndicats présents au CUCES (CGT et CFDT), notamment pour la période qui succède à 1968. J’attachai par ailleurs de l’importance à la variable sexe et donc à recueillir le témoignage de femmes. Le fait qu’elles soient sous-représentées dans la population des personnes interviewées correspond cependant à une réalité de l’histoire de ces institutions. Dire que j’ai pu interroger toutes les personnes que je souhaitais rencontrer serait excessif. Il a en effet fallu composer avec d’autres contraintes, comme ma faible mobilité due à la fois aux manques de moyens et à une maternité survenue en janvier 1996, la non-disponibilité de certaines personnes7 au moment de mes trop rares déplacements à Nancy, ou encore l’éparpillement géographique des anciens du Complexe sur l’ensemble du territoire national. Ce dernier handicap a pu être limité par le fait que certains d’entre eux ont pu profiter d’un déplacement dans la capitale pour répondre à ma sollicitation.8 Enfin, il n’a pas été possible de retrouver la trace de certaines personnes.

Il aurait été envisageable enfin d’interviewer d’autres types d’acteurs comme d’anciens administrateurs ou d’anciens stagiaires du CUCES. Pour ce qui concerne les premiers, notons que leur moyenne d’âge était déjà relativement élevée dans les années 60.

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Notamment celui de 1964 qui dresse un état de l’effectif du CUCES par action et par fonction très complet.

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Centre de promotion supérieure du travail et de perfectionnement des ingénieurs et cadres

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Beaucoup ne sont plus, ceux qui restent sont très âgés. Quelques-uns sans doute auraient pu répondre à mes questions. Si j’avais été basée sur Nancy, il est probable que j’aurais essayé de prendre des contacts de ce type. Quant à interviewer d’anciens stagiaires, c’est une option que j’ai très vite écartée, pour plusieurs raisons. L’approche institutionnelle que j’ai choisie m’obligeait à m’intéresser à l’ensemble des actions, en tant que production des organisations - et non pas en elles-mêmes - et m’interdisait donc d’approfondir telle ou telle. Interroger un panel d’anciens stagiaires représentant chacune des actions devenait donc matériellement impossible car parfaitement démesuré. En outre, la connaissance forcément partielle des institutions d’anciens stagiaires (l’action du CUCES a été très compartimentée) ne me semblait pas de nature à enrichir ma perception des choses. Bien entendu, dans le cadre d’une éventuelle recherche centrée sur l’une ou l’autre des actions du CUCES, une démarche de ce type s’imposerait.