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3 - DEPARTEMENT EDUCATION PERMANENTE

31. Les conditions de rédaction du texte de septembre 1961

On retrouve dans les conditions de rédaction de ce texte une démarche qui prévaudra largement dans l'action future du CUCES, et qui est que toute mise en place d'une action doit faire l'objet d'une étude préalable. La démarche peut sembler banale, voire évidente... Mais, et c'est là son intérêt, elle est engagée de manière systématique et rigoureuse. Ainsi la phase d'étude :

- répond à des objectifs énoncés : opérationnaliser les orientations prises par le texte de 1960 (notamment en mettant en place une institution et une organisation adaptées à ces exigences)

- contient à la fois de la réflexion et de l'action (elle ne se fait pas "en chambre")

- correspond à un certain coût, des moyens humains, en temps, en argent, lui sont donc dévolus

- est le fait d'une équipe, les résultats seront discutés collectivement

Se dessine là un schéma qui va se préciser au fil des ans et qui sera largement pratiqué au CUCES en tant que première étape de « l'intervention » (analyse de la demande, entretiens préalables, etc.). Le propos n'est pas d'affirmer que le CUCES invente la démarche, ce qui serait excessif, mais de souligner le systématisme de son utilisation dès ces années là et le souci qui est celui de la première équipe de concevoir l'action comme devant mêler étroitement théorie et pratique, expérimentation et discussion collective.

Parmi les caractéristiques de la démarche d'étude, la question des moyens est centrale. Ici, B. SCHWARTZ a su négocier son projet de "mobilisation générale pour une instruction générale", notamment avec G. BERGER. Grâce aux financements et aux postes obtenus il peut augmenter son « équipe » de deux membres, J.-J. SCHEFFKNECHT et G. LAJOINIE. Bien qu'ils n'intègrent pas tout de suite le CUCES

en tant que salariés de l'institution ce ne sera d'ailleurs jamais le cas pour G. LAJOINIE ils constitueront en fait, avec M. DESHONS, les piliers de la première équipe.

Notons que B. SCHWARTZ connaît bien ces trois personnes pour les avoir déjà vues travailler pour son compte à l’Ecole des Mines1.

G. LAJOINIE, ancien élève de G. FRIEDMANN, syndicaliste, militant CGT et communiste, est également très ouvert. Il n’hésite pas à répondre aux demandes du patronat (CNPF, UIMM) lorsqu’il s’agit de faire passer le message qu’il est possible d’améliorer les conditions de travail dans les entreprises. En 1960, il a 37 ans et déjà une grande expérience en tant que sociologue du travail à la COFROR. Il est « l’intellectuel », celui qui nourrit la réflexion notamment en conseillant des lectures et il fera découvrir la sociologie à plus d’un cadre du CUCES.

J.J. SCHEFFKNECHT, lui, est beaucoup plus jeune. Á 28 ans, militant de Peuple et Culture, avec des idées très progressistes sur l’éducation, la perspective d’une carrière dans l’enseignement traditionnel ne le passionne pas. Il s’investit bien davantage dans les arts dramatiques et les spectacles de marionnettes qu’il présente dans des cabarets ou encore dans la formation qu’il dispense auprès de moniteurs de colonies de vacances en tant qu’instructeur national en art dramatique. La rencontre avec B. SCHWARTZ est pour lui une aubaine qui lui permet d’échapper à un destin tout tracé.2

Cette équipe se répartit les tâches : enquête auprès de quelques entreprises réputées en pointe en matière d'éducation des adultes (dont Berliet, Les Charbonnages de France), contact avec l'association des formateurs d'entreprise, stage à Peuple et Culture et lectures diverses.

Les références sont nombreuses et éclectiques :

- les méthodes d'éducation actives (d'influences Wallonniennes plus que Piagetiennes) - l'entraînement mental de J. DUMAZEDIER

- la littérature américaine sur l'éducation des adultes (déjà foisonnante à l'époque et qui contraste avec le désert français en la matière)

- les théories du leadership et de la dynamique des groupes - des écrits de personnalités diverses : M. MEAD, G. BERGER...

Cette étude est augmentée d'un travail commandité à deux autres personnes appartenant au Bureau d'Etudes en Organisation dont fait partie Guy LAJOINIE : Gisèle DENIS et

1

B. SCHWARTZ qui faisait une grande consommation d’intervenants puisque les cours de l’Ecole des Mines étaient partagés en petits groupes et qui connaissait M. DESHONS pour des raisons extra-professionnelles (matchs de volley-ball le dimanche après-midi) lui avait effectivement demandé d’intervenir dans les cours d’expression orale et écrite, en tant que répétiteur. (Entretien M. DESHONS)

2

Alain BERCOVITZ. Il s'agit pour eux d'élaborer une procédure méthodologique d'analyse des besoins en formation (voir chapitre 4)

Comme le fait remarquer J.-J. SCHEFFKNECHT, la novation a moins consisté à inventer des choses nouvelles qu'à rassembler des pratiques et des théories éparses et de les avoir restructurées et mises en expérimentation au service d'un objet nouveau en France dans ces années là : l'éducation des adultes.3

En parallèle aux visites, aux recherches plus théoriques et aux discussions, les premières expérimentations sont mises en chantier chez Peugeot par J.-J. SCHEFFKNECHT, avec le projet d’un premier séminaire de 15 ingénieurs-formateurs qui doivent suivre une formation à l'entraînement mental et à la dynamique des groupes et dont la mission sera de former eux-mêmes des contremaîtres. Le projet du contenu des sessions figure en page 29 du texte de septembre 1961 et l’action débute véritablement en décembre de la même année, avec le soutien de R. JOSSE et du BASSEPI et avec la contribution de l’équipe de M. CROZIER. D'autres terrains d'application sont recherchés, notamment aux Ciments Lafarge et auprès de différentes personnalités d’un monde patronal « social », progressiste, figurant dans le carnet d’adresses de B. SCHWARTZ. Ces premiers chantiers permettront de commencer à modéliser un certain style d'intervention qui sera pratiqué par la suite dans de nombreux autres lieux : dans des entreprises publiques ou privées (Assistance publique, Office Chérifien des Phosphates, Forges de Strasbourg, etc.) et encore plus tard, non sans de profondes adaptations, en milieu ouvert (bassin ferrifère et bassin houiller...).

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