5. Mesures de la vitesse de chute des particules en suspension
5.1. Quels sont les param`etres mesurables ?
5.1.1. Les param`etres quantifiant la distribution de vitesses de chute d’une population de
particules
Nous avons vu que les mati`eres en suspension contiennent des particules de plusieurs types, et qu’il
n’existe pas de relation g´en´eralisable entre taille et vitesse de chute. Pour caract´eriser les propri´et´es
de transport d’une suspension, il est donc n´ecessaire d’en mesurer directement les vitesses de chute.
Dans la section suivante, nous allons pr´esenter les grandes familles d’outils de mesure qui peuvent ˆetre
utilis´es. Les vitesses de chute des particules d’une suspension naturelle s’´etalent souvent sur plusieurs
ordres de grandeurs. De nombreuses techniques de mesure sont indirectes et ne sont pas sensibles
aux mˆemes param`etres. Ainsi il est important de bien d´efinir les diff´erentes vitesses qui peuvent ˆetre
utilis´ees pour d´ecrire la distribution des vitesses de chute.
On consid`ere une suspension de itypes de particules avec des vitesses de chute respectives W s
iet de tailles caract´eristiques respectives d
i. En notant n
ile nombre de particules du typei on peut
d´efinir les distributions de la vitesse de chute en fonction :
- du nombre de particules n
i,
- du diam`etre des particules d
i·n
i,
- de la surface des particules d
2i
·α
2,i·n
i=c
S,i,
- du volume des particules d
3- de la masse des particules d
3i·α
3,i·ρ
i·n
i=c
m,i,
Avec α
2,iet α
3,ides param`etres de formes, ρ
ila masse volumique apparente de chaque type de
particules ietc
S,i,c
v,ietc
m,iles concentrations surfacique, volumique et massique en particules i.
Pour chacune de ces distributions, on peut d´efinir une vitesse moyenne. Les vitesses de chute
moyennes en nombre W s
n, en diam`etre W s
d, surfacique W s
S, volumique W s
vet massique W s
msont d´efinies par :
W s
n=
P
iW s
i·n
iP
in
i=
Φ
nn
i,
W s
d=
P
iW s
i·d
i·n
iP
id
i·n
i=
Φ
nP
id
i·n
i,
W s
S=
P
iW s
i·d
2i·α
2,i·n
iP
id
2 i·α
2,i·n
i=
P
iW s
i·c
S,iP
i·c
S,i=
Φ
SS
v,
W s
v=
P
iW s
i·d
3 i·α
3,i·n
iP
id
3 i·α
3,i·n
i=
P
iW s
i·c
v,iP
i·c
v,i= Φ
vc
v,
W s
m=
P
iW s
i·d
3i·α
3,i·ρ
i·n
iP
id
3i·α
3,i·ρ
i·n
i=
P
iW s
i·c
m,iP
i·c
m,i=
Φ
mc
m,
(2.29)
avec Φ
n, Φ
d, Φ
S, Φ
vet Φ
mrespectivement les flux de chute num´erique, en diam`etre, surfacique,
volumique et massique.
Les vitesses moyennes d´efinies `a partir de ces distributions sont li´ees entre elles par les covariances
entre la vitesse de chute W s
iet les autres param`etres de la distribution (d
i,α
i,φ
i). Par exemple la
vitesse moyenne en nombre W s
nest li´ee `a la vitesse moyenne en tailleW s
dpar :
W s
d=W s
i·d
i·n
i=W s
n·d
i+cov((W s
i·n
i),(d
i))
d
i, (2.30)
avec cov((W s
i·n
i),(d
i)) la covariance entre la vitesse de chute et la taille des particules. Si la taille
des particules n’est pas corr´el´ee `a leur vitesse de chute alors W s
net W s
dsont identiques. Dans la
plupart des suspensions, la vitesse de chute est corr´el´ee au diam`etre des particules et W s
n< W s
d<
W s
S< W s
v. Les mesures deGratiot
&Manning, 2004 montrent que cette corr´elation peut ˆetre
faible pour des particules fortement flocul´ees, alors qu’elle est maximum pour des particules dont les
formes seraient identiques.
5.1.2. Mesures de la taille de particules de formes irr´eguli`eres
L’observation de particules en microscopie optique ou avec un syst`eme holographique donne une
image (2D) du projet´e de la particule. Dans le cas de particules de formes complexes telles que les
flocs, il est possible de d´efinir plusieurs tailles (1D) caract´erisant ces particules. D’autres m´ethodes
de mesure, comme le tamisage, le calcul d’une taille `a partir de la vitesse de chute ne donnent qu’une
taille de particule. La diffractom´etrie laser est une technique tr`es utilis´ee en granulom´etrie. Cette
technique permet de recalculer la distribution des tailles de particules d’une suspension `a partir de
l’intensit´e laser diffract´ee `a plusieurs angles. Le calcul n´ecessite un mod`ele d’inversion, bas´e sur la
th´eorie de Mie, qui peut prendre en compte des param`etres de forme des particules et leur indice de
r´efraction [Andrewset al., 2010]. Le r´esultat est une quantit´e de particules dans diff´erentes classes
de tailles.
Andrewset al. [2010] etGrahamet al. [2012] ont ´etudi´e `a quelles mesures de taille correspondent
les mesures laser dans le cas de s´ediments naturels de formes complexes et sont arriv´es `a la conclusion
que la diffraction laser est sensible aux diff´erentes ´echelles de taille pr´esentes dans une structure
complexe.Grahamet al. [2012] comparent les mesures de LISST-100X (granulom`etre laser de terrain)
avec des images obtenues par holographie pour des suspensions maritimes. La taille d’une particule
complexe peut ˆetre quantifi´ee par la longueur des trois axes du parall´el´epip`ede dans laquelle elle est
contenue (axe majeur L
1: taille dans la direction d’´elongation maximale, axe m´edian L
2, et axe
mineur L
3). Pour l’´etude de particules `a partir d’imagerie 2D, il est ´egalement courant de d´efinir le
diam`etre sph´erique ´equivalentESD[Droppoet al., 1997], correspondant au diam`etre d’un cercle de
mˆeme surface que le projet´e de la particule :
ESD=
r
S
4·D (2.31)
avec S la surface projet´ee de la particule. Pour mesurer les tailles des petites structures secondaires
qui forment les flocs, Graham et al. [2012] d´efinissent un algorithme de recouvrement des surfaces
projet´ees des particules par des cercles de taille d´ecroissante (figure 2.27). L’algorithmecircle packing
commence par d´efinir la taille du cercle le plus grand inscrit dans le projet´e 2D de la particule, puis le
plus grand cercle inscrit dans l’espace non couvert par le premier cercle et ainsi de suite. Ceci permet
de d´efinir toutes les petites sections comprises dans une particule de forme complexe.
Figure 2.27 – Exemple de r´esultat de la couverture par des cercles de particules naturelles observ´eesin-situ en milieu cˆotier : couverture par les cercles de tailles variables, et histogramme des distributions en nombre et en surface des cercles inscrits. D’apr`esGraham et al. [2012].
La figure 2.28 pr´esente la distribution granulom´etrique mesur´ee par le LISST, ainsi que les
dis-tributions en diam`etre sph´erique ´equivalent L
ESD, en taille de l’axe majeur L
1, et celle des cercles
plac´es en circle packing, d´efinies `a partir d’une cam´era holographique pour une suspension de la
baie de Plymouth (Angleterre). La figure 2.28 montre ainsi que la distribution de taille mesur´ee par
diffraction laser correspond `a la somme des distributions des axes majeursL
1et des cercles compris
dans la particule (circle packing).
Figure2.28 – (a) Exemple de taille caract´eristique pour un floc cˆotier : taille de l’axe majeurL1 (rouge), de l’axe mineurL3 (noir) et du diam`etre sph´erique ´equivalant LECD (bleu). (b) Distribution en nombre de particules mesur´e par granulom´etrie laser (LISST-100X : en vert), et distribution num´erique des diam`etres sph´eriques ´equivalents LESD (ECD : en bleu), des tailles de L1 (en rouge), et des cercles inscrits (circle packing en noir) mesur´ee `a partir d’une cam´era hologra-phique en baie de Plymouth. (c) Exemple de cercles inscritscircle packing dans des particules de la baie de Plymouth. D’apr`esGraham et al. [2012].
La figure 2.29 pr´esente sch´ematiquement les distributions de tailles mesur´ees au granulom`etre laser,
la taille L
1, l’ESD, ainsi que la distribution des cercles inscritscircle packing pour diff´erentes formes
de particules. Dans le cas d’une particule sph´erique (figure 2.29 A), toutes ces mesures donnent la
mˆeme taille qui correspond au diam`etre de la sph`ere. Pour une particule allong´ee (figure 2.29 B), la
granulom´etrie laser donnera une distribution bimodale, avec un pic correspondant `a la taille dans la
direction d’´elongation maximaleL
1, et un pic correspondant `a la tailleL
3(ici ´egale `aL
2et `a la taille
des cercles inscrits). Pour un floc de forme complexe (figure 2.29 C), la granulom´etrie laser donnera
une distribution de taille dispers´ee, allant de la taille L
1`a la taille du plus petit cercle inscrit et
contenant toutes les tailles de cercles inscrits.
Figure2.29 – Repr´esentation sch´ematique des r´eponses d’un granulom`etre laser pour trois types de particules
(A, B et C) de formes inconnues (colonne 1). La taille des particules primaires formant les flocs est indiqu´ee par les fl`eches et les lettres (a-f). Les colonnes centrales repr´esentent les tailles de l’axe majeur L1, du diam`etre sph´erique ´equivalant LESD et des cercles inscrits qui peuvent ˆetre mesur´ees `a partir des hologrammes. La colonne de droite repr´esente la forme r´eelle du floc. D’apr`esGrahamet al. [2012].