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Partie I Synthèse

5.2 Perchaudes des lacs de références et impact de la contamination sur les paramètres

5.2.2 Paramètres biométriques – Poids des cæca pyloriques

Malgré la grande variabilité du poids des cæca pyloriques et l'apparente importance des différences saisonières (voir figure 11) des tendances pour le poids des cæca pyloriques le long du gradient de contamination ont été identifiées dans chaque région. Bien que ces sources de variation apportent un degré d'incertitude sur les tendances observées, le rapprochement des échantillonnages dans une même région (environ 1 semaine) rend l'indentification d'une tendance plausible.

Dans la région de Rouyn-Noranda, la tendance est pour des cæca pyloriques plus petits dans les lacs contaminés, particulièrement dans le lac Dufault. Bien que les différences de poids parmi les lacs étaient rarement statistiquement significatives, cette tendance est visible pour tous les échantillonnages à Rouyn-Noranda. Basées sur les résultats de laboratoire, ces tendances indiqueraient que les perchaudes dans les lacs contaminés de la région de Rouyn-Noranda consomment moins de nourriture, une observation faite pour les perchaudes des mêmes lacs dans une autre étude (Kovecses et al., 2005).

La tendance est inversée pour les perchaudes de la région de Sudbury et indiquerait qu'elles consomment plus quand elles vivent dans des lacs contaminés. Mais encore une fois, les différences sont petites et rarement significatives. En 2004 et 2005 les cæca pyloriques ont été récoltés l'été, la saison où les perchaudes des lacs contaminés ont tendance à augmenter leur indice d'embonpoint (figure 10, Audet et Couture (2003)). Bien que les cæca pyloriques perdent du poids l'été (en présumant que la tendance à Rouyn-Noranda s'applique à Sudbury), si les perchaudes des lacs contaminés ne réduisent pas leur consommation autant que dans les lacs de référence, leur cæca pylorique perdront moins de poids. Mais certaines études rapportent des tendances oppposées à celles suggérées par nos résultats pour les cæca pyloriques. Des études

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antérieures ont démontré que les invertébrés sont moins diversifiés dans les lacs contaminés (Borgmann et al., 2001; Iles et Rasmussen, 2005) et que les perchaudes de certains lacs de référence en consomment plus (Iles et Rasmussen, 2005).

Encore une fois, l'amplitude des variations pour le poids des cæca pyloriques pour les perchaudes de terrain était beaucoup moins importante que celle observée en laboratoire. La différence entre le poids des cæca pyloriques des perchaudes sur la ration S et celles sur la ration M était de 13x, ceci pour une différence de régime de 6x. En comparaison, les différences de poids des cæca pyloriques observées le long des gradients de contaminations, variaient entre 1.23x et 1.42 (poids maximum/minimum, calculé pour chaque année/région). Ceci indiquerait que les différences potentielles de la consommation des perchaudes le long des gradients de contamination n'étaient pas très grandes. En se basant sur les résultats de laboratoire, faisant la supposition que les cæca pyloriques des perchaudes de terrain ont eu le temps de réagir aux changements de consommation, ces résultats pointeraient vers une différence de consommation d'environ 10-15 %. Ces différences seraient très petites, comparées à celles du laboratoire. Cependant, en tenant compte de l'importante restriction énergétique des perchaudes sauvages (comme en témoignent leurs faibles indices d'embonpoint et lipidique), ces différences dans la consommation pourraient être suffisantes pour avoir des répercussions sur la santé des perchaudes.

Mis à part leur potentiel comme indicateur de consommation, les cæca pyloriques semblaient aussi avoir beaucoup de potentiel comme indicateur de contamination, surtout pour les métaux non essentiels. Un examen des gradients de Cd dans les deux régions et du Ni à Sudbury démontre que les concentrations dans les cæca pyloriques représentent bien les gradients historiques, ainsi que les gradients dans la diète. L'utilisation des métaux dans les cæca pyloriques comme indicateur de contamination présente plusieurs avantages possibles. En

utilisant les métaux assimilés, toutes les ambiguïtés entourant la biodisponibilité sont prises en compte. De plus, puisque la demi-vie biologique des métaux dans le tissu intestinal varie de quelques jours à un mois (Kraemer et al., 2005b), les concentrations de métaux dans les cæca pyloriques intégreraient la contamination sur une certaine période de temps. Ceci est plus avantageux que de mesurer les concentrations de métaux dans la diète car les concentrations dans les cæca pyloriques sont un amalgame des diverses sources potentielles et représentent la contamination moyenne à laquelle la perchaude est exposée. De plus, le poids corrigé des cæca pyloriques ne semble pas être affecté par la présence des métaux (Voir Article 3, Partie II). Ceci est un avantage car les concentrations des métaux ne seraient pas altérées par des changements de poids liés à des effets toxiques.

Un autre aspect potentiellement intéressant est que les concentrations de certains métaux dans les cæca pyloriques pourraient prendre en compte la contamination de source aqueuse. D’autres chercheurs ont proposé que jusqu'à 70 % du Cd accumulé dans les intestins des perchaudes vivant en milieu contaminé pourrait être de provenance aqueuse (Kraemer et al., 2008). Ceci indiquerait que les concentrations de métaux dans les cæca pyloriques pourraient être utilisées comme indicateur de contamination globale, pas seulement de la contamination alimentaire.

Cependant, l'utilité des cæca pyloriques comme indicateur de contamination métallique ne semble pas s'étendre aux métaux essentiels comme le Cu. Malgré des gradients importants de Cu dans la diète et le foie, un gradient similaire n'était pas présent dans les cæca pyloriques. L'absence d'un gradient de concentration pour le Cu pourrait avoir plusieurs explications. Une première serait possiblement sa demi-vie biologique courte, environ 4 jours, dans les tissus intestinaux des perchaudes (Kraemer et al., 2005b). Une autre explication possible pour le

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majorité du Cu qui est présent dans la diète. Des expériences où des truites arc-en-ciel ont été exposées à des doses de Cu (équivalent de 3 µg Cu/g diète à 3000 µg/g) ont démontré que les intestins n'ont pas atteint des concentrations élevées de Cu, même au plus haut niveau d'exposition (Clearwater et al., 2000). Des résultats similaires ont aussi été obtenus pour le Zn (Glover et Hogstrand, 2002). Ces études ont démontré que les intestins agissent comme tampon entre les métaux dans la diète et les organes internes. À de faibles concentrations de métaux essentiels, le mucus concentre ces métaux près de l'épithélium et les tissus intestinaux agissent comme réservoir pour les autres organes. Mais à concentrations élevées, une hypersécrétion de mucus augmente l'évacuation des métaux dans le lumen et ralentit la diffusion passive à travers la membrane tandis que des transporteurs saturables limitent l'assimilation facilitée.

En examinant les différences saisonnières pour le poids des cæca pyloriques, une tendance évidente était présente pour tous les lacs. Dans tous les cas le poids des cæca pyloriques diminuait de façon importante durant la saison estivale. Des baisses d'en moyenne 48 % ont été observées pour les perchaudes de la région de Rouyn-Noranda en 2006 entre les mois de juin et août. Ces résultats apportent des indications supplémentaires démontrant que les perchaudes sauvages subissent d'importantes restrictions énergétiques. Dans l'expérience de laboratoire les perchaudes qui ont subi une baisse de la ration alimentaire (ration MS), mais qui étaient sur un ration de soutien, avaient réussi à maintenir le poids accumulé de leurs cæca pyloriques. La perte de poids des cæca pyloriques chez les perchaudes sauvages s'apparente aux études où des pertes de poids au niveau des cæca pyloriques, ou des intestins, ont été observées après une période prolongée de jeûne par la morue et le saumon Atlantique (Pelletier et al., 1994; Krogdahl et Bakke-McKellep, 2005).

Ces pertes de poids entre le printemps et l'été semblent avoir eu l'effet d'augmenter les concentrations de métaux dans les tissus intestinaux (figure 8). L'hypothèse la plus probable est

que les métaux ne sont pas perdus quand les cæca pyloriques diminuent de poids. Étant donné leur rôle de réservoir (Clearwater et al., 2000; Glover et Hogstrand, 2002), cette hypothèse est probable pour les métaux essentiels. Cette situation est aussi plausible pour les métaux non essentiels s'ils sont séquestrés dans la cellule sans qu’elle soit capable de les excréter.