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Partie I Synthèse

5.2 Perchaudes des lacs de références et impact de la contamination sur les paramètres

5.2.1 Paramètres biométriques – Indice d'embonpoint

Dans les deux régions, l'indice d'embonpoint des perchaudes provenant des lacs de référence était, à quelques exceptions près, plus élevé que celui des perchaudes des lacs contaminés. Ce gradient, constant d'une saison à l'autre et d'une année à l'autre, démontre très clairement que les perchaudes qui vivent dans les lacs contaminés des deux régions sont affectées négativement par leur environnement. Mais la cause est-elle un effet direct des contaminants, un effet indirect via des changements dans la communauté ou, plus probablement, un mélange des deux? Il est fort probable que les métaux exercent un impact direct sur l'indice d'embonpoint des perchaudes. Certains des lacs contaminés avaient des communautés de poissons très peu diversifiées et dans certain cas, Hannah et Osisko, la perchaude était la seule espèce de poisson capturée durant les échantillonnages. Dans un environnement sans compétiteurs et sans prédateurs, où les perchaudes ont rarement des estomac vides (observations personnnelles), le fait que les perchaudes aient quand même un indice d'embonpoint inférieur à celles des lacs de référence serait une indication que les métaux auraient un effet direct, une déduction supporté par d'autre recherches (Laflamme et al., 2000; Campbell et al., 2003; Kovecses et al., 2005).

Mais qu'en est-il des lacs de référence où les indices d'embonpoint sont faibles? Dans la région de Rouyn-Noranda, les perchaudes provenant du lac Opasatica avaient souvent des indices d'embonpoint équivalents aux lacs intermédiaires et/ou contaminés. La raison probable pour ceci est la grande quantité et diversité des compétiteurs de la perchaude dans ce lac. Contrairement aux autres lacs échantillonnés, plusieurs espèces de centrarchidés et de cyprinidés, ainsi que des membres des familles ictaluridés et catostomidés, étaient abondantes dans le lac, tous

compétiteurs des divers stades ontogéniques des perchaudes. Quoiqu'un peu moins diversifiés, la situation était très similaire dans les lacs Barlow et James de la région de Sudbury où les indices d'embonpoint des perchaudes étaient comparables à ceux des lacs contaminés. Bien qu'aucune étude démontrant que la présence de compétiteurs diminue l'indice d'embonpoint n'a été trouvée, plusieurs démontrent que le taux de croissance est affecté négativement (Hayes et al., 1992; Post et McQueen, 1994) et que les compétiteurs peuvent changer le choix des proies (Lacasse et Magnan, 1992), deux facteurs qui peuvent avoir un impact négatif sur l'indice d'embonpoint.

Ces conclusions sont aussi supportées par des analyses de la trajectoire de croissance des perchaudes (voir Annexe E). Ce qui est particulièrement intéressant avec ces analyses est que les taux de croissance les plus élevés sont souvent observés chez les perchaudes des lacs intermédiaires (Bousquet, Ramsey et Richard). Ces taux de croissance élevés sont possiblement une indication que la communauté de poissons moins diverse permet aux perchaudes d'accèder à des niches écologiques plus riches et/ou de se nourrir plus. Mais malgré ces taux de croissance élevés, les perchaudes des lacs intermédiaires ont souvent des indices d'embonpoint moindres que les perchaudes des lacs de référence et ont aussi une taille initiale plus petite, une indication possible de l'effet des métaux.

Chez les perchaudes sauvages, même les indices d'embonpoint les plus élevés étaient inférieurs à ceux observés chez la majorité des perchaudes de laboratoire. Seules les perchaudes des lacs Dasserat et Opasatica, capturées l'été de 2004, avaient des indices d'embonpoint qui étaient équivalents à celles sur la ration S dans le laboratoire. Ce résultat indique clairement que les perchaudes sauvages, même dans des environnements non contaminés, subissent des restrictions d'énergie importantes. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette restriction. Même dans les lacs de référence, il est certain que les perchaudes sauvages n'ont pas accès à un régime

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de dépenser de l'énergie à chercher et capturer leur nourriture, une activité qui peut avoir un impact important sur la croissance (Rennie et al., 2005).

Les différences saisonnières présentent un problème complexe, particulièrement dans la région de Rouyn-Noranda. Dans la région de Sudbury les différences saisonnières pour l'indice d'embonpoint étaient divisées par classe de contamination. Les perchaudes des lacs de référence avaient des indices d'embonpoint plus élevés au printemps tandis que l'indice d'embonpoint des perchaudes des lacs contaminés était plus élevé l'été. Cette même tendance avait été observée par Audet et Couture (2003) dans la région de Sudbury et, même si les différences rapportées dans la présente étude sont parfois peu importantes, la tendance reste cohérente. Puisque l'indice d'embonpoint représente, entre autres, la consommation récente (de l'ordre de quelques semaines dans notre expérience de laboratoire) ces différentes tendances pourraient indiquer un décalage du maximum de productivité dans les lacs contaminés. L'hivernage est un stress important chez les poissons (Sogard et Olla, 2000; Pangle et al., 2004) et il est possible que les perchaudes des lacs contaminés prennent plus de temps pour s'y remettre à cause du stress supplémentaire de la détoxication. Ce stress supplémentaire expliquerait l'indice d'embonpoint moindre chez les perchaudes des lacs contaminés. À l'arrivée de l'été, un niveau de prédation et de compétition moins élevé ferait en sorte que les perchaudes des lacs contaminés soient en mesure d'accumuler plus de poids, et donc augmenter leur indice d'embonpoint.

Dans la région de Rouyn-Noranda, aucune tendance n'est discernable pour les différences saisonnières, que ce soit parmi les lacs, les classes de contamination ou les années. Ces résultats démontrent que les causes des variations saisonnières sont beaucoup plus complexes que de simples changements météorologiques; elles sont diverses et spécifiques à chaque lac.