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Partie I Synthèse

1.1 Historique de contamination et recherches antérieures dans les régions étudiées

étudiées

1.1.1 Sudbury

Initialement une région d'exploitation forestière, les activités minières dans la région de Sudbury ont débuté en 1886, avec le cuivre (Cu) comme métal d'intérêt principal. Avec l'invention de l'acier-nickel, la demande pour le nickel (Ni) a augmenté et son exploitation dans la région a rapidement pris de l'importance. Avec une demande de plus en plus forte, la production du Cu et du Ni devint plus importante, avec pour conséquence une augmentation parallèle de la pollution. Les roches de la région de Sudbury sont caractérisées par une haute teneur en soufre (S). Le processus de fusion à haute température utilisé pour la production du Cu

et du Ni à Sudbury a donc dégagé des grandes quantités de dioxyde de soufre (SO2), avec un pic

d'environ 2,5 millions de tonnes/an en 1960 (Dillon et al., 1986). Cette production de SO2, avec

d'autres dioxydes comme le NO2, a causé une acidification de la région de Sudbury et a détruit

ou endommagé les écosystèmes terrestres environnants (Winterhalder, 1995). Cette acidification, ainsi que la lixiviation de l'aluminium qui en découle, ont eu non seulement des impacts importants sur les écosystèmes terrestres mais aussi sur les écosystèmes aquatiques de la région (Beamish, 1974; Gunn et Keller, 1984; Dixit et al., 1992; Conlon et al., 1992).

Malgré l'ampleur de l'acidification, plusieurs chercheurs ont démontré que les lacs dans la région se rétablissaient naturellement (Keller et Pitblado, 1986; Gunn et Keller, 1990; Keller et al., 1992; Mallory et al., 1998). Des efforts de réhabilitation ont également eu lieu avec succès (Gunn et al., 2001). Cependant les dioxydes n'ont pas été pas les seuls contaminants à être dégagés des fonderies. Des métaux ont aussi été relâchés dans l'environnement, en quantités suffisantes pour « saturer » les écosystèmes (Nriagu et al., 1998) et en empêcher le rétablissement complet (Winterhalder, 1995; Arnott et Yan, 2002).

Bien que la quantité de métaux relâchés ait diminué (Nriagu et Rao, 1987), leurs impacts se font encore ressentir dans les lacs de la région. Des études ont démontré que les invertébrés qui habitent les lacs de la région accumulent des concentrations élevées de ces métaux (Bagatto et Alikhan, 1987; Hare et Tessier, 1996) et que cette accumulation a des effets néfastes sur leur croissance et leur survie (Borgmann et al., 2001; Borgmann et Norwood, 2002). Les métaux s'accumulent aussi chez les poissons (Bradley et Morris, 1986), affectent leur survie (Yan et al., 1979; Gauthier et al., 2006) et peuvent même affecter leurs capacités sensorielles (McPherson et al., 2004).

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D'intérêt plus proche à cette thèse, de nombreuses études ont été entreprises pour examiner les effets toxiques des métaux sur la perchaude dans la région de Sudbury. Plusieurs de celles-ci ont observé leurs impacts sur la croissance de la perchaude. Entre autres, deux études ont conclu que la croissance dans les lacs contaminés était moindre que dans les lacs de référence (Rajotte et Couture, 2002; Campbell et al., 2003), mais une étude plus récente démontre l'inverse, soit une croissance initiale plus rapide dans les lacs contaminés, mais accompagnée d'une réduction de la longévité (Pyle et al., 2008). Plusieurs chercheurs ont examiné l'indice d'embonpoint et, presque à l'unanimité, ont trouvé que les perchaudes des lacs contaminés avait un indice d'embonpoint plus faible que les perchaudes des lacs de référence (Rajotte et Couture, 2002; Eastwood et Couture, 2002; Couture et Rajotte, 2003; Taylor et al., 2004; Giguere et al., 2005; Pyle et al., 2005; Pyle et al., 2008). Des études ont aussi été entreprises examinant l'impact d'habiter un lac contaminé sur les activités enzymatiques (Rajotte et Couture, 2002; Couture et Kumar, 2003; Audet et Couture, 2003; Couture et al., 2008). Les résultats s'accordent sur le fait que les perchaudes qui vivent dans des lacs contaminés montrent des capacités aérobies (la citrate synthase (CS) et la cytochrone C oxidase (CCO)) réduites dans le muscle. Les résultats divergent pour la nucléoside diphosphate kinase (NDPK), un indicateur de capacité biosynthétique. Une étude démontre une augmentation de l'activité (Rajotte et Couture, 2002) chez les poissons contaminés aux métaux, une autre une baisse (Couture et Kumar, 2003) et une troisième une baisse ou aucune différence dépendamment de la saison (Audet et Couture, 2003).

1.1.2 Rouyn-Noranda

Comparée à la région de Sudbury, la région de Rouyn-Noranda n'a pas subi une acidification intensive. Outre le traitement à façon du concentré de cuivre, la fonderie est aussi impliquée depuis le début des années '90 dans le recyclage des pièces électroniques (pour la

récupération du cuivre et des métaux précieux). Cette variabilité des intrants à la fonderie peut ainsi entraîner une certaine variabilité dans la nature des émissions, tout en visant le respect des normes applicables et cibles établies (Robert Prairie, Xstrata Canada, communication personnelle). Néanmoins, les émissions métalliques (principalement le Cd, le Cu et le Zn) de la fonderie ont contaminé les lacs environnants (Cattaneo et al., 2004; Couillard et al., 2004; Perceval et al., 2006) et leurs traces sont même détectables dans des sédiments à 150 km de distance (Gallon et al., 2006). Cette contamination des lacs de la région a entraîné l'accumulation de métaux dans les tissus des invertébrés (Tessier et al., 1993; Couillard et al., 1995; Hare et Tessier, 1996). Dans le but d'examiner leur potentiel comme biomoniteurbioindicateur, plusieurs chercheurs ont étudié la production de métallothionéine chez les bivalves de la région (Couillard et al., 1993; Couillard et al., 1995; Wang et al., 1999; Giguere et al., 2003). Pour ces bivalves, vivre dans un de ces lacs contaminés a été lié à des indices d'embonpoint plus faibles (Couillard et al., 1993) et une capacité reproductrice moins importante (Perceval et al., 2004). Les effets sont similaires pour d'autres membres de la communauté benthique; une diversité moindre, un taux de croissance et une survie réduite (Borgmann et al., 2004).

La perchaude a aussi reçu beaucoup d'attention des chercheurs et plusieurs impacts néfastes des métaux ont été identifiés. Les perchaudes qui vivent dans les lacs contaminés démontrent des concentrations d'hormones différentes de celles mesurées chez leurs consœurs dans les lacs de références (Brodeur et al., 1997; Laflamme et al., 2000) et subissent un stress oxydatif lié à la présence de métaux (Giguere et al., 2005). La production de la métallothionéine est augmentée chez les perchaudes vivant dans les lacs contaminés (Laflamme et al., 2000), mais (Giguere et al., 2005) cette augmentation de la métallothionéine n'empêche pas les métaux de

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s'infiltrer aux sites sensibles de la cellule (Kraemer et al., 2006; Giguere et al., 2006) et potentiellement d'y exercer un effet toxique.

Ces impacts au niveau cellulaire et hormonal ont leurs répercussions sur le métabolisme des perchaudes. La manière dont les perchaudes gèrent leurs réserves énergétiques est affectée et les perchaudes de lacs contaminés accumulent moins de réserves lipidiques dans leur foie (Levesque et al., 2002). Ces différences pourraient être le résultat de changements au niveau enzymatique. Levesque et al. (2002) ont aussi observé que l'activité de la glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PDH) et de la malate déshydrogénase était moindre dans les foies de perchaudes de lacs contaminés. Ces deux enzymes sont responsables de la production d'agents réducteurs qui sont requis pour l'élongation des acides gras. D'autres études ont aussi démontré que le métabolisme aérobie, dans les muscles des perchaudes contaminées, est affecté notamment par des baisses d'activité de la CS et de la CCO (Couture et al., 2008). D'autre part, ces mêmes études n'ont pas observé de différences dans la capacité glycolytique (lactate déshydrogénase (LDH) et pyruvate kinase (PK)) des perchaudes vivant en milieu contaminé.

A l'échelle de l'organisme, des effets néfastes ont aussi été observés. Les perchaudes qui résident dans les lacs contaminés ont souvent de faibles taux de croissance (Sherwood et al., 2000; Campbell et al., 2003) qui ont été attribués à une moins bonne capacité de convertir la nourriture en masse corporelle (Sherwood et al., 2000; Sherwood et al., 2002a). Avec ces observations d'un taux de croissance moindre, c'est sans surprise que plusieurs chercheurs ont aussi constaté que les perchaudes provenant de lacs contaminés ont aussi un indice d'embonpoint inférieur aux perchaudes de lacs de référence (Levesque et al., 2002; Levesque et al., 2003; Kraemer et al., 2006; Pyle et al., 2008). Une diminution de la capacité reproductive des

perchaudes des lacs contaminés est potentiellement liée à des indices d'embonpoint plus faibles (Levesque et al., 2003).