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Paragraphe1. Solidarité islamique

I. Le fondement islamique et religieux de la protection sociale

Du point de vue moral et religieux selon les principes islamiques, le Coran et les hadiths prophétiques ne cessent d’inciter les musulmans à venir en aide les uns aux

autres. À ce sujet un hadith dit « Dieu vient en aide au fidèle tant que celui-ci vient en aide à son frère fidèle » (al nawawi).

En fait, la protection sociale est au cœur de l’Islam, le principe de zakat (ou aumône) étant l’un de ses cinq piliers.

Une étude sur les notions de l’indigence et des systèmes de solidarité traditionnelle pour la prise en charge des indigents dans « les wilaya des deux Hodhs »208a identifié plusieurs formes de supports et de mécanismes de pérennisation de l’action sociale dans une société où les droits des tiers nécessiteux sont inaliénables. Surtout dans le monde rural, et parmi les groupes les plus vulnérables, l’incidence des réseaux traditionnels de solidarité fait que 2/3 de la population trouvent satisfaction en s’adressant aux mécanismes sociaux d’entraide dont 37 % trouvent des solutions dans la famille tribale et seulement 4,6 % s’adressent à l’État en 2016.

II. Les formes de sécurité sociale identifiée démontrent une vraie richesse de diversité

- la Zakat : constitue l’élément principal, en raison du rang de troisième pilier de l’islam qu’elle occupe parmi les obligations islamiques. Elle consiste en un prélèvement proportionné selon la fortune en faveur des pauvres, ses conditions de perceptions, de distributions, les biens qui en ont font l’objet et les catégories qui en bénéficient209.

La Zakat a été ordonnée par Dieu aux bénéficiaires désignés dans le livre saint et dans la Sunna il s’agit de la charité. Le prophète Mohamed lorsqu’il a envoyé Mouad en expédition au Yémen, lui dit « Tu vas chez des gens du livre et leur dis que, Dieu leur

208 Les deux plus grandes régions en Mauritanie

209 OULD T’FAIL. H, op.cit. p.41.

supposée charité, leur argent tiré de leur riches et donné à leurs pauvres.)210 La fortune est comprise dans le sens des biens matériels (graines, animaux) et liquides (or et argent ou équivalent).En ce qui concerne les autres institutions, telles que l’obligation alimentaire elles participent à la solidarité sociale musulmane, Cette participation ne doit pas être occultée par l’importance de l’institution de la Zakat mais plutôt valorisée en vue d’arriver à un système de solidarité complémentaire211.

La zakat est clairement ordonnée dans le Coran, à travers le verset « prélève de leurs fortune une amande »212, ce verset fait de la zakat une institution obligatoire.

Cependant, si le principe général est l’obligation de la Zakat, mais celle-ci ne s’applique pas sur toutes les personnes et tous les biens

- Sadaghe : (Charité) consiste à donner quelque chose d’utile au pauvre pour l’aider à survivre. Elle n’a pas de limite quantitative ou qualitative et dépend des moyens du donateur. La charité n’est donnée qu’au nom d’Allah et non pour des visées personnelles d’ici-bas213.

- la Hiba est le don destiné au pauvre mais qui comporte une considération spéciale à ce dernier tant de parenté ou de responsabilité sociale prioritaire fondée par les liens sociaux de la Assabe 214. (Assabe est un lien de parenté).

- La Waghef est le don en usufruit (d’une maison, par exemple). Pour préserver la durabilité du résultat, le pauvre ne peut pas le vendre ni l'échanger et le propriétaire ne peut pas non plus le retirer jusqu’à sa mort ; se définit linguistiquement comme étant l’immobilisation des biens

- la Houbs c’est comme ainsi dire-t-on « j’ai mis cette maison en Waqf »215. Ce qui signifie le fait de se dessaisir d’une chose ou le fait de renoncer à faire une chose216

210Ibid. p. 43.

211Ibid.

212 Coran, verset 103de la sourate 9,at-Tawba( le repentir).

213 WATSON. C, OULD BRAHIM.. F, op.cit.P.32

214 Ibid.

215Ibid.

216EL FAYOUMI, AL MISBAH AL MOUNIR, op.cit, p.669.

- la Oumra: est le don dont profite le pauvre pendant toute sa vie, mais qui est remis au propriétaire légitime ou ses ayants droit après sa mort217.

- la Ifghar est la mise à disposition du pauvre d’un animal pour l’utiliser comme monture. En milieu rural la monture permet de faire la Deyara, la caravane d’Amersalet autres services rémunérés, qui sont donc des sources de revenus pour les pauvres 218.

- la Iskane est la mise à disposition d’un pauvre d’un habitat durant toute sa vie et qui revient après sa mort au propriétaire vivant ou à ses ayants droits »219.

- laMinha est le don à un pauvre d’une vache, chèvre, chamelle ou brebis uniquement pour l’utilisation du lait durant la période de lactation220.

- la Erya ’est le don de la production dattière durant la période de guetna221, pendant la période d’été en Mauritanie (récolte de dates).

l’Arya : est le prêt de toute chose à celui qui en a besoin jusqu'à disparition du besoin 222.

la Assabe le terme assabe signifie « lien de solidarité » entre les cousins patrilinéaires les plus proches. Elle est responsable pour la compensation de meurtre et le figh islamique.

La loha traditionnellement, différentes groupes sociaux collecte des moyens matériels et financiers pour les personnes ou les familles éprouvées par un problème de solvabilité ou d'acquisition de produits223.

Hagh El Jarre est le droit de bénéficier de l’aide d’un voisin dans des circonstances particulièrement difficiles (ce droit étant prévu par la jurisprudence et la coutume)224.

217 WATSON. C, OULD BRAHIM.. F, op.cit.P.33

218 Ibid.

219 Ibid.

220 Ibid. p.33.

221 Ibid.

222 Ibid.

223 Ibid.

224 Ibid.

Twize : comme vu précédemment, par ce système un individu peut profiter du travail des autres pour résoudre dans les délais limites un problème demandant l'investissement du facteur physique humain et animal225.

Zend est une variation linguistique de l'appellation de la Twize par certaines strates et certaines localités surtout agricoles 226.

L'analyse de ces types de solidarités permet de faire un certain nombre d’observations par rapport à leur application à la situation des pauvres et des indigents. A titre indicatif, la Zakat n'est plus observée avec la rigueur traditionnellement exigée par le droit islamique. Dans les autres pays islamiques il existe une institution formelle de collecte et de répartition de la Zakat aux pauvres et indigents alors qu'en Mauritanie la Zakat relève de la liberté des individus. Selon le chef de l’association des ulémas à Nouakchott, il serait utile de réfléchir sur la systématisation de la Zakat comme forme puissante de redistribution ancrée dans les valeurs et les préceptes islamiques.

L’utilisation de la Zakat comme outil de lutte contre la pauvreté est, d’ailleurs, identifiée comme l’une des questions ouvertes dans le Plan cadre de lutte contre la pauvreté 2010-2016.

Actuellement, la Direction des Awqaf intervient dans l’assistance sociale à travers la distribution de rations alimentaires en faveur des familles démunies et en milieu carcéral pendant le mois du Ramadan.