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Le paradoxe observationnel à travers les études spectroscopiques 30

1.4 Les difficultés d’interprétation inhérentes à la nature de la raie Lyα . 27

1.5.1 Le paradoxe observationnel à travers les études spectroscopiques 30

L’univers local est un laboratoire unique pour étudier la physique de la raie Lyα et tenter de comprendre l’origine des incohérences observationnelles dont on vient d’avoir un aperçu. Après les résultats de Terlevich et al. (1993) et Charlot & Fall (1993), il était clair que les objets susceptibles d’avoir une émission Lyα significa-tive devaient être les galaxies à faible métallicité et peu poussiéreuses. Le HST va offrir à ce moment là une résolution spatiale et spectrale inégalée, a fortiori dans le domaine UV. Kunth et al. (1994) puis Thuan & Izotov (1997), avec le Goddard High Resolution Spectrograph (GHRS ) vont alors choisir la facilité et observer res-pectivement les galaxies les plus déficientes en métaux et en poussière connues à ce jour, IZw 18 et SBS 0335-052, afin d’assurer une détection d’émission Lyα. La surprise sera de taille. Dans les deux cas, une très forte absorption Lyα est observée, atteignant des largeurs équivalentes de EWLyα ∼ −50 Å (cf. Fig. 1.16). Ce résultat, à lui seul, remit en cause toutes les théories échafaudées à ce sujet, à cette époque. Pour marquer encore plus la confusion, Lequeux et al. (1995) vont observer entre temps Haro 2, une galaxie environ 10 fois plus poussiéreuse et riche en métaux que les précédentes, et vont découvrir une forte raie Lyα en émission (cf. Fig. 1.16).

Mais le travail de Lequeux et al. (1995) laissera une piste pour assembler les pièces de ce puzzle observationnel. L’émission Lyα était accompagnée d’une signa-ture de vents galactiques expulsant le gaz neutre à une vitesse de 200 km s−1. Cela incite Kunth et al. (1998) à observer huit starbursts locaux avec le GHRS dont certaines sont choisies a priori pour leur émission/absorption Lyα. La configuration instrumentale judicieusement choisie permet d’observer Lyα ainsi que les raies in-terstellaires à faible ionisation (LIS, Low Ionisation State) [O i] λ 1302 Å et [Si ii] λ 1304 Å avec une résolution spectrale suffisante pour séparer ces dernières (∆λ = 0.08 Å à 1300 Å). Au final, les observations révèlent que 4 galaxies sont des émetteurs Lyα et les 4 autres des absorbants. Quand Lyα est observée en absorption, les raies LIS interstellaires sont toujours à la même position que le redshift de la galaxie (i.e. sa vitesse). Cela implique que le milieu interstellaire, le gaz neutre en l’occurrence,

Fig. 1.16: Le paradoxe observationnel dans les galaxies bleues compactes locales. A gauche : Les observations GHRS de IZw 18, l’une des galaxies les plus déficientes en poussière et en métaux connues, révèlent une absorption Lyα saturée (Kunth et al. 1994). Au contraire, à droite, Haro 2, un ordre de grandeur plus poussiéreuse et métallique que IZw 18 montre une forte émission Lyα (Lequeux et al. 1995).

est statique par rapport aux étoiles. En revanche, pour toutes les galaxies où Lyα est en émission, les raies LIS sont systématiquement décalées vers le bleu12 indiquant que le gaz neutre est en expansion à une vitesse vexp ∼ 200 km s−1. De plus comme on peut le voir également sur la figure 1.17, la raie Lyα, dans le cas de l’émission, présente toujours un profil P-Cygni, c’est à dire une partie en émission du coté rouge (plus grand λ) et une absorption du coté bleu. Ce genre de profil est une signature claire de gaz en expansion car les photons Lyα sortent plus facilement à des lon-gueurs d’onde plus grandes que celle au repos à 1216 Å quand ils rencontrent un gaz Hi dont la longueur d’onde d’absorption est décalée vers le bleu (nous verrons cet effet plus en détail dans le chapitre 3). Ce résultat est remarquable dans le sens où il a permis de démontrer clairement le rôle des vents galactiques dans l’échappement des photons Lyα. Il allait falloir désormais, en plus de la poussière et des diffusions multiples, compter avec la cinématique du gaz neutre pour expliquer les observations Lyα.

Par la suite, Mas-Hesse et al. (2003) ont ré-observé trois de ces galaxies avec STIS, dont deux émetteurs (Haro 2 et IRAS 0833+6517) et un absorbant (IZw 18), afin de caractériser spatialement la cinématique du gaz neutre et voir si dans le cas de IZw 18 on ne retrouvait pas de trace d’émission loin du centre du starburst. Il s’avère que les profils P-Cygni sont spatialement très étendus, indiquant la présence de “super-bulles” en expansion à une échelle galactique qui couvre plusieurs kilo-parsecs, et générées par l’énergie mécanique libérée par le starburst. En utilisant les modèles hydrodynamiques de Tenorio-Tagle et al. (1999) ces auteurs esquissent une description qualitative de l’évolution de la super-bulle et ce qu’on observerait

12 ici l’absorption est causée par un gaz qui se rapproche de nous, ce qui explique le décalage vers le bleu

Fig.1.17: Le rôle de la cinématique dans l’émission Lyα (Kunth et al. 1998). Dans toutes le galaxies qui montrent une émission Lyα (figure de gauche) on observe un décalage des raies interstellaires LIS vers le bleu par rapport aux étoiles (figure de droite), symptomatique d’un gaz neutre en expansion. Tous les spectres Lyα en émission ont un profil P-Cygni confirmant la présence de vents galactiques.

à chaque phase. Dans la phase initiale Lyα serait en absorption, puis en émission, et au début de la recombinaison un profil P-Cygni serait visible. Quand la recombi-naison de H est complète dans la super-bulle, on revient à un profil absorbant. Les observations Lyα des trois galaxies correspondent chacune à une phase différente. Les détails de ce scénario qualitatif d’évolution sont données dans Tenorio-Tagle et al. (1999).

1.5.2 L’imagerie Lyα avec le Télescope Spatial Hubble

La dépendance complexe de l’émission Lyα par rapport aux divers paramètres physiques de la galaxie hôte, particulièrement révélée par les études spectrosco-piques dans l’Univers local, soulèvent quelques interrogations supplémentaires. On a vu (Mas-Hesse et al. 2003) que du fait de la diffusion des photons Lyα sur les atomes d’hydrogène, ceux-ci pouvaient se retrouver loin de leur région de production. Cela implique que les observations spectroscopiques pointant les sources UV intenses avec des fentes étroites sont susceptibles de manquer une grande partie de l’émission Lyα diffusée. A cause de la géométrie du MIS, la transmission des photons Lyα peut va-rier à une petite échelle spatiale. Par conséquent, il nous serait difficile d’interpréter des observations à grand redshift, par exemple, si l’on a pas accès à des quantités globales. Ces considérations, ont été la motivation première d’une campagne d’ima-gerie Lyα de galaxies proches avec la caméra ACS (Advanced Camera for Survey) du

HST (Kunth et al. 2003). Six galaxies bien connues furent choisies pour couvrir une large gamme de paramètres et profils Lyα. Aussi, l’échantillon inclut des émetteurs Lyα et des systèmes absorbants, avec différentes métallicités, luminosités, ou encore extinctions.

Une analyse préliminaire de deux galaxies (SBS 0335-052 et Haro 11) a été pré-sentée dans un premier papier par Kunth et al. (2003). SBS 0335-052 montre une forte absorption presque uniforme, conforme aux études spectroscopiques préalables (Thuan & Izotov 1997). La résolution de ACS permet de révéler une structure spa-tiale assez complexe de Lyα dans Haro 11, mêlant zones d’absorption et d’émission devant des sources UV intenses. Il apparaît alors qu’aucune émission n’est détec-tée dans SBS 0335-052 et ce indépendamment de l’extinction, alors que dans Haro 11 l’émission Lyα varie énormément d’une région à l’autre. Ceci augure en réalité des résultats que nous allons aborder au chapitre suivant. La cinématique du gaz neutre peut être la cause de ces différences, et entre autres paramètres, Lyα peut être régulée par la géométrie du milieu interstellaire.