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EW (Lyα) contre EW (Hα)

5.4 La désertion des photons Lyα : ingrédient cosmologique clé

5.4.2 EW (Lyα) contre EW (Hα)

Les effets d’évolution de la galaxie sur l’émission Lyα ont été abordés dans l’étude HST des six galaxies locales. Il s’agissait en l’occurrence d’observer l’évolution de la largeur équivalente Lyα en fonction de l’âge de la galaxie. Nous présentons ici une analyse similaire en comparant les largeurs équivalentes de Lyα et Hα. La valeur de EW Hα est un bon indicateur d’évolution de la formation stellaire dans une galaxie. C’est pourquoi, si Lyα n’est pas affectée par d’autres phénomènes, on devrait trouver une corrélation entre EWLyαet EW. La figure 5.7 montre tout le contraire.

Fig. 5.6: Indicateurs du taux de formation stellaire. En haut : taux de formation stellaires observés (non corrigés de l’extinction) calculés à partir de Lyα et comparés à Hα et l’UV. En bas : SFRs corrigés de l’extinction. Les deux lignes dans chaque figure représentent les rapports 1 et 10 entre les SFRs correspondants. La calibration de Kennicutt (1998a) est adoptée.

Fig.5.7: Comparaison entre les largeurs équivalentes Lyα et Hα pour les ensembles GALEX et galaxies locales.

Une large dispersion des galaxies dans cet espace de paramètres est observée, en incluant d’ailleurs les objets locaux d’IUE et de Atek et al. (2008). C’est une énième illustration de la différence entre Lyα et l’émission non-résonante comme Hα ou le continu, qui donne lieu à un comportement stochastique dû à la combinaison de plusieurs paramètres. Consulter Atek et al. (2009a) pour une étude plus détaillée.

Il parait par conséquent évident qu’il est peu prudent d’utiliser la largeur équi-valente Lyα pour inférer l’âge ou le stade d’évolution de la galaxie. Nous pouvons également nous rappeler de la tendance observée dans le chapitre 2 où EWLyα aug-mentait avec l’âge. Nous confirmons ici la réserve postulée à ce moment-là (cf. Atek et al. 2008) au sujet de la taille très réduite de l’échantillon utilisé, qui jetait un certain doute sur la validité statistique de telles conclusions.

5.5 Conclusion

Après avoir éprouvé notre approche de la problématique Lyα sur un échantillon de six galaxies proches, nous avons su exploiter l’opportunité, offerte par GALEX, d’étendre notre étude à un échantillon statistique de 24 émetteurs Lyα. Un suivi spectroscopique nous a permis d’obtenir des spectres optiques pour ces galaxies afin d’en extraire les principaux facteurs régulateurs de l’émission Lyα.

Pour la première fois, nous présentons ici une estimation empirique de la fraction d’échappement Lyα dans un échantillon statistique d’émetteurs Lyα. L’anticorréla-tion observée entre fesc(Lyα) et le rougissement E(B − V ) nous permet d’établir un nouveau coefficient d’extinction k(Lyα) prenant en compte, en plus de l’extinction par la poussière, tous les effets de transfert radiatif qui affectent l’émission Lyα. La dispersion autour de cette valeur quantifie le reste des paramètres autres que l’ex-tinction. A ce sujet, on montre qu’un milieu interstellaire poreux donne lieu à des valeurs de fesc(Lyα) plus élevées que fesc du continu. Par conséquent on retrouve

une sous-estimation logique de la valeur moyenne de fesc(Lyα) par le modèle de coquille homogène utilisé dans les simulations de transfert radiatif dans le chapitre 3 et 4. Par ailleurs, la variation de fesc observée sur toutes les galaxies à des impli-cations importantes sur les hypothèses utilisées dans la modélisation des LAEs dans un cadre cosmologique.

L’estimation de fesc(Lyα) nous permet par la même occasion de corriger la cali-bration canonique du taux de formation stellaire basé sur l’émission Lyα. En outre, pour les investigations à grand z, le manque d’informations sur les sources Lyα rend incertaine la correction du SFR(Lyα). Il nous faut désormais, établir précisément la différence entre l’extinction dans la phase gazeuse et l’extinction stellaire, afin de se soustraire à l’obligation de déterminer E(B − V )gaz si l’on veut estimer fesc et donc la correction du SFR(Lyα).

Cette disparité est également à l’origine de l’absence de relation entre EWLyα et E(B − V ), alors que le rapport Lyα/Hα (ou bien fesc(Lyα)) y est sensible. C’est probablement le découplage entre les deux extinctions qui affectent Hα et le continu qui en est la cause. En plus des effets de diffusion résonante qui altèrent le rapport de Lyα à la poussière, l’extinction elle-même s’avère différente pour la raie Lyα et le continu. Enfin, EWLyα se révèle être un mauvais indicateur de l’âge de la galaxie, en témoigne l’absence évidente de corrélation observée entre EWLyα et EW, qui montrent les vicissitudes la raie Lyα depuis son émission jusqu’à son observation.

La prochaine étape de ce travail consiste maintenant à inclure la porosité dans les modèles de transfert radiatif et quantifier ses effets sur la fraction d’échappement de Lyα, afin de la comparer à nos observations. La deuxième partie de notre programme d’observations sera également d’une grande importance, puisqu’il permettra, pour la première fois encore, de déterminer le rôle précis de la dynamique du MIS dans la sortie des photons Lyα, et éclaircir une bonne partie de la dispersion observée autour de notre estimation de k(Lyα).

Discussions et conclusion

Un peu plus de quatre décennies nous séparent maintenant de l’introduction de la raie Lyα en astrophysique en vertu de son intensité, témoin de violents épisodes de formation stellaire. Il est bien naturel dès lors que cet attribut des galaxies ré-cemment formées, ait longtemps été employé dans le but de découvrir la population de galaxies les plus lointaines dans l’Univers. Par voie de conséquence, après un long purgatoire, suivi du succès avéré des techniques de détection basées sur cette raie de recombinaison, Lyα est devenue par la même occasion un instrument fonda-mental de diagnostic de la formation stellaire, de l’évolution des galaxies, ou de la formation des grandes structures. Mais dans cet enthousiasme récent, relativement peu d’études se préoccupent de la fiabilité de Lyα comme outil cosmologique et de la validité des interprétations de grandeurs observationnelles basées exclusivement sur cette émission. C’est dans la lignée et la teneur des investigations récentes de l’Univers local que s’est inscrite la présente thèse, avec pour objectif principal la compréhension des processus qui affectent la raie Lyα à travers le milieu interstel-laire, afin de résoudre les contradictions apparentes observées dans les galaxies Lyα d’une part, et renforcer la crédibilité des interprétions cosmologiques d’autre part.

6.1 L’émission Lyα sur un temps cosmique

Le transfert radiatif des photons Lyα a constitué le fil d’Ariane de ce travail, qu’on s’est évertué à suivre depuis l’Univers proche jusqu’au grand redshift, pour expliquer les observables Lyα et unifier les différentes classes de galaxies.

A bas redshift d’abord, l’imagerie Lyα à l’aide du HST a fait montre d’une com-plémentarité remarquable par rapport aux études spectroscopiques, en permettant notamment un examen des phénomènes d’atténuation à petite échelle spatiale. La nature résonante de la raie Lyα a été révélée grâce au large halo de diffusion observé autour des régions de formation d’étoiles. Cette étude pilote de six galaxies starburst a permis de montrer que la poussière n’était pas systématiquement le paramètre dé-terminant dans la suppression des photons Lyα. Pour la première fois, nous avons pu établir une estimation empirique de la fraction d’échappement fesc de Lyα au moyen des raies de recombinaison de Balmer. Cette quantité s’avère, dans une cer-taine mesure, sensible à la poussière, ce qui est de bonne augure dans la perspective de la calibration des observations à grand z.

Ensuite, nous avons entrepris de simuler le comportement des photons Lyα dans le milieu diffusif des galaxies à l’aide d’un code Monte Carlo de transfert radiatif. A travers deux travaux complémentaires, à z ∼ 0 et z ∼ 3, on a dressé les conditions physiques qui régulent la visibilité de Lyα, et dévoilé une continuité évidente entre l’absorption et l’émission Lyα.

A z ∼ 3, la diversité de profils Lyα affichée par les LBGs à été numériquement reproduite avec succès. A l’aide d’un modèle relativement simple, qui consiste en une coquille homogène de gaz et de poussière en expansion autour de la région de formation d’étoiles, l’ajustement de la forme de la raie Lyα permet de déterminer les paramètres physiques du gaz neutre (densité de colonne NHI, vitesse d’expan-sion vexp, paramètre Doppler b), de l’extinction ainsi que de la population stellaire (EW (Lyα), F W HM(Lyα)). On s’aperçoit d’ailleurs que, indépendamment du mo-dèle, le profil Lyα dépend fortement de la dynamique du milieu interstellaire. Les paramètres d’ajustement permettent enfin de quantifier fesc(Lyα) dans les LBGs.

Le transfert radiatif va également expliquer la différence (en apparence seule-ment) entre les LAEs et les LBGs. Ces deux classes de galaxies doivent avoir intrin-sèquement une forte émission Lyα caractéristique d’une formation stellaire continue dans ce type d’objets. Mais le périple tumultueux des photons Lyα à travers le MIS est responsable de la variété d’intensités et de profils Lyα observés. Une large densité de colonne, assortie d’une extinction importante réduira drastiquement la largeur équivalente Lyα. De cette conclusion procède le recouvrement entre les LAEs et les LBGs observé dans les échantillons à z ∼ 3. Les LAEs plus brillants que R = 25.5 mag sont très probablement la même population que les LBGs montrant une émis-sion Lyα (EWLyα > 20 Å). De la même façon, si l’on suit le même raisonnement, l’augmentation du rapport LAE/LBG est la conséquence de la simple diminution de la quantité de poussière et donc de l’atténuation de EW avec z.

A la lumière de notre modélisation du profil spectroscopique de la galaxie IZw 18, l’origine de l’absorption Lyα dans les starbursts de l’Univers local est clairement attribuée à la diffusion résonnante dans un gaz statique et très dense qui rend la destruction de Lyα par la poussière, même en petite quantité, très efficace. Dans les LBGs à grand z la présence presque systématique de vents galactiques implique une forte extinction dans les absorbants Lyα. En résumé, on peut affirmer que la transition entre émission et absorption Lyα va dépendre fortement de la densité de colonne NHI et de l’extinction. Cependant, en présence de dynamique dans le MIS, il faudra invoquer des valeurs plus grandes de ces paramètres pour espérer obtenir cette conversion. Finalement, gardons également en tête que la porosité du milieu diffusif peut entraîner une influence significative sur la capacité des photons Lyα à s’échapper de la galaxie. Cet ingrédient, difficilement observable, sera inclus prochainement dans le modèle MCLya.

En fin de thèse, je me suis intéressé à un échantillon de LAEs à z ∼ 0.3 détectés par GALEX. L’avantage principal est d’explorer les tendances révélées par nos études précédentes dans un échantillon statistiquement significatif et à un redshift inter-médiaire, dont le biais de sélection est bien maîtrisé. Nous avons par exemple établi l’extinction moyenne subie par Lyα à partir de l’évolution de la fraction d’échappe-ment Lyα en fonction de l’extinction nébulaire. La dispersion autour de la valeur moyenne est révélatrice des autres paramètres qui affectent Lyα, comme la

cinéma-tique du gaz ou les inhomogénéités du MIS, et qui confirme d’ailleurs la lacune de ce dernier paramètre dans notre précédente modélisation.

La fraction d’échappement des photons Lyα est sans doute un des paramètres les plus importants déterminé dans cette analyse. Cette grandeur permet d’accéder au flux Lyα intrinsèque, faisant abstraction de la complexité du transport de Lyα, pour éventuellement corriger le taux de formation stellaire estimé à partir de Lyα et fournir enfin une valeur réaliste aux modèles cosmologiques. Dans la perspective d’une application aux études à grand z, qui est en soi la motivation première de ce travail, il faudra établir avec précision le découplage existant entre l’extinction nébulaire et stellaire, qui se traduit par la différence de comportement, constatée dans nos observations, entre EWLyα et fesc vis-à-vis de la poussière. Des études complémentaires, en cours ou en projet, vont permettre également de maîtriser plus de paramètres, dont le rôle est désormais bien déterminé, réduisant l’incertitude sur la valeur de fesc. Nous allons discuter maintenant de ces améliorations ainsi que la continuité naturelle de cette thèse, qui restera connectée aux galaxies proches, toujours dans le but d’une meilleure compréhension de phénomènes et processus à l’oeuvre dans les galaxies lointaines, et qui parallèlement, s’orientera évidemment vers l’étude de la formation et l’évolution des premières galaxies dans l’Univers, à l’aide des raies d’émission, mais désormais avec un oeil bien plus averti sur la complexité de Lyα.