• Aucun résultat trouvé

Analyse des galaxies individuelles

2.2 Imagerie et analyse des propriétés individuelles des galaxies

2.2.2 Analyse des galaxies individuelles

Haro 11

On commence cette analyse par les systèmes qui présentent une variation signi-ficative d’émission et d’absorption Lyα. C’est le cas notamment de Haro 11, qui possède deux sites d’absorption importante et un site d’émission brillante. La pre-mière partie de la figure 2.6 présente la relation entre la brillance de surface3 de Lyα et l’extinction dans le gaz. On voit en cyan la composante diffuse Lyα qui reste assez constante avec l’extinction. Le site C montre une émission relativement forte à une extinction moyenne de E(B − V ) = 0.48. L’extinction moyenne dans chaque région est calculée à partir des valeurs intégrée des flux Hα et Hβ (cf. table 2.4)

Régions A B C

E(B − V ) ce travail 0.20 0.42 0.48

E(B − V ) Vader et al. (1993) 0.20 0.41 0.39 Tab.2.4: Extinction interstellaire mesurée dans les trois régions principales de Haro 11. Le résultat de ce travail à partir du rapport Hα/Hβ intégré sur ces régions est comparé au résultat de Vader et al. (1993).

La présence de ces deux composantes distinctes est révélatrice de deux pro-cessus d’émission (de sortie des photons en fait). Le halo d’émission diffuse est le résultat de la diffusion résonante des photons à travers le gaz neutre qui vont ren-contrer une large gamme d’extinction en s’éloignant de leur site de production. En revanche, l’émission de la région C est beaucoup plus ramassée et surtout plus in-tense. L’émission Lyα est très proche de la source de production et les photons voyagent relativement peu dans l’espace.

Autre fait intéressant, l’émission de la région C se manifeste à une extinction de E(B − V ) ≃ 0.48, plus importante que la quantité de poussière nécessaire à une absorption pure dans les régions A et B (0.16 et 0.41, respectivement). Cela indique, sans ambiguïté possible, que la poussière ne peut être tenue pour seule responsable de l’atténuation de Lyα. Il nous faudrait connaître la géométrie précise et la ciné-matique du gaz neutre dans ces régions pour pouvoir conclure sur le chemin optique “effectif” des photons. Alors deux alternatives s’offrent à nous. (1) L’existence de parties du MIS de faible densité et/ou ionisées devant la région C permettant aux photons Lyα de sortir facilement sans “ressentir” l’extinction moyenne de la région, alors que les régions d’absorption auraient une couverture Hi assez homogène. (2) Le développement de vents, accélérés par l’énergie mécanique libérée par les amas d’étoiles (SSC, Super Star Cluster), peut faciliter la sortie des photons (Kunth et al. 1998).

Dans le cadre du premier scénario, on peut également observer le comportement du rapport Lyα/Hα vis à vis de l’extinction. Dans la figure en bas à droite, la

3la brillance de surface est simplement le flux rapporté à la surface émettrice. Elle a pour unité erg s−1 cm−2 arcsec−2.

courbe noire représente l’évolution du rapport théorique Lyα/Hα en fonction de l’extinction :

Lyα

Hα = 8.7 × 10−0.4 E(B−V ) [k(Lyα)−k(Hα)] (2.4) On observe alors que l’émission dans la région C (triangles rouges) dépasse cette courbe, autrement dit, les photons Lyα se débrouillent pour sortir de manière plus efficace que Hα. Cela conforte l’idée d’un milieu interstellaire inhomogène qui produi-rait cet effet et expliqueprodui-rait pourquoi l’émission Lyα (figure de brillance de surface) semble insensible à la poussière dans la région C. Les conséquences d’un MIS po-reux sur l’émission Lyα ont été abordées analytiquement pour la première fois par Neufeld (1991) puis numériquement par Hansen & Peng Oh (2006). Cette configu-ration particulière est présentée dans la figure 2.7. Le gaz neutre froid, mélangé à

Milieu ionis´e

Nuages Hi + poussi`ere

Source

Lyα

Hα ou Continuum

Fig.2.7: Configuration d’un milieu interstellaire inhomogène. Le gaz Hi et la pous-sière sont répartis dans de petits nuages alors que le reste du milieu est chaud et ionisé. Dans ce cas les photons non-résonants (trait noir) traversent les nuages et subissent l’atténuation de la poussière. En revanche, grâce à leur caractère diffusif, les photons Lyα (trait bleu) vont être réfléchis à la surface des nuages et se propager à travers le milieu ionisé pour sortir.

la poussière, n’est pas reparti uniformément mais en petits nuages qui parsèment le MIS. Le reste du milieu interstellaire (entre les nuages) est quant à lui chaud et ionisé. Les photons Lyα, grâce à leur caractère diffusif résonant, vont se réfléchir sur la surface des nuages sans y pénétrer. Une partie de ces photons va alors diffu-ser dans le milieu ionisé par un jeu de billard jusqu’à la sortie, sans avoir interagit avec la poussière présente à l’intérieur des nuages. S’agissant d’un rayonnement sans

caractère résonant, comme les raies de Balmer ou le continuum par exemple, il va pénétrer facilement dans les nuages et par conséquent subir une forte atténuation due à la poussière. Au final, le bilan est en faveur des photons Lyα.

A propos du second scénario, les observations du rayonnement X de cette galaxie a donné une indication d’une émission forte associée peut être à un gaz en expansion, mais la localisation de l’émission reste imprécise et l’interprétation encore délicate. Nous invitons le lecteur à voir à ce propos notre article sur Haro 11 (Hayes et al. 2007) ainsi que Grimes et al. (2007).

En ce qui concerne l’émission diffuse du halo (en cyan), les valeurs importantes du rapport Lyα/Hα s’expliquent simplement par le fait que les photons Lyα diffusent spatialement bien plus loin que ne peuvent le faire les photons Hα ou du continu, respectivement. A ce propos, on peut souligner comment se sépare la largeur équi-valente Lyα de la composante diffuse de celle de la région C qui reste globalement constante avec l’extinction. A contrario, EW ne montre aucune corrélation avec la poussière, confirmant que Hα et le continu se comportent de façon similaire face à l’extinction.

ESO 338-IG04

Cette galaxie présente des caractéristiques semblables à celles de Haro 11. En outre, les composantes centrales d’absorption et d’émission apparaissent quasiment à la même extinction moyenne ; E(B −V ) ≃ 0.22 et 0.23 pour l’absorption et l’émis-sion, respectivement (cf. Fig. 2.8). On observe de la même façon un halo d’émission diffuse qui constitue environ 70% de l’émission Lyα totale. La même valeur a été précédemment trouvée par Hayes et al. (2005) avec une technique de masquage différente.

Fig. 2.8: ESO 338-IG04 diagramme de dispersion. Gauche : brillance de surface de Lyα en fonction de l’extinction déterminée à partir du décrément Balmer. La composante d’émission est en rouge, l’absorption en bleu et l’émission diffuse en cyan. Droite : Rapport entre les raies de recombinaison Lyα/Hα vs E(B − V ) avec le courbe théorique de ce rapport en fonction de l’extinction en noir. Les barres d’erreur correspondent aux incertitudes estimées en section 2.1.3.

ex-tinction, le long de l’axe Est-Ouest, E(B − V ) ∼ 0 − 0.25, compatible avec notre estimation. En particulier, l’extinction devant la région A (suivant l’appellation de Hayes et al. 2005, cf. Fig. 2.3) est comparable. Finalement, le rapport Lyα/Hα semble suivre la décroissance théorique en fonction de l’extinction.

IRAS 08339+6517 et NGC 6090

Les deux objets montrent une émission Lyα prononcée, sans aucun signe d’ab-sorption forte, venant confirmer les observations spectroscopiques de STIS pour IRAS 08339+6517 (Mas-Hesse et al. 2003) et HUT (Hopkins Ultraviolet Telescope) pour NGC 6090 (Gonzalez Delgado et al. 1998), qui dévoilent une raie Lyα brillante. Au regard de la figure 2.9, il est clair que l’émission Lyα est peu sensible aux effets d’extinction de la poussière. L’absence de corrélation observé au sujet du rapport Lyα/Hα reste valable pour le reste des quantités (flux, EW , qui ne sont pas mon-trées ici). Désormais, ce constat établi, on peut aller plus loin dans la lecture des résultas spectroscopiques précédents.

Fig.2.9: IRAS 08339+6517 et NGC 6090 diagramme de dispersion. Gauche : Rap-port entre les raies de recombinaison Lyα/Hα vs E(B −V ) dans IRAS 08339+6517, avec le courbe théorique de ce rapport en fonction de l’extinction en noir. Même chose à droite pour NGC 6090. Les barres d’erreur correspondent aux incertitudes estimées en section 2.1.3.

Le spectre STIS de IRAS 08339+6517 révèle un profil Lyα P-Cygni avec un pic rouge décalé d’environ 300 km s−1 par rapport à la vitesse de la région Hii déduite des raies d’émission optiques. S’appuyant sur les spectres 2D Lyα et Hα, les au-teurs trouvent une super-bulle en expansion à l’origine de ce décalage en vitesse, qui s’étend sur une échelle galactique (10 kpc). L’ouverture que l’on a établie pour délimiter la région d’émission centrale de la galaxie est bien inférieure (2 kpc). Il semblerait alors que l’on observe l’émission centrale à travers un gaz neutre qui se rapprocherait de nous à une vitesse qui avoisine les 300 km s−1. NGC 6090 arbore un profil Lyα similaire dans le spectre HUT et s’inscrit ainsi dans le même raison-nement. Les raies d’absorption interstellaires sont décalées vers le bleu par rapport à la position de Lyα, indiquant un milieu interstellaire à une vitesse d’expansion de quelques centaines de km s−1. En présence de tels décalages en vitesse, l’émission

Lyα se montre moins sensible à la présence de poussière. Ces résultats confirment donc l’importance d’un champ de vitesse dans le milieu de diffusion des photons Lyα (le gaz neutre) dans la visibilité de la raie Lyα.

Lyα en absorption : SBS 0335-52 et Tololo 65

La spectroscopie HST/GHRS des deux galaxies bleues compactes SBS 0335-052 et Tol 65 a révélé un profil Lyα en absorption très large et saturée (Thuan et al. 1997), indiquant une densité de colonne N(Hi)≃ 2 et 7×1021cm−2, dans l’ordre. L’imagerie Lyα de SBS 0335-052 n’indique aucun signe d’émission directe, mais plutôt une faible émission diffuse qui entoure une absorption centrale très forte. Sur la figure 2.10, on peut voir que l’extinction s’impose, plus que dans les cas précédents, comme un paramètre dominant la visibilité de Lyα. Au regard de la couverture dense en Hi (7 × 1021 cm−2) et de la position des raies interstellaires au même redshift (Kunth et al. 1998; Thuan et al. 1997), cette galaxie est un starburst relativement jeune qui commence tout juste à ioniser son environnement, alors que la plupart du gaz neutre reste statique par rapport à la région Hii. Par conséquent, une forte émission optique est visible, alors que les photons Lyα sont littéralement emprisonnés par les multiples diffusions et détruits par la poussière. Ceci correspondrait à la phase 1 du scénario semi-analytique de l’évolution du profil Lyα avec l’âge du starburst de Tenorio-Tagle et al. (1999). Le caractère statique du gaz Hi est de plus confirmé par les observations 21 cm.

Fig. 2.10: SBS 0335-052 diagramme de dispersion. A gauche : brillance surfacique Lyα en fonction de l’extinction. A droite : rapport entre les raies de recombinaison Lyα/Hα vs E(B − V ). La région d’absorption centrale est représentée en bleu.

La combinaison d’une grande densité de colonne de Hi et d’un gaz relativement statique par rapport aux régions d’émission rend l’émission Lyα particulièrement sensible à la poussière.

Par ailleurs, Tol 65 montre une faible émission diffuse sans aucune structure. Cette observation n’est pas pour autant contradictoire avec le spectre GHRS qui montre un profil absorbant, avec au demeurant un S/N bien plus faible que pour SBS 0335-052, car l’émission diffuse n’est pas significativement plus grande que le

bruit de fond de l’image, qui est plus important pour cette galaxie car plus proche, et donc plus affectée par l’émission géocoronale.