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Les toxines bactériennes sont des substances solubles qui altèrent le métabolisme normal des cellules de l'hôte. La production d'une toxine est spécique d'une espèce bactérienne qui produit une pathologie qui lui est associée. Les exotoxines sont des protéines produites par les bactéries et sécrétées dans le milieu environnant. Les endotoxines sont des lipopolysaccharides de la membrane externe de certaines bactéries Gram négatif, libérées lors de la lyse cellulaire [33].

Les toxines ne sont pas indispensables à la croissance des bactéries, mais peuvent participer à leur survie en détruisant les leucocytes par exemple, et à leur diusion, en dégradant les protéines de la matrice du tissu conjonctif.

Elles représentent les substances biologiques les plus puissantes contre l'être humain. En eet, elles agissent à des concentrations extrêmement faibles (∼ 100 ng / personne pour la toxine tétanique ou botulinique).

Les toxines sont de spécicité variable, et agissent de plusieurs manières, sans forcément détruire directement les cellules de l'hôte [33]. Certaines agissent à la surface des cellules, d'autres au niveau intracellulaire.

1. Les toxines agissant depuis le milieu extracellulaire de la cellule cible.  les toxines qui aident les bactéries à diuser dans les tissus :

Ce sont des enzymes de dégradation sécrétées par les bactéries, qui agissent comme facteurs de diusion en facilitant la dispersion des micro-organismes infectants. Il y a par exemple l'hyaluronidase qui détruit la base du tissu conjonctif, la DNAse qui uidie le pus rendu visqueux par l'ADN libéré des leucocytes morts ou encore la streptokinase qui détruit les barrières de brine se trouvant sur le chemin des streptocoques envahisseurs.

 les toxines qui lysent les cellules :

Elles agissent habituellement comme des lipases ou en s'insérant dans la membrane pour former des pores. Un exemple de lipase est donné par la lécithinase, qui lyse les cellules sans discrimination car son substrat est ubiquitaire dans les membranes des mammifères. Plusieurs toxines présentant ces caractéristiques sont appelées hémolysines, car elles sont capables de lyser les hématies. Cependant, elles sont également capable de lyser des leucocytes. Ainsi, les micro-organismes éliminent les défenses de l'hôte, en créant un milieu anaérobie, nécrotique, et riche en nutriments dans lequel ils peuvent se développer. L'autre classe perturbe la perméabilité de la membrane en y formant des pores protéiques non sélectifs pour l'eau et les ions. Ainsi, l'eau pénètre dans le cytoplasme entraînant ainsi la lyse de la cellule. Même à faible concentration, les fonctions cellulaires peuvent être altérées par de petites perturbations dans la membrane qui provoquent la fuite des ions, indispensables à la survie de la cellule. Ces mécanismes peuvent donc détruire ecacement les phagocytes, qui sont la première ligne de défense de l'hôte.

2. Les toxines à cible intracellulaire (de type AB)

La plupart des toxines à cible intracellulaire sont synthétisées sous la forme de précur-seur inactifs qui doivent être activés pour devenir toxiques. La toxine de la diphtérie (de Corynebacterium diphtheriae), du choléra (de vibrio cholerae), du tétanos (de Clostridium tetani), et des shigelles (de Shigella dysenteriae) en font partie. Le précurseur inactif est généralement composé de deux parties, l'une impliquée dans la liaison à la membrane de la cellule hôte (on appelle cette sous-unité B pour Binding), l'autre responsable de l'acti-vité toxique (sous-unité A pour Active). Ces toxines sont appelées toxines AB. Le plus souvent, la sous-unité B se lie à un récepteur membranaire de la cellule hôte et la toxine est ensuite endocytée dans une vésicule membranaire (endosome) dans la cellule. L'acidica-tion de l'endosome induit une séparaL'acidica-tion des sous-unités A et B. La sous-unité B reste dans l'endosome et sera recyclée à la surface. La sous-unité A est transportée vers des organelles spéciques avant d'être libérée dans le cytosol. Cependant, l'entrée de la toxine dans la cel-lule cible peut également avoir lieu par une translocation directe. Dans ce cas, la liaison de la sous-unité B sur le récepteur induit la formation d'un pore dans la membrane, au travers duquel la sous-unité A est transférée dans le cytoplasme. La sous-unité A de la protéine peut ensuite être activée par clivage protéolytique et réduction des ponts disulfure pour devenir toxique.

Un exemple le plus classique du mécanisme d'entrée d'une toxine dans la cellule hôte, est celui de la toxine diphtérique (DT), dont la bactérie Corynebacterium diphtheriae est res-ponsable d'une maladie respiratoire sévère. Le mécanisme est illustré sur la gure II.1. Un clivage protéolytique de DT, de la famille des furines, a lieu à la surface de la cellule, et génère les deux sous-unités DTA et DTB reliées par un pont disulfure [34]. DTA constitue la sous-unité A, et DTB la sous-unité B. DTB est constitué de deux domaines : DTT qui facilite la translocation à travers la membrane endosomale, et DTR qui se xe au récep-teur membranaire de la cellule cible. DT est ensuite endocyté. L'acidication de l'endosome provoque un changement conformationnel majeur qui permet aux hélices α de DTT de pé-nétrer dans la membrane de l'endosome (endomembrane) et de former un canal permettant la translocation de DTA vers le cytosol. Dans sa forme insérée dans la membrane, DTT peut aussi jouer le rôle de chaperon en interagissant partiellement avec DTA, facilitant ainsi son dépliement pendant sa translocation. DTA passe ensuite dans le cytosol via des facteurs cytosoliques, où il est restructuré vers sa forme active, puis relargué grâce à la réduction du pont disulfure.

Clivage protéolytique

Changement conforma-tionnel induit par un faible pH et formation du pore Liaison au récepteur et endocytose Initiation de la translocation de DTA Extraction de DTA/ réduction des ponts disulfure, repliement -S-S -Récepteur -S-S - -S-S- HS--SH DTA DTT DTR -S-S-hélice α HS--S-S -Endosome Facteurs cytosoliques 1 2 3 4 5

Fig. II.1: Désassemblage de la toxine diphtérique au niveau de la membrane plasmique et dans les endosomes. Adaptation de la gure 4b de la revue de Takamasa Inoue [34].

Voici quelques exemples de toxines à cible intracellulaire :  les toxines qui bloquent la synthèse protéique :

La toxine diphtérique (de Corynebacterium diphtheriae), dont le mécanisme d'entrée dans la cellule hôte a été décrit précédemment, est une ADP ribosyl-transférase activement dirigée contre le facteur d'élongation 2 (ou EF2), que l'on trouve dans les protéines eucaryotes. EF2 catalyse l'hydrolyse du guanosine triphosphate (GTP) nécessaire au mouvement des ribosomes sur l'ARNm, permettant ainsi la synthèse protéique. Par une réaction d'ADP-ribosylation de EF2, la toxine diphtérique inhibe ainsi la synthèse protéique [33]. L'exotoxine A sécrétée par P. aeruginosa agit également de la même façon.

La toxine shiga de Shigella dysenteriae, Shigella exneri, Shigella sonnei ou encore Shigella boydii, bloque la synthèse protéique en agissant comme une N-glycosidase. C'est une toxine de type AB5 (avec 5 sous-unités B) dont la sous-unité A est responsable du clivage d'une

liaison N-glycosidique de l'adénine à la position nucléotidique 4324 de l'ARN ribosomique 28S de la sous-unité ribosomale 60S, altérant ainsi la synthèse protéique [35].

 les toxines qui interfèrent sur la transduction du signal :

Parmi les toxines qui ne détruisent pas la cellule, il en existe qui fonctionnent en élevant la concentration d'AMP cyclique (AMPc), qui joue un rôle essentiel dans la transduction du signal. C'est le cas de la toxine cholérique (de vibrio cholerae), dont le tissu cible est l'épithélium de l'intestin grêle. La sous-unité B a une anité spécique pour la muqueuse épithéliale intestinale. La sous-unité A agit par ADP-ribosylation de la GTPase, qui est impliquée dans la régulation de la synthèse d'AMP cyclique, altérant ainsi la production de ce dernier. Un autre exemple est celui de la toxine CyaA de Bordetella pertussis, sur laquelle porte la présente thèse. La toxine, qui est une adénylcyclase, est composée de plusieurs domaines, dont un qui permet sa liaison à un récepteur d'une cellule phagocytaire, et d'autres qui lui permettent d'être directement transloquée dans la cellule hôte, où elle sera activée comme adénylcyclase par la calmoduline, protéine ubiquitaire dans les cellules eucaryotes. Elle catalyse alors l'hydrolyse de l'ATP en AMPc et PPi de manière incontrô-lée. L'AMPc est produit en grandes quantités, ce qui altère le système immunitaire de l'hôte.  les toxines qui bloquent la transmission synaptique :

Les plus létales d'entre elles sont les neurotoxines tétanique et botulinique, produites par Clostridium tetani et Clostridium botulinum, qui fonctionnent de façon intracellulaire. Les neurotoxines botuliniques et tétanique sont synthétisées sous forme d'une seule chaîne pro-téique de 150 kDa environ. Ces protéines ne possèdent pas de séquence signal et leur sécrétion intervient par un processus encore mal déni d'exfoliation des parois bactériennes ou par lyse de ces parois. L'activation des neurotoxines fait intervenir une protéolyse qui clive la protéine précurseur en deux fragments A et B. Les deux chaînes restent réunies par un pont disulfure.

La toxine tétanique est produite dans la plaie d'inoculation et diuse jusqu'aux extrémités terminales des motoneurones. Le fragment B, activé par protéolyse et par réduction des ponts disulfures, se lie aux récepteurs gangliosidiques des neurones. Après internalisation, il migre le long des axones vers la moelle épinière et le tronc cérébral par un mécanisme de transport rétrograde. À ce niveau, il se xe au niveau des terminaisons présynaptiques et bloque la libération de neurotransmetteurs inhibiteurs, en l'occurence la glycine et surtout l'acide gamma amino-butyrique (GABA). La diminution de l'inhibition résulte en une augmentation de l'activité des neurones moteurs et provoque les spasmes musculaires et les contractions musculaires rigides caractéristiques du tétanos.

La toxine botulinique, elle, est produite dans la nourriture contaminée. Elle transite par le tube digestif, et est activée par les protéases intestinales. Elle traverse ensuite la muqueuse intestinale et est véhiculée par le sang ou la lymphe jusqu'aux extrémités

axonales amyéliniques des motoneurones, où elle est internalisée. Contrairement à la toxine tétanique, la toxine botulinique reste à l'extrémité présynaptique des motoneurones et agit sur les terminaisons nerveuses périphériques. La toxine botulinique provoque ainsi un blocage présynaptique de la libération d'acétylcholine aux jonctions neuromusculaires. L'interruption de la stimulation nerveuse entraîne une relaxation irréversible des muscles, conduisant à l'arrêt respiratoire.