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Panorama des techniques de rhéologie élongationnelle

3.2 La rhéologie élongationnelle

3.2.3 Panorama des techniques de rhéologie élongationnelle

Je présente ici les méthodes servant à mesurer la viscosité élongationnelle que l’on peut trouver actuellement dans la littérature. L’intérêt de chacune dépend de la gamme de paramètres expérimentaux (viscosité du solvant, concentration, élasticité, vitesse d’écoulement, géométrie, temps de mesure, taux de déformation accessible, etc.) dans laquelle elle est la plus performante.

Difficulté et particularité de la rhéologie des écoulements d’élongation

Les écoulements réels comportent en général une composante de cisaillement : la présence des parois entourant le fluide constitue une source de vorticité. Cela rend difficile l’utilisation directe de la définition 3.1, qui sous-tend l’obtention d’un écoulement élongationnel pur. Le rhéologue est donc souvent conduit à utiliser un écoulement mixte et une analyse plus ou moins sophistiquée afin d’en déduire la viscosité élongationelle.

De plus un écoulement en régime stationnaire avec un taux d’élongation constant conduit à une déformation totale qui croit exponentiellement avec le temps (1.2.1). Cela complique le contrôle de l’écoulement (stabilité). De même si l’on impose la contrainte, il faut que l’écoulement reste stable jusqu’à l’obtention du régime sta- tionnaire correspondant.

Enfin, la condition d’écoulement laminaire n’est pas toujours vérifiée, particu- lièrement pour les solutions peu visqueuses à haut taux de déformation, et il est alors ardu de s’abstraire des effets inertiels lors des mesures.

Lorsque l’on dispose d’un rhéomètre et d’une expérience conséquente en rhéo- logie de cisaillement il est tentant de vouloir utiliser ce même outil pour l’étude des propriétés élongationnelles. En particulier la mesure des contraintes normales en cisaillement semble pouvoir être reliée à celle des contraintes normales en élon- gation [76]. Bien que cette approche très indirecte puisse être justifiée au cas par cas si un modèle et un ensemble de corrélations (abaques de correspondance) ont été préétablis elle ne permet pas de déterminer la viscosité élongationnelle a priori si ce travail préalable n’a pas été validé.

Dans le cas des solutions polymériques2, cela tient essentiellement à l’effficatité

moindre des écoulements de cisaillement à étirer toutes les chaînes de polymères en régime stationnaire. La transition de déroulement y est de nature différente que dans le cas des écoulements élongationnels (voir la section 1.2.3). En dépit des difficultés il est donc fondamental que l’écoulement soit au moins à domi- nante élongationnelle pour réellement corréler une contrainte et une déformation élongationnelles avec la microstructure de la solution.

Écoulement à dominante élongationnelle

Je sépare dans cette présentation les mesures ayant un point de stagnation dans le référentiel du laboratoire de celles n’en ayant pas. La présence ou non d’un point de stagnation a un impact important sur la durée pendant laquelle il est possible d’observer une même partie de la microstructure du fluide complexe

2La nécessité d’un écoulement majoritairement élongationnel est aussi valable pour d’autres

types de fluides complexes. Par exemple rien n’exclut que la présence ou non de vorticité puisse jouer un rôle dans le cas des suspensions granulaires concentrées en églongation (bien qu’à ma connaissance il n’y ait pas d’études expérimentales). De plus les solutions de surfactant présentent un comportement différent en cisaillement et en élongation, voire une dépendance complexe avec le pré-cisaillement [77].

étudié. Cette distinction n’est pas définitive car il est parfois possible de rendre symétrique un écoulement (avec un montage plus complexe) et d’obtenir ainsi un point de stagnation dans le référentiel du laboratoire.

Sans point de stagnation (Voir figure 3.3)

Les méthodes de contraction ou siphon [78, 79, 80] Il s’agit de faire passer

le fluide par une zone où la section de l’écoulement est fortement réduite (comme dans un entonnoir où une bonde d’évacuation). L’accélération lon- gitudinale créée conduit à un écoulement à dominante élongationnelle, où la microstructure est fortement étirée. Une mesure de l’augmentation de la perte de charge en fonction du débit permet de remonter à une estimation de la viscosité élongationnelle (relativement à l’écoulement d’un fluide newtonien de référence). Les effets inertiels sont importants pour les basses viscosités.

Le filage [81] Un filament de fluide est entraîné par et enroulé sur un volant de

manière continue. La mesure du diamètre et de la tension dans le filament (ou du couple du volant) permet de remonter à la viscosité élongationnelle de cet écoulement. La principale difficulté est d’obtenir un filament (liquide) stable, ce qui limite cette méthode aux solvants très visqueux.

Utilisation de l’effet de siphon sans tube [82] L’aspiration initiale d’un si-

phon crée une forte zone d’accélération et d’extension. Si la viscosité élonga- tionnelle est suffisament importante il est possible d’aspirer une colonne de liquide (avec sa surface libre) à partir d’un réservoir au repos. La hauteur de cette colonne libre dépend de la gravité et de la viscosité élongationnelle.

Par traction C’est la méthode employée par Trouton. Elle consiste à appliquer

une contrainte connue à un échantillon de test. Cette contrainte peut être causée par le poids de l’échantillon lui-même [83] (exemple d’une très grosse « goutte » de fluide), une masse constante supplémentaire accrochée [72], etc. Le défaut majeur de cette technique est que la variation du taux de déformation ne passe pas forcément par une évolution quasi-stationnaire.

Par étirement (FISER3) [84, 85] Dans ce cas on impose une déformation pro-

gressive controlée à l’échantillon testé, et on mesure la contrainte au niveau des points d’attache (les « pieds » du filament formé). La difficulté est ici de maintenir un écoulement avec une déformation qui augmente exponentielle- ment tout en gardant un filament stable, aussi bien au centre qu’aux pieds (instabilité de fibrilles, filament instable aux faibles viscosités).

En toute rigueur, les deux dernières méthodes ont un point de stagnation autour duquel l’écoulement est purement élongationnel mais il est en translation dans le référentiel du laboratoire, ce qui modère son utilité pour visualiser la microstucture.

Avec point de stagnation (Voir figure 3.4) 56

(a) Contraction (b) Ligne de filage

(c) Siphon sans tube (d) Traction de filament

(contrainte controlée).

(e) Étirement de filament (dé- formation contrôlée). Fig. 3.3 – Les méthodes de rhéologie élongationnelle sans point de stagnation.

Jets opposés Dans cette méthode le point de stagnation est formé au point de

rencontre de deux jets aspirés de manière opposée [86]. Le taux de déforma- tion est proportionnel au débit. On mesure la perte de charge de l’écoulement ou la force exercée sur le canal d’aspiration. Si on utilise un canal plan en croix, on mesure la viscosité planaire.

Quatre rouleaux [28] Le point de stagnation est en fait une ligne de stagnation

d’un écoulement bidimensionnel généré par la rotation de quatre cylindres verticaux. Le contrôle du sens et de la vitesse de rotation indépendamment pour chaque cylindre permet d’obtenir tous les écoulements mixtes dans le plan allant du cisaillement simple à l’élongation pure. La mesure des couples donne accès à la viscosité planaire dans l’écoulement.

CABER [23] Cela signifie CApillary Break-up Extensional Rheometer. Un pont

capillaire (volume de fluide à surface libre, maintenu par la tension de surface entre deux surfaces solides) est placé dans une situation instable qui entraîne sa rupture en deux volumes de fluide distincts. Cette rupture est un écou- lement élongationnel dont la dynamique dépend uniquement de la tension de surface et de la viscosité du fluide. L’enregistrement de cette dynamique (qui peut-être très rapide, de l’ordre de la dizaine de milliseconde) permet d’extraire la viscosité du fluide.

Goutte tombante C’est une situation un peu intermédiaire entre CABER et

un méthode par traction dans laquelle une goutte maintenue par la tension de surface à l’extrémité d’un capillaire se détache sous son propre poids. L’écoulement est élongationnel et la dynamique du détachement est soumise à la tension de surface, au poids et à la viscosité. Elle peut être incluse dans les méthodes avec point de stagnation quand le poids joue un rôle négligeable [69].

(a) Jets opposés. (b) 4 rouleaux. (c) CABER.

Fig. 3.4 – Les méthodes de rhéologie élongationnelle avec point de stagnation.