• Aucun résultat trouvé

Le polyvinylpyrrolidone (PVP) : vers une viscosité effective

6.4 Compromis : ADN en solution semi-diluée de polymères (PVP,POE)

6.4.3 Le polyvinylpyrrolidone (PVP) : vers une viscosité effective

Le polyvinylpyrrolidone ((C6H9N O)n) est un homopolymère polaire, soluble

dans l’eau. C’est un produit stable, disponible sous forme de poudre très hygrosco- pique, très peu toxique et très bien toléré dans les applications biologiques (tampon pour l’ADN). Il est utilisé dans la réalisation d’enduit, de peinture, d’adhésifs (bâ- ton de colle, pansements cutanés) ou comme inhibiteurs des polyphénols lors de l’extraction d’ADN végétal.

Il est souvent présenté comme un agent épaississant permettant de créer des solutions visqueuses newtoniennes, en insistant sur la constance de la viscosité et l’absence de thixotropie. Il est disponible en plusieurs masses molaires, catégorisées sous l’appelation K, ce qui autorise une grande plage de viscosités accessibles [172]. La viscosité dépend de la concentration de manière non linéaire comme on peut le voir sur les courbes 6.20.

J’ai effectué quelques tests préliminaires avec du PVP K15 disponible au labo- ratoire (mesure d’indice de réfraction, de viscosité, d’autofluorescence, de compati- recherches visant à en faire un sang artificiel ou un substitut de l’atmosphère respirable. No-

tamment, c’est dans ce type de liquide saturé en O2 que des souris ont été immergées sans se

noyer plusieurs dizaines de minutes. Elles sont mortes par la suite de chocs respiratoires et d’oe- dèmes. L’absence d’adaptation des indices de réfraction des souris et du liquide d’immersion rend toutefois cette expérience nettement moins pertinente pour notre travail.

(a) D’après [172]. On note que la pente des courbes (ordonnée lo- garithmique) dépend de la masse molaire (indice K). 1 0 1 5 2 0 2 5 3 0 3 5 0 , 0 1 0 , 1 1 Vi sc os ité d e ci sa ille m en t ( Pa .s ) f r a c t i o n m a s s i q u e ( % ) P V P K 9 0 P V P K 1 5

(b) Viscosité mesurée en fonction de la concentration pour les solutions de PVP K15 et K90.

Fig. 6.20 – Viscosité de solutions de PVP Luvitec (BASF), en fonction de la concentration massique dans de l’eau.

bilité avec l’ADN coloré ou non). Les résultats étant encourageants mais la viscosité atteinte trop faible je me suis procuré du PVP K90 (Sigma-Aldrich, masse molaire 360 000 g/mol) afin de déterminer la validité de cette stratégie.

Les tests commencent par la préparation d’une solution de PVP K90 à 15 % dissous avec une agitation modérée à 50˚Celsius dans une solution tampon TE à 10

mM , puis stockée à température ambiante. À cette concentration, la solution a une

viscosité supérieure à celle que nous cherchons à atteindre. Elle est transparente et homogène. Son autofluorescence excitée à 532 nm est négligeable par rapport à la fluorescence de l’ADN complexé. Pour tester la stabilité de l’ADN seul, je rajoute 40 ppm d’ADN λ à cette solution. Il n’y a pas de séparation de phase (pendant plusieurs semaines), la solution conserve ses propriétés optiques.

Je dilue ensuite une solution d’ADN marquée au POPO-3 à 1 : 5 de 1 ppm à 0,005 ppm dans un autre échantillon de cette solution de PVP. Les chaînes d’ADN sont clairement visibles avec une intensité comparable à celle de chaînes dans le tampon seul. Une heure plus tard, le signal est affaibli et la fluorescence légèrement « étalée » autour des chaînes, mais les chaînes sont toujours résolues.

Je mesure la viscosité de cisaillement dans une géométrie cône-plan de diamètre 50 mm et d’angle 1˚, en imposant le taux de cisaillement. Les courbes de visco- sité de solutions de PVP K90 sont réprésentées sur la figure 6.21. Si la viscosité est constante sur une plage de cisaillement, la dénomination de fluide newtonien n’est pour le moins pas justifiée à cause de la rhéofluidification importante et

des contraintes normales présentes à partir de 20 à 90 s−1. Ces valeurs montrent

toutefois que les solutions de PVP, notamment les plus diluées, satisfont à notre définition d’un fluide « suffisamment » newtonien du point de vue de l’ADN.

L’indice de réfraction n’est une fonction que de la concentration massique, alors que la viscosité dépend aussi du poids molaire du polymère. J’ai mesuré une relation linéaire entre l’indice et la fraction massique φ : n(φ) = 0, 002.φ + 1, 332. Il faut 10 % de PVP K90 pour obtenir une viscosité de 250 mP a.s, avec un indice à 1,352. L’augmentation de l’indice par rapport à l’eau pure est seulement de ∆n = 0, 020, soit 1,4 %, ce qui dans le cas de l’utilisation de l’objectif à immersion à eau x40/0,8 est une adaptation globale d’indice beaucoup plus efficace qu’avec le sirop tamponné (∆n = 0, 130, soit 9 %). Cela laisse entrevoir la possibilité de corriger l’aberration résiduelle avec la technique des marches d’indice optique étudiée dans la section 6.3.3.

La définition de liquide « suffisamment » newtonien ne doit pas cependant se limiter aux cas du cisaillement mais inclure les écoulements élongationnels. Pour tester ce dernier point, une goutte de solution de PVP K90 à 10 % écartée entre deux doigts suffit : il y a inhibition de la rupture avec formation d’un filament persistant plus longtemps que pour une solution de glycérol (≈ 90%) de même viscosité de cisaillement.

L’approche utilisant du PVP pour augmenter la viscosité sans changer l’in- dice afin de réduire les aberrations ne permet donc pas de mesurer la viscosité élongationnelle de l’ADN.

Il faut noter cependant que la présence de PVP inhibe elle aussi la rupture et que le régime de rupture est viscoélastique-capillaire. L’inertie est absente de cette rupture et le taux de contraction a l’air suffisamment élevé pour étirer les chaînes d’ADN dans de l’eau pure. Cela suggère que l’on devrait pouvoir observer l’augmentation de viscosité causée par l’ADN en plus de celle du PVP. Il faudrait faire des mesures plus fines et plus systématiques mais l’on peut déjà dire que les dynamiques des microstructures sont en fait interdépendantes de manière non triviale.

6.4.4

Inverser les rôles : un solvant très non-newtonien