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P ARAGRAPHE 2 : L’ ENJEU DU VEHICULE LEGISLATIF UTILISE !

LA NECESSITE D’IMPLEMENTER UN OUTIL JURIDIQUE PROTEGEANT EFFICACEMENT LA NN

P ARAGRAPHE 2 : L’ ENJEU DU VEHICULE LEGISLATIF UTILISE !

NN devrait s’attacher :

1/ à viser en priorité les intermédiaires techniques, afin que ceux-ci ne puissent retarder ou prioriser un flux en fonction de son contenu. L’intelligence doit rester au bout du réseau, les tuyaux doivent rester, autant que possible, « bêtes » et neutres ;

2/ à sauvegarder la liberté d’expression au sens de la fiabilité du contenu auquel l’utilisateur final accède sur le réseau. Cela passe par une interdiction de filtrage/blocage a priori et l’obligation du recours à l’autorité judiciaire ;

3/ à exclure les hébergeurs de son champ d’application : la régulation des FCA et plus précisément des hébergeurs n’est pas du ressort d’un loi sur la NN. La

problématiques de la place des OTT en tant que « quasi-services publics »39 relève

de la préservation de la « passivité des hébergeurs » vis-à-vis de l’information, non pas de la NN. Si la différence se vérifie au niveau de la terminologie40, elle doit

s’appliquer légalement ;

4/ à ne pas s’inscrire dans un trop grand niveau de détail. Sans cela, une loi sur la NN deviendrait rapidement inopérante à cause des évolutions techniques auxquelles elle devra s’adapter (cf. Section II) ;

5/ prévoir des exceptions purement techniques à la NN, notamment en cas de congestion du réseau.

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P

ARAGRAPHE

2:L’

ENJEU DU VEHICULE LEGISLATIF UTILISE

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“Il faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire”!

- Montesquieu.

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A. Dépasser l’éclatement des législations

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En plus d’une définition précise de la NN, une loi consacrant le principe devra proposer des outils opérants à l’autorité en charge de caractériser ses at-

teintes. Bien que la NN soit mentionnée dans les dispositions du CPCE41, que

l’ARCEP puisse saisir l’Autorité de la concurrence lorsqu’elle identifie un risque de concurrence relatif à une violation du principe, le cadre juridique demeure frag-

menté. Ce qui en ressort, c’est la difficulté d’utiliser ces dispositions comme un

outil juridique efficace, d’où l’intérêt d’une loi forte. Le véhicule législatif choisi

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39 CNNum, « Rapport relatif à l’avis net neutralité », N°2013-1, 1er mars 2013,

[http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2013/03/130311-rapport-net-neutralite- VFINALE.pdf].

40 La neutralité n’est pas la passivité.

devra précisément palier au manque d’intelligibilité de la loi qui, à ce jour, laisse

douter sur la réelle portée du principe de NN en droit positif.

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Le CNNum propose d’inscrire ce principe dans l’article 1er le la loi du 30 septembre 1986. Cette dernière a déjà résisté aux différentes évolutions technolo- giques et a prouvé son efficacité, nonobstant ses nombreuses réformes. S’il s’agit d’une loi technique, il demeure que la « loi Léotard » pourrait offrir au principe une portée élargie puisqu’elle a vocation à réguler les communications électro- niques. L’inscription de la NN dans celle-ci constituerait un signal fort dans la prise en compte de la convergence technologique (cf. Chapitre 1). Le caractère historique de cette loi pourrait également participer de l'élargissement de sa portée, prenant symboliquement le relais de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Benoît Thieulin justifie ce choix : « Celle-ci venait déjà pour amender la loi sur la

Liberté de la presse du 29 juillet 1881. On retrouve aussi des liens avec la [LCEN] du 21 juin 2004 qui a été amendée ». Le président du CNNum souligne ainsi qu’ « il y a un héritage fort entre ces lois »42.

B. La « fausse bonne idée » de la loi de 1986 ?

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Le choix de la loi du 30 septembre 1986 par le CNNum est aussi guidé par la volonté de « constitutionnaliser le principe »43. Si ce choix s’avère à première

vue légitime, la recommandation du rapport CNNum s’égare quant à la place

qu’occupent les dispositions de la loi de 198644 au sein de la hiérarchie des normes.

Il s’agit en réalité d’une loi ordinaire qui appartient au bloc de légalité. Ses disposi- tions n’ont donc pas de valeur « constitutionnelle » en elles mêmes. Une insertion

du principe dans cette loi ne le constitutionnaliserait aucunement.

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En outre, si « constitutionnaliser » la NN pourrait participer d’une « poli-

tisation » du sujet, Laure de la Raudière affirmait très justement qu’ « une révision constitutionnelle est une procédure longue et contraignante ; cela ne semble pas être la priorité aujourd’hui »45. En plus d’être compliquée, la constitutionnalisa-

tion d’un principe n’emporterait pas forcément élargissement de sa portée juridique et pratique. Or, l’importance du véhicule législatif désigné tient en ce que la loi qui sera votée devra comporter des garanties d’efficacité : alors que la liberté d’expression fait l’objet de maintes proclamations solennelles au niveau constitu- tionnel, le débat sur la NN tient justement aux moyens de garantir son exercice effectif sur Internet (cf. Chapitre 1). Cela prouve bien que la constitutionnalisation

d’un principe n’équivaut pas à ce qu’il soit rendu efficace dans sa portée pratique.

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Si le Conseil considère la loi en question46 comme un bon vecteur juridique

pour y inscrire le principe de NN, ce choix a soulevé de nombreuses critiques : pour

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42 Philipe GUERRIER, « Interview Benoît Thieulin - CNNUM : “Neutralité Internet : un principe à valeur

constitutionnelle », ITespresso, 13 mars 2013, [http://www.itespresso.fr/interview-benoit-thieulin- cnnum-neutralite-internet-principe-valeur-constitutionnelle-62736.html].

43 CNNum, Rapport relatif à l’avis net neutralité N°2013-1, 1er mars 2013, p.12.

[http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2013/03/130311-rapport-net-neutralite- VFINALE.pdf].

44 Loi relative à la liberté de communication, n° 86-1067, 30 septembre 1986. 45 Entretien Laure de la Raudière du 24 avril 2013.

beaucoup, la loi de 1986 est inadaptée car son ambition première est d’encadrer le

secteur audiovisuel linéaire47, qui répond à d’autres logiques que celles d’Internet.

Benoît Thieulin se défend en affirmant : « nous ne visions pas tant la loi de 86 que

la LCEN, qui l'amendait elle-même »48. Il demeure qu’après avoir déclaré la liberté

de communication, la loi du 30 septembre 1986 dresse la liste des motifs pouvant justifier sa limitation. Or, ces exceptions sont celles prévues dans le cadre des con- tenus audiovisuels dits « traditionnels ». Le collectif LQDN illustre les inquiétudes de ce choix en contestant :

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« Parmi ces exceptions, on retrouve “le respect de la dignité de la

personne humaine, […] de la propriété d'autrui [et] la protection de l'en- fance”, autant de valeurs qui, bien qu'exigeant une attention certaine, sont

constamment invoquées afin de justifier toutes les atteintes portées aux li- bertés fondamentales sur Internet »49

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Le choix de cette loi est décrié pour le « boulevard » qu’il pourrait ouvrir au CSA dans la régulation des contenus sur Internet. Félix Treguer (LQDN) résume cette « fausse bonne idée » de la manière suivante : « Le choix de la loi de 8650

pour inscrire le principe de NN est une erreur symbolique, politique et juridique ».

La NN a vocation à sauvegarder la neutralité du réseau en même temps que d’éviter un contrôle a priori des contenus sur Internet. Voir le fruit des tous ces débats aboutir au choix de la loi de 1986 peut constituer une déception pour cer- tains. Laure de la Raudière critique à ce titre la pauvreté de l’apport normatif de ce

choix : s’il s’agit d’ « une orientation politique forte, […] ce n’est pas normatif »51.

Toutefois, rappelons que l’avis du CNNum n’est pas (encore) un projet de loi. Il

incombera au Parlement de définir le contenu normatif de cette loi.

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47 Depuis 2009, les SMAD, services délinéarisés, sont également présents dans la loi du 30 septembre

1986.

48 Xavier BERNE, « Interview de Benoit Thieulin, président du CNNum », PC INpact, 19 avr. 2013,

[http://www.pcinpact.com/dossier/669-interview-de-benoit-thieulin-president-du-cnnum/2.htm].

49 La Quadrature du Net, « Les failles fatales de la neutralité du net selon le CNNum », www.laquadrature.net, 22 mars 2013, [http://www.laquadrature.net/fr/les-failles-fatales-de-la-

neutralite-du-net-selon-le-cnnum].

50 Loi relative à la liberté de communication, n° 86-1067, 30 septembre 1986. 51 Xavier BERNE, op. cit.

SECTION II (CONCLUSION)