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Les pôles territoriaux de coopération jeunesse : le cadre d’une démarche de coconstruction

Les pôles territoriaux de coopération jeunesse (PTCJ) répondent à deux enjeux principaux : rendre plus compréhensible et « désinstitutionnaliser » l’action menée en direction des jeunes. L’approche sectorisée des questions de jeunesse par thématique – travail, logement, santé, etc. – engendrerait une mauvaise articulation et donc un manque de lisibilité des politiques de jeunesse. Les PTCJ visent ainsi au décloisonnement en fédérant les acteurs jeunesse d’un territoire dans un lieu de vie, de rencontres, d’information et d’initiatives, pensé et cogéré par les jeunes. Ce nouveau cadre doit à la fois permettre de mettre en cohérence l’action en direction de la jeunesse d’un territoire, faire évoluer les postures pédagogiques des acteurs et donner voix aux jeunes dans la définition des dispositifs qui les concernent. Enfin, la mise en relation des pôles à l’échelle métropolitaine doit permettre d’initier une contribution ascen-

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PRATIQUES • ANALYSES

des professionnels. Réinventer les modes de coopération entre acteurs publics et associatifs est donc une ambition phare du projet. Trois objectifs sont ainsi visés à travers ces coopéra- tions : réunir les forces vives autour de tous les jeunes souhaitant s’engager individuellement ou collectivement pour leur avenir, décloisonner et hybrider les pratiques des professionnels de jeunesse et affirmer la contribution des associations aux politiques de jeunesse. À partir de ces coopérations, l’enjeu est bien de développer une politique intégrée de jeunesse, autre- ment dit une action coordonnée entre un ensemble d’acteurs privés ou publics se situant à des niveaux ou à des échelles différentes et impliquant les jeunes10.

Dans la première phase du projet, entre mars 2017 et décembre 2018, la coopération s’est d’abord incarnée dans une démarche de coconstruction des pôles territoriaux de coopé- ration jeunesse de l’agglomération bordelaise. Le dialogue et la dynamique de prise de décisions collectives entre jeunes, professionnels jeunesse et élus ont été initiés à travers un travail de définition des différentes dimensions des pôles. Quatre thématiques ont été successivement abordées : les coopérations (comment les acteurs jeunesse travailleront-ils entre eux et avec les jeunes ?) ; l’architecture (comment les espaces traduiront-ils les coo- pérations et la convivialité du lieu ?) ; la gouvernance (comment faire pour que les jeunes aient une voix égale à celle des professionnels dans les prises de décision ?) ; et le modèle économique (quel modèle économique pour ce projet expérimental et transversal ?). Cette démarche s’est déroulée sur les territoires où seront construits les futurs pôles. Au total, plus de deux cent cinquante acteurs en lien avec la jeunesse (associatifs, institutionnels, écono- miques, culturels, etc.), occupant différentes fonctions, (accueil, animation, coordination, direction) et des jeunes ont participé à cette démarche. Cette définition collective du projet visait à permettre l’appropriation de la démarche par les partenaires, condition de la réus- site future des projets. Les acteurs jeunesse impliqués ont ainsi travaillé collectivement à lutter contre l’éclatement et le cloisonnement sectoriel des politiques de jeunesse. Ils ont exprimé leur volonté de transformer leurs pratiques et imaginé de nouvelles complémen- tarités entre acteurs, de nouvelles pratiques d’accompagnement des jeunes, de nouveaux espaces de travail…

Cette coconstruction s’est basée sur une méthodologie spécifique de travail collectif. Convergence Habitat Jeunes, en coordination avec des partenaires locaux, a mené des « ateliers de coconstruction » sur les quatre thématiques identifiées (coopérations, archi- tecture, gouvernance, modèle économique), animés grâce à des méthodes pédagogiques actives, facilitant l’expression de tous, l’intelligence collective et la prise de décision com- mune. En effet, la volonté était que professionnels jeunesse, jeunes, élus, administrateurs et bénévoles s’expriment à voix égale sur ces enjeux. Cet objectif ambitieux a évidemment rencontré des limites : si les professionnels de jeunesse et les jeunes ont participé active- ment aux ateliers de coconstruction, les élus locaux et les administrateurs se sont davantage mobilisés sur les comités de pilotage du projet. La participation des jeunes à ces instances de pilotage reste à améliorer, notamment en faisant évoluer leur format qui demeure encore très « institutionnel ».

Toutefois, cette démarche de coconstruction vise un objectif à plus long terme : un « change- ment de paradigme » dans la façon dont les politiques de jeunesse sont conçues. Le constat selon lequel les jeunes restent trop souvent absents des espaces de décision concernant les politiques qui leur sont directement dédiées est partagé. Pour se confronter à cet enjeu, la thématique de « 100 % des jeunes engagés dans les futurs PTCJ » a été l’objet de deux jours d’échanges et de débats en mars 2018. Coorganisées avec le conseil départemental de la

10. DenstAD f., Youth Partnership (Organization) et Council of Europe 2009 ; siurAlA L., 2005, A European Framework for

POLITIQUES DE JEUNESSE DANS L’AGGLOMÉRATION BORDELAISE : RENFORCER ET RÉINVENTER LES COOPÉRATIONS TERRITORIALES

Gironde, ces journées ont accueilli environ quatre-vingts acteurs jeunesse venus écouter et débattre de la place des jeunes dans la gouvernance des PTCJ et des politiques de jeunesse. Une quinzaine de témoins ont partagé des initiatives inspirantes sur la gouvernance et la démocratie associative (budget participatif, tiers-lieux, holocratie11, etc.). Sensibilisés à ces enjeux, les acteurs de jeunesse impliqués dans le projet ont été incités à transformer les pra- tiques existantes et à expérimenter des modalités qui favorisent l’engagement des jeunes dans les futurs pôles et donnent une voix égale aux jeunes et aux professionnels dans les prises de décision. Cette réflexion commune s’est ensuite déclinée de manière différenciée dans chaque pôle : la démarche de coconstruction a

conduit à des décisions différentes en termes de coopération, d’architecture et de gouvernance selon les territoires où elle s’est déroulée. Ces démarches ont eu lieu simultanément dans trois communes de l’agglomération bordelaise : Lormont, Mérignac et Bordeaux. Après plus deux ans de travail de fédération des acteurs et de

coconstruction des pôles, les systèmes d’acteurs locaux ont imaginé des « initiatives » diffé- rentes selon les spécificités urbaines, sociologiques et politiques de leur territoire. Dans cha- cune de ces trois communes, il est déjà possible de comparer la manière dont l’ouverture du jeu d’acteurs, le contexte urbain et l’environnement institutionnel ont influé sur la dynamique de coopération. Ce constat permet d’esquisser quelques perspectives sur les enjeux institu- tionnels, techniques et démocratiques d’une politique de jeunesse à l’échelle métropolitaine.