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Périodisation et structuration de l’espace montréalais

2.2 Contexte

2.2.1 Périodisation et structuration de l’espace montréalais

Entre deux crises économiques mondiales, m ais qui manifestement bornaient l a période de prospérité la plus faste que le monde indust rialisé ait ja mais connue, les 50 années qui vont de 1880 à 1930 furent extraordinairement prospères pour Montréal, mêm e en f onction du contexte nord-américain.

Phyllis Lambert (1998 : 7)

Notre recherche couvre la période 1880-1 939. La première date ma rque la fin d’un e dépression économique qui frappe Montréal de plei n fouet à partir de 1873 (Li nteau, 2000 : 16). Elle correspond également, comme on l’a expliqué, à son décollage comme grand centre industriel nord-américain et comme métropole du Canada. La seconde date correspond à la fin d’une autre im portante dépression économ ique et sonne le glas de la prédominance économique de Montréal sur l’échiquier canadien. C’est entre ces deux dates que prennent forme les premières municipalités suburbaines de la région, même si la majorité d’entre elles ont déjà été absorbées par la ville centrale lors du krach boursier de 1929.

Ainsi, Montréal annexe Hochelaga dès 188 3. Cette première annexion et celles qui suivront sont une réa ction à la fragmentation croissante des municipalités mises en place en 1855. Sur le territoire de la province, cette fragmentation est surtout le fruit de l a séparation des municipalités de village des municipalités de paroisse, mais à Montréal, elle est plutôt le résultat de l’ activité des prom oteurs, qui apparaissent co mme les maîtres d’œuvre du développement urbain sur l’île. Des terrains sont lotis et mis en marché, ces territoires sont incorporés et les conseils municipaux, souvent sous la coupe de ces mêmes promoteurs, empruntent de vastes so mmes pour pourvoir à la viabilisation des terrains p ar la mise en place d’infrastructures urbaines. Lourde ment endettées, ces banlieues se t ournent vers l’annexion, espérant que la ville centrale pr endra en charge leur dette pendant que les promoteurs vendent à prof it leurs lots. Ce modèle, s’il ne vaut pas pour toutes les banlieues de Montréal, s’est reproduit dans la majorité d’entre elles. Les annexions se poursuivront à un rythme soutenu jusqu’en 1918. Après cette date, Montréal n’est plus en mesure d’assumer les coûts de sa politique anne xionniste et se tourne vers d’autres solutions. La ville de Montréal

couvre alors un assez vaste territoire au centre de l’île du même nom. Son tissu urbain enserre toutefois un certain no mbre de banlieues cossues qui n ’ont pas suivi le m odèle de développement décrit pl us haut et qui ont résisté aux am bitions annexionnistes de la ville centrale. Au-delà de ses frontières juridiques, le développement suburbain se poursuit.

La période étudiée coïncide d’ailleurs avec l’investissement de larges sommes dans le développement d’infrastructures de transport qui contribuent au redém arrage de l’économie canadienne, mise à mal par la crise de 1872, mais également à la structu ration de ce développement suburbain. Le réseau routier qui prend forme autour de Montréal au cours du XIXe siècle transforme peu à peu les rapports entre la ville centrale et sa périphérie, mais la

présence de péages et l’état variable des voies ne favorisent pas la suburbanisation comme le fera le chemin de fer (Robert , 1998 : 111-112). Ainsi, la « première ligne ferroviaire établie sur l’île de Montréal est aussi la première desserte de train de banlieue de la région. Il s’agit de la ligne Montréal & Lachine construite en 1847 » (Hanna, 1993 : 9). Elle sera plus tard intégrée au Grand Tronc qui la p oursuivra jusqu’à Dorval, Pointe-Claire et Dorion. « Le Canadien Pacifique (CP), compétiteur principal du Grand Tronc, s’active aussi durant cett e période puisqu’il est largement responsable de l’extension du service de train de banlieu e dans le West Island. » (Hanna, 1993 : 10). Le C P contribuera aussi au développement suburbain de Montréal en développant une ligne vers le nord, dans l’axe Montréal – Sainte- Thérèse. Le chemin de fer ouvre deux autres axes au développement suburbain montréalais : un premier est la ligne du New York Central, qui relie Montréal à Huntingdon, Valleyfield et Châteauguay; le second passe par le tunnel qui est creusé sous le mont Royal par la Canadian Northern Railway et qui relie la future Mont-Royal à la ville centrale (Hanna, 1993 : 11).

Si le dévelo ppement de ce réseau ferrovi aire n’explique pas, à lui seul, la suburbanisation montréalaise, il en dict e la forme et l’ampleur. Comme le souligne Hanna, spécialement sur les lignes qui partent vers l’ouest de l’île, la municipalisation du territoire se fait au r ythme du développem ent ferroviaire (Hanna, 1993 : 15). L’apparition du tramwa y électrique aura aussi un impact important sur l’expansion de l’espace (sub)urbain montréalais (Linteau, 2000 : 131-133). S’il attire une client èle plus modeste, ce réseau s’étend très rapidement et est presque entièrement mis en service entre 1893 et 1897. Hanna évalue qu’en

1931, c’est l’équivalent du dixième de la population de la ville de Montréal qui dépend du service ferroviaire pour transiter du centre-ville à une résidence se trouvant hors des lim ites administratives de Montréal (1993 : 27). À partir des années 1920, le gouvernem ent provincial commence à investir plus gé néreusement dans le résea u routier montréalais, mais il faudra att endre après la Deuxièm e Guerre mondiale pour que ce réseau devienne le nouveau squelette autour duquel se développera la banlieue.