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2. Les systèmes d'information : leurs usagers et leurs apprentissages

2.3. Les démarches de la recherche d'information

2.3.1. Quelle pédagogie de la documentation ?

Aujourd'hui, le phénomène du développement des TIC et toutes les conséquences qui en découlent, entre autres la multiplication des supports et l'accès par de multiples moyens à de multiples informations, engendrent des situations pédagogiques nouvelles. De ce fait, les recherches s'orientent vers la question de comment l'élève peut-il apprendre à s'informer ?

La maîtrise de l'information devient un véritable objectif d'apprentissage. La notion de maîtrise de l'information prolonge et élargit la notion antérieure de "recherche". Elle met en avant l'apprentissage d'une démarche de résolution de problèmes d'information. Pour P. Bernhard (Bernhard, 1998), elle est en continuité avec les formations plus générales concernant l'acquisition de méthodes de travail intellectuel et d'étude, ainsi qu'avec le développement de stratégies cognitives et métacognitives. Elle s'inscrit également dans une philosophie éducative basée sur le rôle médiateur des ressources d'information en matière d'apprentissage et d'enseignement. Finalement, la notion de maîtrise de l'information est issue du mouvement qui vise à promouvoir la formation aux habiletés de l'information. Ces mouvements se sont développés mondialement à partir des années 1980. Aujourd'hui, la notion se définit généralement comme un ensemble d'habiletés de résolution de problèmes d'information dont font partie les habiletés de l'information. Pour P. Bernhard les habiletés de résolutions de problèmes d'information se composent :

• des habiletés d'information ;

• des habiletés de base pour l'utilisation d'un ordinateur ; • des habiletés de base pour la compréhension des médias ; • des habiletés de base pour l'utilisation de réseaux télématiques.

D'après elle, plusieurs modèles du processus de recherche d'information ont déjà été développés dans le monde entier. Tous, dit-elle, visent à introduire des habiletés de base destinées à être utiles toute la vie durant. Par ailleurs, ils s'accordent sur l'importance que les apprenants aient une vue d'ensemble de la démarche. Ils mettent également en avant la nécessité de l'interdisciplinarité dans les formations. Enfin, ils estiment les TIC comme des moyens au service de la démarche de recherche d'information, et non des fins.

En France, à l'heure actuelle, des chercheurs travaillent sur des modèles de processus de recherche d'information. Ils étudient et proposent des pédagogies inspirées de théories de l'apprentissage.

Pour F. Marcillet (Marcillet, 2000) qui œuvre sur l'apprentissage de la recherche documentaire : "Dès le début de ce travail, nous avons cité Montaigne, nous pourrions

aussi citer Rousseau et ses héritiers, plus récemment Freinet d'une part, Piaget et Vygotski de l'autre ainsi que leurs "héritiers"… En bref, la pédagogie à laquelle nous nous référons est cette sorte de synthèse qui est devenue le socle des Sciences de l'éducation"1.

La pédagogie de la documentation est, tout à la fois, une pédagogie centrée sur l'élève, sur l'idée que les apprentissages se construisent à travers des démarches de projet, que ces apprentissages varient en fonction des interactions sociales auxquelles sont confrontées les élèves et enfin sur un objectif d'éducation à l'autonomie des élèves. Bref, il s'agit d'une pluri-pédagogie basée sur plusieurs pédagogies que sont la pédagogie nouvelle, la pédagogie variée, la pédagogie diversifiée, ou encore la pédagogie différenciée.

Varier la pédagogie, dit J. P. Astolfi (Astolfi, 1985), "c'est admettre qu'aucune

méthode employée de manière exclusive n'a la vertu, à elle seule, de faire réussir tous les élèves. C'est se rendre compte que toute méthode dominante en appelle d'autres - complémentaires qui seront employées de façon plus légère"2. Cette approche permet de mettre en relation des élèves avec diverses méthodes d'apprentissage et ainsi de mieux s'adapter au style d'apprentissage de chacun. Dans sa pratique, par l'utilisation d'une diversité de procédés d'enseignement, elle conduit à la pédagogie diversifiée. Au plan méthodologique, il s'agit de suivre de façon plus personnalisée les progrès et les difficultés de chaque élève grâce à la fragmentation des méthodes d'enseignement.

L'idée de différenciation, quant à elle, reprend la même méthodologie qui vient d'être évoquée, en y ajoutant l'analyse de contenu notionnel (Meirieu, 1989). Le Bulletin Officiel de l'Éducation nationale du 19 juillet 1979 (circulaire n° 79-225) conçoit la pédagogie différenciée de la manière suivante : "La pédagogie différenciée

n'oppose pas (une) pédagogie d'enseignement conçue pour la classe dans son ensemble et (une) pédagogie d'apprentissage, qui concerne chaque enfant pris individuellement. Elle ne les rejette pas, elle les organise pour qu'elles s'ajustent l'une à l'autre. Le professeur enseigne certes sa discipline mais aussi (et surtout) l'élève, c'est-à-dire qu'il lui permet d'apprendre".

L'adaptation de l'apprentissage à chaque individu nécessite notamment d'expertiser l'état de son savoir et de ses compétences sur le domaine étudié ou à étudier (Ponce, 1996). En documentation, il s'agit de faire un bilan à la fois des savoirs

1Voir MARCILLET, Frédérique (2000). - Recherche documentaire et apprentissage : maîtriser

l’information. - Paris : ESF éditeur. - 125 p. - (collection Pratiques et enjeux pédagogiques).- p. 56.

2Voir ASTOLFI, Jean-Pierre (1985). - Pédagogie variée, diversifiée, différenciée.- Cahiers pédagogiques,

disciplinaires et des savoirs documentaires. Tous deux sont nécessaires à la recherche d'information.

Dans son principe, cette pédagogie permet de lutter contre l'échec scolaire. Pour P. Perrenoud (Perrenoud, 1986), lutter contre l'échec scolaire, "c'est vouloir une

pédagogie créant de véritables situations de communication, proposant des tâches et des situations didactiques favorisant la recherche d'information, l'observation du réel, la formation d'hypothèses, l'imagination, l'élaboration de procédures, la prise de décision, l'organisation autonome, le travail en équipe, la réalisation de projets"1.

Elle ouvre également la voie à une autre pédagogie dite active, ouverte sur le monde, mobilisant l'expérience et l'intérêt des élèves. L'éduqué devient l'agent volontaire, actif et conscient de sa propre éducation. Les critères dominants sont l'activité, la liberté et l'auto éducation.

En 1973, le ministre de l'Éducation nationale de l'époque, M. Fontanet2, définit le travail indépendant. Il tend, dit-il, "à diminuer la part du cours magistral, à accroître

le temps consacré aux tâches faisant jouer l'initiative personnelle des enfants". Sa

fonction est de faire participer davantage les élèves à leur formation, de les rendre responsables (Moyne, 1982). Les tâches préconisées sont la recherche de documentation, la constitution de dossiers, etc. L'activité documentaire fait alors partie intégrante du travail autonome. Elle joue un rôle dans l'apprentissage de l'autonomie intellectuelle en invitant l'élève à s'éloigner d'un comportement de reproduction du savoir.

Le travail autonome apparaît aussi comme une pratique et une théorie de la médiation humaine. En effet, il crée des médiations au sein du groupe qu'est la classe. Ces médiations à la fois objectives ou techniques, affectives ou émotionnelles, privilégient le développement personnel de l'adolescent. La médiation peut être seulement une entre aide entre élèves, c’est-à-dire un échange de connaissances, ou plus, c’est-à-dire un travail d'équipe organisé où les tâches de chacun sont définies à l'avance.

La méthode active intègre donc bien une dimension sociale qu'est le travail en équipe ou coopératif. Ce travail permet de diversifier les apports de chacun dans un groupe hétérogène qui retrouve son unité par le travail. Le groupe agit ensemble et donne alors plus de cohérence et de sens à son action. Lors de recherches documentaires menées au CDI, il est courant de voir les élèves d'une classe se partager le travail et ensuite mutualiser les informations recueillies afin de les transformer en connaissances. Ce travail de groupe peut s'effectuer dans n'importe quelle discipline d'enseignement

1Voir PERRENOUD, Philippe (1986). - Vaincre l’échec sclolaire en dix leçons.- Le Monde de l’éducation,

janvier 1986, n° 123. - pp. 38-39.- p. 39.

2 Voir Discours de M. FONTENET, ministre de l'Education nationale à l'Assemblée nationale, le 5 juin

mais, dans la plupart des cas, au CDI lorsqu'il s'agit d'une recherche documentaire. Le CDI devenant, par conséquent, le lieu de l'interdisciplinarité

La pédagogie documentaire s'incarne donc véritablement dans la "Pédagogie Freinet" de l'école moderne (Freinet, 1968), de l'École nouvelle dont le principal objectif est que le savoir de l'élève se construise par son activité cognitive, par l'interactivité, par la mise en projet et la prise en compte de ses représentations mentales. Elle s'appuie sur un modèle constructiviste qui fournit une place centrale à l'élève et insiste sur l'idée d'"apprendre à apprendre".

La pédagogie documentaire part du principe que l'élève doit construire son savoir et les TIC apparaissent comme des outils pour l'y aider. Dans ce contexte, comment concevoir des systèmes technologiques adaptés et quelles formations à leurs usages dispenser aux jeunes ?