• Aucun résultat trouvé

Oxydation de l’acide oléique en catalyse supportée avec un solvant 165

Chapitre III : Acétalisation « one-pot » de l’acide oléique en présence d’un système

I. Oxydation de l’acide oléique en catalyse supportée avec un solvant 165

Dans le cadre de la réaction d’oxydation de l’acide oléique, l’action de la résine échangeuse d’ions comme agent catalytique oxydant a été étudiée en présence d’un solvant. Son rôle sera :

- de compatibiliser les deux phases, organiques et aqueuses,

- d’améliorer la diffusion des espèces dans le système triphasique (liquide/liquide/solide) en abaissant la viscosité de la phase organique à base d’acide oléique,

- d’activer l’anion (espèce catalytique oxydante) de la résine en améliorant la dissociation des ions (solvant assez polaire).

I.1. Choix du solvant

Plusieurs solvants ont été testés afin d’augmenter le contact entre les phases contenant l’oxydant, le substrat et le catalyseur ainsi que la diffusion des espèces dans le milieu triphasique.

• Le cyclohexane : solvant miscible avec l’acide oléique

Le cyclohexane permet de solubiliser l’acide oléique et de diminuer la viscosité de la phase organique. Rappelons que la miscibilité du cyclohexane avec l’eau est nulle.

Après réaction de l’acide oléique en présence de {PO4[WO(O2)2]4}3- (agent catalytique oxydant) supporté sur la résine Amberlite IRA 900, le taux de conversion de l’acide oléique et le rendement en époxyde sont très légèrement inférieurs à ceux obtenus sans solvant (Tableau 3-1). Les rendements restent très faibles, le cyclohexane ne permettant pas l’émulsion du milieu réactionnel et donc l’amélioration du contact entre les phases. Les billes de résines tendent à couler en phase aqueuse malgré l’agitation du milieu (Figure 3-1). Ainsi, l’ajout de cyclohexane n’a pas d’effet significatif sur la réaction de scission oxydative.

Tableau 3-1 : Oxydation de l’acide oléique en présence de cyclohexane. Solvant T (°C) Durée (h) χAO (%) YEP (%) (%)YDI Y(%) ALD Y(%) AA Y(%) AP - 60 5 20,8 9,3 0,9 0,0 1,2 0,0 Cyclohexane 60 5 18,0 5,6 0,0 0,6 0,8 0,0

Conditions de réaction : AO (15,0 mmol), H2O2 (110,0 mmol, 30%), catalyseur supporté, mode

Q3, solvant (25 mL).

• L’acétonitrile : solvant miscible avec l’eau permettant une solubilité partielle de l’acide oléique

Ce solvant, miscible avec l’eau, est répertorié comme étant efficace pour solubiliser certains époxydes d’alcènes (limonène) [193].

Après réaction de l’acide oléique avec le même agent catalytique {PO4[WO(O2)2]4}3- supporté sur résine, le taux de conversion de l’acide oléique et le rendement en époxyde (~10%) sont supérieurs à ceux obtenus sans solvant (Tableau 3-2). La formation de diol est également non négligeable (4%). En revanche, l’acétonitrile ne permet pas d’améliorer les rendements en produits de scission. Ces résultats, différents de ceux obtenus précédemment, peuvent s’expliquer par le fait que l’organisation du système triphasique est différente :

- la résine est majoritairement répartie en phase organique constituée d’acide oléique avant réaction (Figure 3-1)

- l’émulsion du milieu réactionnel a été observée et est favorisée par la solubilité partielle de l’acide oléique dans l’acétonitrile (9,1 g d’AO dans 100 g d’acétonitrile à 20 °C [204]).

Cyclohexane Acide oléique

Acétonitrile H2O2

H2O2 Acide oléique

Figure 3-1 : Organisation du système triphasique liquide/liquide/solide en présence de cyclohexane ou d’acétonitrile (avant réaction).

Tableau 3-2 : Résultats de l’oxydation de l’acide oléique avec l’acétonitrile. Solvant T (°C) Durée(h) χAO (%) YEP (%) YDI (%) YALD (%) YAA (%) YAP (%) - 60 5 20,8 9,3 0,9 0,0 1,2 0,0 Acétonitrile 60 5 35,8 9,6 4,4 0,6 0,0 0,0 Acétonitrile 38/25* 9/14,5* 44,2 11,3 4,5 1,6 1,1 0,9

Conditions de réaction : AO (15,0 mmol), H2O2 (110,0 mmol, 30%), catalyseur supporté, mode Q3,

solvant (25 mL).

* : réaction à 38 °C pendant 9 heures puis à 25 °C pendant 14,5 heures.

• Recherche de nouveaux solvants solubilisant les deux phases organique et aqueuse A la vue des résultats précédents, la recherche d’un solvant capable de solubiliser les deux phases liquides apparaît indispensable. Les tests ont été effectués dans des tubes à essais avec des milieux reconstitués AO/Eau (1/2,4 %massique) comprenant le solvant (5 V) et reproduisant le système choisi AO/H2O2 (1 éq./7,5 éq.). Les solvants testés sont : le tétrahydrofurane (THF), la méthylisobutylcétone (MIBC), le dioxane, le tert-butanol, le diméthylcarbonate (DMC), le méthyl tert-butyl éther (MTBE) (Figure 3-2), la N-méthyl-2-pyrrolidone (NMP), le diméthylsulfoxyde (DMSO) et l’acétone (Figure 3-3).

Pour les tests, les tubes à essais ont été agités manuellement pendant environ 30 secondes puis laissés au repos pendant un temps défini (1 minutes à 24 heures) avant de prendre un cliché photographique (Figure 3-2, Figure 3-3). Pour la majorité des solvants, une décantation des deux phases a été observée après une minute (Figure 3-2).

Figure 3-2 : Photos des milieux reconstitués après 1 minute de décantation.

Les tests de solubilité (Figure 3-3) ont montré que seuls les solvants NMP, DMSO et acétone, permettent d’émulsionner le milieu biphasique. Les émulsions restent stables pendant quelques heures. Après 24 heures, le milieu est encore partiellement émulsionné.

Figure 3-3 : Photos des milieux reconstitués après 1 minute et 24 heures de repos.

Parmi ces trois solvants, la N-méthyl-2-pyrrolidone (NMP) n’a pas été retenue pour la réaction d’oxydation de l’acide oléique car c’est un solvant CMR (Cancérigène, mutagène et reprotoxique), classé R1B (substance présumée toxique pour la reproduction humaine) et sa température d’ébullition est élevée (> 200 °C), ce qui le rend difficile à éliminer.

Par contre, les deux autres solvants (DMSO et acétone) ont été testés en tant que solvant en les ajoutant au système oxydant AO/H2O2/résine contenant l’agent catalytique oxydant (bien que le DMSO présente également une température d’ébullition élevée de 190,9 °C).

THF MIBC Dioxane tert-butanol DMC MTBE

I.2. Réaction en présence de DMSO

La réaction d’oxydation de l’acide oléique a été réalisée à 70 °C pendant 10 heures et en utilisant 5 volumes de DMSO ainsi que la résine Lewatit K7367 produite selon le protocole « mode TPA » (à partir d’une solution de TPA à 0,05 N). Dans ces conditions, le taux de conversion de l’acide oléique est très faible (0,2%), sans formation de produits de scission ou des intermédiaires réactionnels habituellement détectés.

I.3. Réaction en présence d’acétone

Les mêmes conditions expérimentales ont été appliquées au système AO/H2O2/agent catalytique oxydant immobilisé sur résine Amberlite IRA 900, à savoir :

- 110 mmol d’H2O2 à 30%

- un ratio molaire AO/H2O2/agent catalytique sur résine : 1/7,4/0,17 - une quantité de solvant de 25 mL d’acétone

- une température de réaction de 70 °C - et une durée de réaction de 10 heures.

L’analyse CPG du milieu réactionnel impliquant l’acétone a permis d’identifier un produit majoritaire, différent des produits de scission oxydative, de l’époxyde et du diol. Ce nouveau produit a pu être isolé en réalisant une colonne de silice à l’aide d’un gradient d’élution, constitué d’un mélange Acétate d’éthyle/Cyclohexane.

Par la confrontation de plusieurs analyses en RMN (1H, 13C, 13C DEPT 135, COSY, HSQC), complétées par des analyses en SM (spectrométrie de masse), nous avons pu identifier que le produit majoritairement formé est un cétal : le cétal de l’acide 9,10-dihydroxyoctadécanoïque (Figure 3-4). Il a alors été obtenu avec un rendement de 42,7%. OH O O OH O O O H2O2 {PO4[WO(O2)2]4} aa aa aa 70 °C, 10 h 3- sur résine

Figure 3-4 : Formation du cétal de l’acide 9,10-dihydroxyoctadécanoïque en catalyse supportée.

De plus, le spectre RMN 13C fait apparaître quatre signaux vers 80 ppm correspondants aux deux carbones du cycle de l’acétal. Ces signaux révèlent la formation de

deux diastéréoisomères, à savoir le RR/SS et le RS/SR, indiquant ainsi que la réaction est non stéréosélective.

En conclusion, la nature du produit identifié montre que l’acétone se comporte à la fois en tant que solvant et réactif. Ainsi, les conditions mises en œuvre en catalyse supportée en présence d’acétone conduisent à la synthèse d’un cétal sur la position de la double liaison. Cette réaction paraît d’autant plus intéressante qu’elle n’a jamais été décrite auparavant dans la littérature. C’est pourquoi, il nous paraîssait judicieux d’étudier cette nouvelle réaction afin d’en améliorer le rendement et de l’étendre à de nouveaux substrats ou réactifs/solvants.