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Généralisation de la scission oxydative à d’autres substrats 124 

Chapitre I : Propriétés, applications et méthodes de préparation des acides gras et

II. Etude de la scission oxydative de l’acide oléique 93

II.4. Généralisation de la scission oxydative à d’autres substrats 124 

Les conditions de scission oxydative mises au point pour l’acide oléique ont été appliquées à d’autres substrats. En effet, le procédé sera d’autant plus intéressant s’il est étendu à différents substrats afin d’obtenir un plus grand nombre de molécules valorisables, destinées à l’élaboration de bioproduits à partir de ressources renouvelables.

II.4.1. L’acide linoléique

Notre choix s’est porté sur l’acide linoléique (acide (cis,cis)-octadéca-9,12-diénoïque, AL), qui présente deux doubles liaisons, susceptibles d’être clivées en diacides (acides azélaïque et malonique) et monoacide (acide hexanoïque). La transposition du protocole optimisé, à l’acide linoléique a conduit aux résultats du Tableau 2-14.

Tableau 2-14 : Clivage oxydatif de l’acide linoléique.

Catalyseur Substrat χAL (%) Ydiacide (%) Ymonoacide (%)

Ba AL 100,0 41,0c 47,7

Bb AL 100,0 49,8c 60,7

COOH

COOH HOOC

COOH HOOC COOH

H2O2, cat

Acide linoléique (AL)

Acide azélaïque (AA) Acide hexanoïque Acide malonique

85 °C, 5 h, 400 tr.min

+

aa

aa

-1

Conditions de réaction : 85 °C, 5 h, 400 tr.min-1. a : AL (60 mmol), H

2O2 (350 mmol, 5,8 éq., 30%), catalyseur (1,2 mmol, 2 %mol). b : AL (22 mmol), H

2O2 (220 mmol, 10,0 éq., 30%), catalyseur (0,9 mmol, 4 %mol).

c : Le diacide est exclusivement l’acide azélaïque puisque l’acide malonique est soluble dans l’eau (solubilité à

20 °C : 73 g.L-1).

De meilleurs rendements en acides hexanoïque et azélaïque sont obtenus en doublant les quantités d’eau oxygénée et de catalyseur pour cliver les deux doubles liaisons de l’acide linoléique.

Ainsi, il est possible d’appliquer le procédé de scission oxydative à condition d’adapter les quantités de peroxyde d’hydrogène et de catalyseur en fonction du nombre de doubles liaisons à oxyder.

II.4.2. L’oléate d’éthyle

L’oléate d’éthyle, issu de l’éthanolyse (transestérification) de l’huile de tournesol, est également une matière première renouvelable, que nous avons sélectionnée pour appliquer le

procédé optimisé de la scission oxydative de l’acide oléique. Les produits attendus sont l’acide pélargonique et le mono-ester éthylique de l’acide azélaïque (Figure 2-30).

O OEt O OEt O H O H2O2, cat COOH Oléate d'éthyle

Acide pélargonique (AP)

85 °C, 5 h, 400 tr.min + aa aa -1 Azélate de monoéthyle

Figure 2-30 : Conditions de scission oxydative de l’oléate d’éthyle. Tableau 2-15 : Scission oxydative de l’oléate d’éthyle.

Substrat χ (%) YAA (%) ou YAAmono-éthylé (%) YAP (%)

Oléate d’éthyle 100,0 62,3 68,6

AO 100,0 81,5 86,1

Conditions de réaction : Oléate d’éthyle (60,0 mmol), H2O2 (350,0 mmol, 30%),

catalyseur B (2 %mol), 85 °C, 5 h, 400 tr.min-1.

D’après les résultats du Tableau 2-15, le système oxydant est efficace pour effectuer la scission oxydative de l’oléate d’éthyle, avec un taux de conversion total. Les rendements en produits attendus sont légèrement inférieurs à ceux obtenus dans le cas de l’acide oléique. Cette perte en rendement peut en partie s’expliquer par une différence de lipophilie entre les deux composés. Les esters d’acides gras sont plus lipophiles que les acides gras, ce qui a tendance à défavoriser le contact substrat/H2O2. D’ailleurs, le caractère lipophile des esters d’acides gras se traduit par leur insolubilité dans l’eau, alors que les acides gras sont faiblement solubles, notamment si le pH du milieu est supérieur à leur pKa.

Les analyses montrent qu’il y a conservation de la fonction ester d’origine. La présence d’un quadruplet à 4,09 ppm en RMN 1H et de signaux à 14,2 ppm, 60,6 ppm et 174,2 ppm en RMN 13C sont caractéristiques de la fonction ester éthylique (Figure 2-31).

O H O O O 174 ppm 4 ppm 179 ppm 60 ppm 14 ppm aaa aaa

L’acide azélaïque peut être facilement obtenu à partir d’un mono-ester éthylique de l’acide nonanedioïque par une réaction de saponification en milieu basique.

L’intérêt de la mise en jeu des monoesters d’acides gras insaturés réside dans la capacité de produire aisément des structures bifonctionnelles de type acide-ester en appliquant ce procédé de scission oxydative.

II.4.3. L’acide 9,10-époxyoctadécanoïque

Les conditions favorables à la scission oxydative de l’acide oléique ont ensuite été appliquées à l’acide 9,10-époxyoctadécanoïque, époxyde dérivant de l’acide oléique. Elles ont permis d’obtenir les acides azélaïque et pélargonique avec d’excellents rendements, respectivement de 87,3% et 86,5% (Tableau 2-16).

Tableau 2-16 : Scission oxydative appliquée à l’acide 9,10-époxyoctadécanoïque. Catalyseur Substrat χEP (%) YAA (%) YAP (%)

B EP 98,9 86,5 87,3

Conditions de réaction : Epoxyde (51 mmol), H2O2 (255 mmol, 30%, 5 éq),

catalyseur B (1,2 mmol, 0,02 éq.), 85 °C, 5 h, 400 tr.min-1.

COOH O COOH HOOC H2O2, cat COOH

Acide 9,10-époxyoctadécanoïque (EP)

Acide azélaïque (AA) Acide pélargonique (AP)

85 °C, 5 h, 400 tr.min

+

aa

aa

-1

A notre connaissance, c’est le premier exemple de clivage d’époxyde avec ce type de système oxydant. Ces résultats confirment que le dérivé époxyde est un des intermédiaires du clivage oxydatif d’une double liaison dans la mesure où les produits obtenus sont identiques quel que soit le substrat utilisé (acide oléique ou acide 9,10-époxyoctadécanoïque).

II.4.4. L’acide ricinoléique

L’acide ricinoléique AR (ou acide (9Z,12R)-12-hydroxyoctadéc-9-énoïque) est un acide gras ω-9 hydroxylé. Il est majoritairement présent (environ 90%) dans l’huile de ricin, issue des graines de ricin. Le protocole de scission oxydative, développé pour l’acide oléique, a donc été appliqué à l’acide ricinoléique (Figure 2-32).

COOH OH COOH HOOC H2O2, cat COOH OH

Acide ricinoléique (AR)

Acide azélaïque (AA) Acide 9-hydroxynonanoïque 85 °C, 5 h, 400 tr.min + aa aa -1

Figure 2-32 : Scission oxydative de l’acide ricinoléique.

Les résultats montrent que le système oxydant retenu CTP B/H2O2 est également performant pour la scission oxydative de la double liaison de l’acide ricinoléique. La présence de l’acide 3-hydroxynonanoïque attendu a été confirmée par des analyses en RMN 1H et 13C. Le quadruplet observé à 4,10 ppm et le singulet large à 5,81 ppm en RMN 1H ainsi que le pic à 70 ppm en RMN 13C indiquent que le groupement hydroxyle est conservé (Figure 2-33). Les rendements obtenus pour les deux acides sont respectivement 60,8% et 83,2% (Tableau 2-17).

Tableau 2-17 : Clivage oxydatif de l’acide ricinoléique. Substrat χ (%) YAA (%) Ymonoacide (%)

AR 99,9 83,2 60,8 Conditions de réaction : AR (14,0 mmol), H2O2 (163 mmol, 30%),

catalyseur B (2 %mol), 85 °C, 5 h, 400 tr.min-1.

OH O OH 14 ppm 34 ppm 179 ppm 70 ppm 4,10 ppm 38 ppm 2,58 ppm 5,81 ppm aa aa Figure 2-33 : L’acide 3-hydroxynonanoïque. RMN 1H et RMN 13C.

Le monoacide obtenu (acide 3-hydroxynonanoïque) possède un groupement hydroxyle en bêta de la fonction acide. Ce dernier présente une réactivité intéressante pour de nombreuses réactions de polymérisation ou pour former un alcène en α de l’acide carboxylique par déshydration (ce qui produirait l’acide non-2-énoïque, n°CAS : 3760-11-0), utilisé comme agent aromatisant.

II.4.5. Les composés α-hydroxylés

Il nous a semblé intéressant de tester notre système oxydant sur d’autres substrats peu communs : les composés α-hydroxylés issus de l’acide oléique.

Plus précisément, il s’agit d’un mélange d’acide (E) 9-hydroxyoctadéc-10-énoïque et d’acide (E) 10-hydroxyoctadéc-8-énoïque obtenus à partir de l’hydroxylation de l’acide oléique (Figure 2-34). Un mélange en proportion massique 50/50 est utilisé.

OH O OH OH OH O

Acide (E) 9-hydroxy-10-octadécenoïque Acide (E) 10-hydroxy-8-octadécenoïque

aa

aa

Figure 2-34 : Les composés α-hydroxylés.

Dans la littérature, nous n’avons relevé aucun travail relatif à la scission oxydative des composés α-hydroxylés. En fin de réaction, quatre produits majoritaires sont présents dans le milieu réactionnel dont l’acide azélaïque et l’acide pélargonique. Une séparation sur colonne de silice avec un éluant à base de cyclohexane/acétate d’éthyle, a permis d’identifier les deux autres composés, l’acide octanoïque et l’acide octanedioïque. Il s’agit d’un mono- et d’un diacide constitués d’une chaîne de huit atomes de carbone et qui sont très appréciés dans l’industrie chimique en tant que synthons.

L’obtention de tels produits peut être expliquée par l’enchaînement réactionnel suivant (Figure 2-35) : OH O O OH O O H O OH HO OH O O OH O OH OH O O OH OH O OH OH OH OH OH O OH OH O O OH OH O OH OH + + Acide (E) 9-hydroxyoctadéc-10-énoïque

Acide (E) 10-hydroxyoctadéc-8-énoïque

Acide octanoïque Acide azélaïque (AA)

Acide pélargonique (AP) Acide octanedioïque Figure 2-35 : Mécanisme supposé de scission oxydative des composés α-hydroxylés.

Conformément à ce que nous avons mentionné précédemment, la double liaison peut être oxydée en époxyde puis en diol. Un intermédiaire triol est obtenu du fait de la présence initiale du groupement hydroxyle, en position alpha de la double liaison. La coupure oxydante

s’opère alors sur les liaisons C-C des deux diols. La conversion des deux acides est quasiment totale et les produits sont obtenus avec de bons rendements (Tableau 2-18).

Tableau 2-18 : Clivage oxydatif de composés α-hydroxylés.

Catalyseur χ (%) YAA (%) YAP (%) Yacide octanoïque (%) Yacide octanedioïque (%)

B 99,8 68,8 70,3 69,6 69,8

Conditions de réaction : composés en mélange (7 mmol), AO (1,5 mmol), H2O2 (80 mmol, 30%), catalyseur

B, 85 °C, 5 h, 400 tr.min-1.

Cette réaction apporte des informations intéressantes quant au mécanisme d’action du système oxydant. En effet, lors de la formation des composés α-hydroxylés, une migration de la double liaison de l’acide oléique a eu lieu en position 8 ou 10 avec changement de configuration de la double liaison (trans). Contrairement aux autres expériences avec l’acide oléique et l’acide linoléique où les doubles liaisons sont en position cis, la scission oxydative a été réalisée avec succès sur la double liaison de configuration (trans). Ce n’est pas le cas de tous les systèmes oxydants de la littérature (par exemple KMnO4 et OsO4) connus pour ne privilégier que la position cis. Les conditions de scission oxydative développées sont donc non stéréosélectives et applicables à des composés chimiques cis ou trans.

En conclusion, le procédé de scission oxydative mis en place semble applicable à l’ensemble des acides gras insaturés ou des dérivés présents dans les huiles végétales. Un large panel d’acides gras à chaînes courtes peut ainsi être obtenu avec des rendements satisfaisants.

Afin de vérifier l’intérêt du procédé en catalyse homogène, il nous paraissait important d’effectuer une analyse quantitative de ce nouveau procédé selon une approche en chimie verte.