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Les ouvrages d’histoire locale, une mine d’informations de proximité 55

Paul Perroud à La Combe de Lancey : deux ouvrages de références

Ces ouvrages auto publiés en 2005 et en 2008 se présentent comme des « recueils

monumentaux » de photos anciennes ou plus récentes (légendées et datées) accompagnées de

textes et documents relatifs à la commune de La Combe de Lancey, réunis par Paul Perroud, avec l’aide d’un comité de rédaction pour le second tome.

Paul Perroud est ancien maire de La Combe de Lancey (1971-1989) et président co- fondateur du Musée Rural « La Comba, autrafé ». C’est une figure de Belledonne, un érudit qui s’est beaucoup retroussé les manches, et a bien roulé sa bosse puisqu’il a étudié et travaillé en tant qu’ingénieur aux États-Unis (…). On retrouve bien ici l’ambivalence de l’affirmation des origines paysannes, la loyauté envers le patrimoine rural, du village natal mais aussi des communes voisines par le jeu des alliances entre les familles, qui est particulièrement bien mis en valeur, l’ensemble étant à replacer pourtant dans un parcours de vie qui l’a emmené au loin, mais qui n’est pas relaté dans ces ouvrages où c’est la fonction de maire et de fondateur qui ressort essentiellement92.

L’ouvrage contient presque exclusivement des photos commentées et peu de texte mais les légendes sont riches.

Quelques exemples intéressants : le récit de la construction de la route des Carillères de 1930 à 1932, p. 59 et la photo de Joseph PAGANON (maire de Laval, Conseiller général, Député, Sénateur, Ministre des Travaux Publics, Ministre de l’Intérieur) ainsi légendée93 :

« Bienfaiteur du pays, il avait lancé la construction de plusieurs routes rurales, notamment la route

d’Uriage à Allevard (1938-39), exécutée par l’entreprise Murienne de Saint Martin d’Uriage » ?

François Camille PERROUD en 1931, des photos collectives de la Saint Barnard, en 1901, la population sur les escaliers de la Mairie, p. 77 ; les exploitations agricoles à La Combe à la veille de la 2e Guerre mondiale, p. 79 ; « Les conscrits, les filles de mon pays, les

mariages » ; Le facteur, p. 226 ; L’autocar, p. 381 ; le café-restaurant Troux, p. 382 ; Explication de l’adoption d’un neveu dans la famille Giraud-Gros, p. 389.

92 D’une manière générale, il n’est pas facile d’obtenir un entretien dans des conditions objectives quand ces personnalités sont dans le contexte de publication de leur propre travail.

« Laval autrefois, histoire d’une commune de Belledonne en Isère »

Une délégation de L’association Autrefois pour Tous

Cette association constituée en 1998 par Marc Grambin, a pour objectif de Promouvoir

la connaissance et la préservation des patrimoines et apporte son soutien aux bénévoles des

communes soucieux « d’évoquer la civilisation passée ; celle qui vient de disparaître sous les yeux des plus

anciens ». Ces derniers mots sont en 4eme de couverture de la publication de ce groupe qui

s’intitule « délégation Lavalloise d’Autrefois pour Tous » et dont le responsable est Jean-louis Rebuffet, fils de Louis Rebuffet paysan et poète à ses heures94.

C’est un beau livre, très agréable à lire, et sur le plan ethnographique, on y trouve de très nombreuses informations, concernant notamment l’ancienneté des noms de famille et les noms associés, ainsi que sur la vie quotidienne et saisonnière et les métiers de l’artisanat, et qui recoupe la plupart des témoignages que nous avons pu recueillir nous même. Le fonds photographique est riche et de bonne qualité.

Une mission mémorielle et une question de fond : à qui s’adresse cette nostalgie ?

C’est bien une mission de transmission que se donne ainsi les héritiers légitimes des familles de paysans établies sur le balcon de Belledonne depuis x générations, qui ont compté et comptent encore autant qu’ils peuvent dans le maintien du paysage rural et de certaines traditions. Dans leur parentèle, certain(e)s sont agriculteurs, d’autres pas. Ils s’adressent d’abord aux nouveaux habitants, parfois aussi à leurs propres enfants et petits-enfants afin que la mémoire des lieux du village qui se sont transformés ne se perde pas. Mais cette démarche patrimoniale s’insère dans une sélection du cadre communal qui a tendance à amoindrir la dynamique des échanges entre le local et le reste du monde. On est davantage dans une valorisation autocentrée et orientée vers un certain mode d’intégration des nouveaux arrivants par l’assimilation du passé local, que dans une perception croisée de l’histoire contemporaine. Il faut rappeler que selon la tradition académique, cette phase commence avec le XIXe siècle et la Révolution Française, et qu’elle court encore au XXIe siècle, même si elle est parfois renommée comme l’Histoire du temps présent. Il est donc important de ne pas compartimenter de manière trop étanche les réalités vécues, par vœu de fidélité, en les mesurant seulement à l’aune de ce qui était vrai pour « nos pères ».

Nous aurons l’occasion de revenir dans la quatrième partie analytique, à la fois sur l’authentique valeur mémorielle et patrimoniale de ces ouvrages, mais aussi sur l’orientation particulière qu’ils donnent aux représentations et à la construction du territoire.

Georges Salamand et les industries de la région d’Allevard

Connaissance des familles et prise en compte des réseaux, le refus d’enjoliver

Par delà les nombreux ouvrages aux quels il travaille encore sur l’histoire industrielle et familiale pour la région d’Allevard, et concernant essentiellement le XVIIIe et le XIXe siècle, il est aussi particulièrement intéressant d’écouter Georges Salamand dans ses conférences et plus encore en entretien privé, car il fait preuve dans son discours d’une exigence d’historien qui ne porte pas seulement sur l’exploitation formelle et pointilleuse des archives sélectionnées mais qui est liée à des choix de recherche thématiques spécifiques.

Pour explorer les réseaux auxquels il s’intéresse, ces choix exigeants le poussent à en suivre les filons ailleurs, comme les stolons de plantes vivaces qui marcottent. Parmi les silhouettes des personnalités jusqu’auxquelles il remonte, et dont il aime à saisir les caractères, la destinée singulière des personnes l’intéresse autant que leur empreinte dans les milieux observés.

En refusant ouvertement l’aspect enjolivant d’une certaine vision du folklore, il échappe à la nostalgie « image de synthèse » dépeinte par Bernard Poche (op.cit) et invite à orienter différemment la valorisation du patrimoine en l’inscrivant de manière délibérée dans le tissu d’une histoire économique régionale et nationale bien réelle.

Dans une contribution au colloque La Figure et ses attributs à Grenoble, Samuel Kuhn, doctorant en histoire, a donné un aperçu du travail qu’il a entrepris depuis 20005 déjà sur le milieu de l’érudition « en Dauphiné »95. De cette réflexion sur l’émergence des motivations et

des regards historiens, qu’ils soient amateurs ou professionnels, il ressort que c’est bien la pratique de l’histoire qui devrait se révéler gagnante, en s’enrichissant de ces démarches parallèles :

« L’érudit est une figure tutélaire occupant une certaine position dans le jeu social et une place essentielle dans son champ culturel en s’affirmant comme une référence, notamment contre l’universitaire suspecté d’intentions obscures ou d’ignorance du fait local… pourtant, si l’un allait sans l’autre, le visage de la discipline historique en serait changé ; les ouvrages érudits trop souvent réduits à des accents lyriques et romantiques qu’on leur

95 KUHN Samuel, L’érudit local, passeur d’histoire, dans Figurations et médiation du passé, colloque La Figure et ses attributs, op. cit., et Rêveries érudites en Savoie et Dauphiné, les érudits locaux, les sociétés savantes et la construction des identités, Mémoire de DEA, 2005, p. 47.

connaît parfois encore ; les ouvrages universitaires appauvris de la connaissance de la documentation locale…ce qui n’empêche pas la littérature érudite d’occuper les meilleures places dans les rayons « régionalisme » des librairies »

Tout au moins peut-on regretter que ces démarches voisines soient le plus souvent parallèles et trop rarement croisées, dans l’intérêt même des lecteurs potentiels et de l’ensemble des ressortissants de territoires dont les responsables s’appuient volontiers sur des ressources patrimoniales pas toujours réinsérées dans un contexte historique en évolution permanente.

Chapitre 6 – Les archives écrites : traces distanciées de l’existence et