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CADRE DE L’ETUDE ET DEMARCHE SUIVIE

3. Les outils expérimentaux mis en œuvre

L’accès aux données comportementales et cinétiques des espèces mises en œuvre in-situ ne doit pas être intrusif, ni perturber la réaction. Les techniques microscopiques semblent un excellent outil pour atteindre cet objectif. L’utilisation de ces techniques suppose cependant, au préalable, de diminuer significativement la taille du réacteur de dissolution utilisé.

3.1.Un réacteur miniature, des avantages de taille !

Si un réacteur de petite taille permet une observation directe et in-situ de la dissolution, il permet également de bénéficier de nombreux autres intérêts.

Les volumes de fluide nécessaires sont très réduits, ce qui autorise le travail en continu sans une consommation trop importante du réactif liquide. Cet aspect est extrêmement intéressant en zone nucléarisée, ou tous les effluents doivent être traités ou recyclés. L’utilisation d’un réacteur continu de volume réduit permet par ailleurs d’accéder à des temps de résidence plus faibles pour prétendre à une meilleure résolution temporelle.

Par ailleurs, la quantité de matière radioactive nécessaire aux essais est elle-aussi grandement réduite : de très petites particules peuvent être observées en microscopie (la taille du solide utilisé ne peut cependant pas être trop réduite, pour éviter sa dissolution trop rapide sans pouvoir faire d’observations). A titre d’exemple, une des perspectives serait de pouvoir étudier un grain de combustible irradié de très petite taille : en réduisant ses dimensions et donc son activité au maximum.

Une finalité pourrait être de le manipuler directement en boîte à gants, diminuant ainsi les contraintes opératoires par rapport à un caisson blindé, enceinte dans laquelle les études sur combustibles irradiés sont actuellement obligatoirement réalisées à l’heure actuelle.

3.2.Les analyses

3.2.1. Utilisation de marqueurs moléculaires

Les espèces d’intérêt

Les observations importantes se trouvent, d’après ce qui a été exposé en chapitre II, au niveau de l’interface réactionnelle. Il s’agit donc, entre autres, de l’uranium en solution, de l’acide nitrique (avec une mesure de l’acidité en solution), de l’acide nitreux et des gaz de dissolution (principalement le monoxyde et le dioxyde d’azote). Un des objectifs de la présente étude est de quantifier indépendamment les concentrations de ces espèces au plus proche de l’interface réactionnelle.

Les marqueurs moléculaires

Parmi les marqueurs moléculaires disponibles, ce sont les sondes fluorescentes qui seront utilisées pour ces études. Ces sondes sont susceptibles d’apporter une source très riche d’informations. Leur mode d’action repose sur le fait que l’émission de fluorescence d’une molécule subit une forte influence du milieu dans lequel elle se trouve. Les marqueurs moléculaires sont par conséquent largement utilisés en tant que sondes pour l’étude des systèmes physicochimiques, biochimiques ou biologiques (Valeur, 2008). Les sondes fluorescentes peuvent être divisées en trois classes : les sondes intrinsèques (assez rares), les sondes extrinsèques liées de façon covalente (surtout pour le marquage des protéines, des tensioactifs, des chaînes de polymères…), et les sondes extrinsèques associées par interactions moléculaires. En raison de la difficulté de synthèse de molécules fluorescentes à la fois spécifiques et possédant des groupes fonctionnels aptes à former des liaisons covalentes avec les espèces d’intérêt, la plupart des études sont menées avec des sondes extrinsèques associées de façon non covalente.

Un marqueur moléculaire, pour être intéressant, doit être sélectif de l’espèce à déterminer, et réagir de manière proportionnelle aux quantités en présence. Le marqueur moléculaire ne doit représenter ni une source d’inhibition, ni une source d’interférence. Le mode d’action est décrit sur le schéma de la Figure 39.

Figure 39 : principe de l'utilisation d'un marqueur moléculaire

Les marqueurs moléculaires sont aptes à donner une grande quantité d’informations sans apporter de perturbations majeures au sein du milieu dans lequel est réalisée l’étude.

Brefs rappels concernant la fluorescence

La fluorescence est la propriété que possèdent certains corps d’émettre de la lumière après avoir absorbé des photons de plus haute énergie. La microscopie en fluorescence repose sur la formation d’une image par détection de cette lumière émise, en plus de l’observation classique par réflexion de la lumière. C’est donc principalement cet outil qui sera utilisé pour réaliser les analyses, avec pour les présentes études deux microscopes disponibles : un microscope à épifluorescence ainsi qu’un microscope confocal.

3.2.2. Les outils

Le microscope à épifluorescence

C’est une excitation monophotonique qui est utilisée : la lumière excitatrice émet à des longueurs d’onde qui excitent directement le fluorophore. La fluorescence peut provenir de toute l’épaisseur de l’échantillon traversée par le faisceau d’excitation. Le microscope est dit à épifluorescence lorsque cette lumière excitatrice passe par l’objectif.

Un microscope à épifluorescence possède des pièces interchangeables en forme de cubes (miroirs semi-réfléchissants) disposées sur une tourelle rotative. Ces cubes comportent deux filtres (filtre d’excitation et filtre barrière, respectivement), qui séparent la lumière allant vers l’objectif et allant vers l’observateur ou le capteur, ainsi qu’un miroir particulier, dit dichroïque. Il réfléchit certaines longueurs d’ondes et est traversé par d’autres. Le filtre d’excitation est placé vers la source alors que le filtre barrière est placé vers la sortie. Les cubes sont répertoriés selon les lumières d’excitation : UV, violet, bleu, vert…

Un schéma de principe est reporté sur la Figure 40A.

Le microscope à épifluorescence choisi l’a été en configuration « inversée », c'est-à-dire que l’observation de l’objet se fait par en-dessous. Ce type de dispositif est idéal pour l’observation de

solide en milieu aqueux, notamment pour s’affranchir de la gêne occasionnée par les gaz formés dans le milieu réactionnel.

Le microscope confocal

Si le principe du microscope confocal a été décrit par Marvin Minsky en 1953, ce n’est qu’à la fin des années 1980 que des modèles commerciaux sont apparus, rendant cette technique accessible à de nombreux laboratoires. La microscopie confocale est très utilisée aujourd’hui en biologie ainsi qu’en sciences des matériaux.

Un schéma du fonctionnement du microscope confocal est reporté sur la Figure 40B. Le principe du microscope confocal consiste à éclairer ponctuellement l’échantillon à partir d’une source laser et à effectuer un filtrage spatial du signal provenant de l’échantillon par un diaphragme de très petit diamètre (« sténopé », ou « pinhole ») placé dans le plan image du microscope, là où se forme l’image agrandie de l’échantillon. La conjugaison optique entre la source, l’objet et le diaphragme confère à ce système une excellente discrimination en profondeur. L’exploration du champ du microscope par un balayage optique conservant en tout point cette conjugaison permet de reconstruire, par traitement des signaux, des images de plans successifs. A partir de ces dernières, il est possible d’obtenir, par tomographie optique, des images en trois dimensions dans lesquelles chaque plan apparaît parfaitement net.

Les principes de chacune des deux techniques sont comparés sur la Figure 40 :

Figure 40 - Principes comparés de la microscopie conventionnelle par épifluorescence (A) et de la microscopie confocale (B).

La microscopie confocale est une technique en plein essor, très prometteuse pour les études de suivi en fluorescence de marqueurs moléculaires, et permettant une bonne résolution car le détecteur ne mesure que la contribution à la fluorescence d’une coupe.

Conclusion : comparaison des deux microscopes utilisés

Dans le Tableau 10, les deux microscopes sont comparés.

Tableau 10 : fiches comparatives des deux microscopes

Microscope confocal Microscope inversé à épifluorescence

Particularités Images très bien résolues.

Images en couleurs réelles mais moins bien résolues – Observation de l’objet par

en-dessous, permettant de s’affranchir d’un écrantage par

les gaz et de faciliter l’observation des solides.

Grossissement disponible x10 ou x20 x5 ou x20

Domaine d'excitation disponible

longueurs d’ondes disponibles : 453 nm, 488 nm, 543 nm, 633 nm en

lumière monochromatique.

Environ 350 nm avec le filtre utilisé, en lumière non-monochromatique.

Domaine d'observation Possibilité de choix dans une large gamme

de filtres.

Possibilité de ne sélectionner qu’un seul filtre (coupant les longueurs d’onde inférieures à 420 nm) [cf. annexe 4]

Possibilité de prendre des photos

et de filmer oui par reconstitution numérique oui grâce à une caméra

Chaque type de microscope permet de bénéficier d’avantages spécifiques : si la résolution des images obtenues avec le microscope inversé à épifluorescence est moindre, il permet néanmoins de visualiser l’échantillon par le biais d’une caméra et donc en couleurs réelles, contrairement au microscope confocal qui permet de visualiser des images obtenues après reconstitutions numériques. Le microscope confocal permet également d’obtenir des reconstitutions tridimensionnelles de l’objet observé avec une excellente résolution.

Le microscope à épifluorescence étant inversé, il permet une observation de l’échantillon par en-dessous (l’objectif est situé sous l’échantillon) et permet donc de s’affranchir d’une éventuelle accumulation de gaz formés en ciel de réacteur, qui ferait alors obstacle aux observations.

La dissolution de dioxyde d’uranium en milieu nitrique n’ayant jamais fait l’objet de telles études, et les marqueurs moléculaires étant a priori assez instables en milieu nitrique, bien que la radioactivité ne soit pas à l’origine de cette instabilité, il est nécessaire de prendre en mains et d’optimiser les méthodes analytiques avant de les expérimenter en zone radioactive.

Il est pour cela très intéressant d’utiliser un matériau simulant, capable de se dissoudre en milieu nitrique et par conséquent de former les produits de dissolution d’intérêt (acidité, acide nitreux, oxydes d’azote), qui seront également formés lors de la dissolution du dioxyde d’uranium.

Si l’uranium 238 n’est pas radioactif, l’installation Atalante où sont réalisés les essais exige toutefois que l’uranium appauvri soit manipulé en zone contrôlée. C’est donc un autre matériau qu’il faut rechercher. Un état de l’art est alors dressé avant de réaliser un choix.