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ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1. Introduction - Le contexte industriel

1.2. Les opérations de tête du retraitement

Le schéma de procédé (document interne Cogema) reporté en annexe 1 décrit bien les procédés de tête dans leur globalité.

Après contrôle de son identification et mesure de son taux de combustion, l’élément combustible est introduit dans la cisaille.

Au cours du cisaillage, l’élément combustible est coupé en tronçons d’environ 3,5 cm de longueur. Ceux-ci contiennent la gaine et l’oxyde irradié et sont envoyés vers le dissolveur, composé d’une cuve et d’une roue à godets (voir paragraphe 1.2.2) dans lequel l’oxyde est dissous par de l’acide

nitrique. La géométrie de ce dissolveur a été réalisée de telle sorte à ce qu’il soit sous-critique. Très imposante, cette unité est aussi très couteuse, surtout lorsque l’on tient également compte des contraintes des matériaux vis-à-vis de la corrosion. La solution obtenue est ensuite envoyée vers la clarification et les fragments de grilles et de gaines (« coques ») sont évacués vers le rinceur à coques, alors que les effluents gazeux produits lors de la dissolution (iode, NOx) sont traités, lavés, filtrés. La clarification permet ensuite de séparer, par centrifugation, les produits non dissous issus du cisaillage et de la dissolution (fines). Les solutions clarifiées sont transférées à l’atelier d’extraction-concentration.

Le conditionnement finalise les opérations de tête. A l’usine de La Hague, les coques et embouts sont conditionnés sous eau dans des fûts et entreposés. Ils seront enfin repris pour être compactés dans l’atelier de compactage des coques.

1.2.1. Le cisaillage des assemblages combustibles

L’attaque acide de l’oxyde irradié des assemblages est réalisée après découpe des assemblages en tronçons : l’opération est effectuée dans une enceinte blindée et fait appel à une puissante cisaille capable d’assurer une cadence d’environ 4 tonnes de combustible par jour avec une maintenance limitée. La cisaille est à commande hydraulique externe et découpe l’assemblage avec des pas de 3 à 4 cm, sans démontage préalable ; les embouts aux deux extrémités sont également séparés par cisaillage mais subissent une gestion séparée et ne sont donc pas introduits dans le dissolveur.

Les tronçons obtenus doivent respecter des dimensions compatibles avec les appareils qui vont les recueillir (rinceurs à coques, panier du dissolveur), directement reliés à la cisaille par des goulottes. La cellule de la cisaille est balayée par un débit d’azote afin d’éviter tout risque lié à la pyrophoricité de la limaille de zirconium issue des gaines coupées. Ce débit gazeux permet également d’entraîner vers l’aval les gaz radioactifs libérés. L’ensemble des opérations dites de tête (dissolution, rinçage des embouts et des coques) est regroupé dans une même cellule, ventilée de manière indépendante (ventilation de procédé), débouchant sur un système de traitement des gaz avant leur rejet dans l’atmosphère (Poncelet, Hugelmann et al., 1991).

1.2.2. La dissolution nitrique

Généralités

Les embouts sont introduits avant le dissolveur et dirigés vers deux étages de rinçage (l’un par une solution d’acide chaude, l’autre par l’eau). Les tronçons de crayons contenant le combustible irradié sont envoyés vers le dissolveur.

Lors de l’opération de dissolution, il s’agit d’effectuer une attaque acide sur l’oxyde irradié pour obtenir une solution destinée au traitement de séparation qui suivra, avec une mise en solution de

l’uranium et du plutonium, avec un temps de séjour d’environ 2 heures. L’attaque se fait en continu, à environ 90°C, en milieu nitrique à environ 3 M et avec une teneur en uranium d’environ 200 g/L. Les différents constituants de l’oxyde irradié réagissent alors avec des rendements et des cinétiques différentes.

Le bilan de dissolution

La quasi-totalité de l’uranium, du plutonium et des actinides mineurs est solubilisée, accompagnée d’environ 80 % massiques des produits de fission. Les 20 % restants sont répartis entre le flux gazeux (xénon, krypton, iode) et les solides résiduels (composés intermétalliques en particules très fines : ruthénium, rhodium, palladium avec zirconium, molybdène, technétium). A la sortie de l’unité de dissolution, il y a donc quatre flux à traiter :

- La solution d’uranium et plutonium ;

- Les gaz actifs et chargés en vapeurs nitreuses ;

- Des particules solides (fines de zirconium, insolubles) ;

- Des débris métalliques des assemblages, les embouts séparés, les fragments de grilles et de

gaines (« coques ») non attaqués par l’acide nitrique.

Des données cinétiques concernant la dissolution nitrique du dioxyde d’uranium, irradié ou non, seront données au paragraphe 4.

Contraintes et aspects technologiques

L’opération doit être conduite en garantissant la condition d’un état neutronique dit sous-critique en toutes circonstances. Dans certains cas, suivant le type de combustible, il est possible d’ajouter un poison neutronique (par exemple du gadolinium) mais il est préférable de travailler sur la géométrie des appareillages, la limitation de concentration et le contrôle des taux de combustion des éléments combustibles entrants.

Le matériel utilisé doit résister à la corrosion en milieu nitrique ; si l’acier inoxydable peut souvent convenir, les parties de procédés difficilement remplaçables sont en zirconium (à condition qu’il n’y ait pas de trace de fluor).

Le dissolveur continu des ateliers les plus récents de l’usine de La Hague comporte une roue à douze godets, mobile dans une cuve verticale plate d’environ 35 cm d’ouverture. Quatre des godets chargés de combustible sont immergés dans l’acide.

Figure 2 : Schéma du dissolveur roue

Le chargement se fait godet par godet (les coques tombant dans le godet en position de chargement), la roue avançant par douzième de tour toutes les 40 minutes environ, permettant un temps de séjour du contenu de chaque godet d’environ deux heures au minimum dans la solution; l’acide est introduit en permanence et la solution de dissolution est évacuée en continu.

D’un point de vue cinétique, de façon idéale, le dissolveur est considéré comme étant une succession

de compartiments fermés, décalés les uns les autres d’un temps de rotation Tr. Le dernier godet est

considéré comme non immergé lors de la rotation, durant un temps tr. En réalité, les godets sont percés

et la solution de dissolution est donc renouvelée.

Une étude (Eysseric, Reynier-Tronche, 2005) regroupe quelques données sur l’étape de dissolution : l’alimentation du combustible est réalisée en discontinu à chaque rotation. Les dépôts en fond de cuve sont repris par un air lift permettant ainsi un auto-nettoyage. Il est cependant nécessaire de réaliser des arrêts réguliers pour éliminer les dépôts plus adhérents tels que les précipités molybdène - zirconium. Ce phénomène est spécifique des dissolveurs continus et des conditions d’acidité, de la température et de la charge choisies. Dans le Tableau 2 sont répertoriées quelques données concernant la dissolution :

Tableau 2 : Quelques chiffres de base concernant le dissolveur-roue industriel

Volume de liquide dans le dissolveur (L) 2700

Temps de séjour de l’oxyde irradié (h) 3-4

Temps de dissolution d'un tronçon (min) 30 à 60

1.2.3. La clarification de la solution de dissolution

Des particules solides sont produites pendant l’opération de dissolution, de façon très dépendante du combustible à dissoudre. On peut néanmoins en donner en bon ordre de grandeur :

- 3 à 4 kg/tonne de fines de zircaloy résultant du cisaillage (large spectre granulométrique allant

du mm au µm)

- 3 à 5 kg/tonne de fines allant jusqu’à quelques micromètres résultant de la non-dissolution de

certains produits de fission (les platinoïdes) et de la dissolution partielle de certains autres (molybdène, zirconium, technétium). La puissance thermique de ces fines s’élève à 100 W/kg. Pour éviter l’encrassement des appareils d’extraction en aval et la détérioration du procédé de séparation liquide-liquide, il est nécessaire de séparer ces particules solides au plus tôt. La clarification est réalisée par centrifugation. Un gâteau de fines est alors produit dans un bol où la solution à clarifier est mise en rotation rapide. Il est ensuite rincé à l’acide nitrique puis décolmaté et envoyé dans une cuve d’entreposage (en solution aqueuse acidulée). Les fines seront ensuite mélangées aux produits de fission puis conditionnées et confinées par vitrification.

1.2.4. Le traitement des gaz de dissolution

Le flux gazeux qui balaie la cisaille s’enrichit, en passant dans le dissolveur, de gaz dégagés par la solution à l’ébullition (vapeurs nitreuses de l’attaque du combustible par l’acide nitrique, gaz rares

radioactifs, iode désorbé, composés volatils de certains produits de fission comme RuO4). Des aérosols

et les gaz introduits dans le dissolveur pour l’air lift de reprise des solides en fond de dissolveur et le « bullage », ainsi que les entrées d’air provenant de la ventilation en surpression de la cellule, complètent le flux gazeux sortant de la tête de procédé de l’usine (Megy, 1981).

Ce flux est dirigé vers un système de traitement :

- « dépoussiérage » des gaz qui entraînent toujours un peu de poussière de combustible : le gaz

passe à travers une nappe tombante de solution nitrique en milieu oxydant (apport d’oxygène gazeux) ;

- « recombinaison » des vapeurs nitreuses dans un dispositif à condenseur et à colonnes, qui

consiste en leur oxydation par l’air et leur absorption par l’eau selon les réactions :

2 2 2 2NO+O NO Equation I- 1 NO HNO O H NO2+ 2 →2 3+ 3 Equation I- 2

- « piégeage » de l’iode grâce à un double dispositif comportant d’une part une colonne à lavage par la soude et d’autre part un absorbeur solide après filtration à haute efficacité.

1.2.5. Le résultat des opérations de tête

Après cisaillage et dissolution, le combustible traité donne naissance à quatre flux : le flux gazeux est géré en ligne, les trois derniers sont acheminés vers d’autres ateliers de l’usine.

La liqueur de dissolution est dirigée vers l’extraction U-Pu, alors que les deux derniers flux, solides, deviennent des déchets (Megy, 1981) : les coques et embouts sont compactés pour en faire un colis de déchets compactés alors que les fines sont entreposées en milieu nitrique, compte tenu de leur forte puissance thermique, jusqu’au moment de leur incorporation, à teneur limitée, dans le verre des effluents à très haute activité provenant de l’extraction (produits de fission, actinides mineurs).

BILAN : La dissolution nitrique du combustible usé est donc une opération qui se déroule au cœur de

la tête de procédé. Ses performances ont une influence importante sur le procédé PUREX. Des axes de réflexion ont été préconisés pour réduire les coûts d’investissement et d’exploitation des procédés. Le premier concerne la séparation de l’ensemble des objets issus du traitement mécanique, cela permettant de réduire le hold-up et donc les volumes de l’installation. Un des concepts introduit serait celui de la dissolution du combustible sous forme de poudres.

Il apparaît donc nécessaire, tant pour avancer sur la compréhension des usines actuelles que pour l’amélioration du procédé ou la mise en place de nouveaux procédés, de comprendre les comportements hydrodynamiques et chimiques en cours de dissolution. L’étude qui suit retrace l’état de l’art en matière de dissolution. Les problèmes de compréhension actuels résidant principalement en la complexité des propriétés de l’acide nitrique et de ses dérivés ainsi que du comportement du dioxyde d’uranium, deux paragraphes traiteront spécifiquement de ces espèces. Une étude bibliographique concernant le comportement à la dissolution du dioxyde d’uranium sera ensuite exposée.