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M OTIVATIONS DE NATURE NON INSTRUMENTALE

Nous présentons ici en détail les motivations de nature non instrumentale. Les aspects symboliques et affectifs, qui font partie des motivations de nature non instrumentale (Steg, 2005), ont un rôle important dans le choix et l’utilisation du véhicule ainsi que dans la relation des utilisateurs avec leur voiture (Jensen, 1999). Le choix d’acheter et d’utiliser ce mode de déplacement va ainsi au-delà des motifs instrumentaux.

2.5.1 Aspects symboliques

Les personnes se représentent et se positionnent socialement en fonction de l’utilisation de leur véhicule et comparent cette utilisation à celle des autres individus et aux normes sociales (Steg, 2005). Plus précisément, l’aspect symbolique d’un véhicule renvoie à la contribution de celui-ci à forger l’identité d’un individu et à pouvoir exprimer sa position

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sociale (Dittmar, 1992). Ainsi, l’achat d’une automobile représente non seulement un grand investissement sur le plan financier, mais également sur le plan social puisqu’il influencera l’identité sociale d’un individu de même que son statut (Hoffmann et al., 2017 ; Janssen et Jager, 2002).

L’achat et l’utilisation d’un véhicule satisfont des besoins symboliques pouvant particulièrement jouer un rôle quant à l’identité sociale (aussi appelé « expression de soi/expression sociale ») (Lois et López-Sáez, 2009). Ce processus d’identité sociale peut être défini comme étant l’expression des valeurs caractéristiques du groupe auquel un individu s’identifie (Abelson et Prentice, 1989). Les besoins ayant une fonction d’expression sociale font référence aux besoins des individus d’entrer en interaction et de se faire accepter socialement (Ennis et Zanna, 2000). Quant aux besoins ayant une fonction d’expressions de valeurs personnelles, ceux-ci réfèrent aux besoins en lien avec les « valeurs dites essentielles au concept de soi » (traduction libre) (Ennis et Zanna, 2000, p.791). Ici on fait référence aux valeurs personnelles et intrinsèques à l’individu.

Par exemple, certaines personnes affirment qu’elles auraient honte de posséder un véhicule énergivore, car elles veulent être identifiées comme ayant des valeurs pro-environnementales (Mann et Abraham, 2006).

Un autre concept important quant aux aspects symboliques et qui influence la consommation des individus est celui du statut social (Ali et al., 2019). Il a été effectivement démontré que les aspects symboliques sont influencés par le besoin de désirabilité sociale (Bergstad et al., 2011 ; Steg et al., 2001). En effet, Eastman et al.

(1999) font état d’un processus par lequel les individus vont tenter d’améliorer leur statut social en consommant certains produits qui confèrent et symbolisent un certain statut pour eux et leur entourage. Le statut social désiré influencera donc les choix d’achat des individus, car ces derniers recherchent une certaine congruence entre l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et le type de produits qu’ils possèdent (Oliver et Lee, 2010). Par exemple, si une personne se perçoit comme faisant partie d’une classe sociale aisée et

« supérieure », elle aura tendance à se diriger vers un véhicule plus luxueux qui correspond aux standards de sa classe sociale (Mann et Abraham, 2006). Ainsi, l’image qu’un consommateur se fait de lui-même pourrait alors être un prédicteur indépendant de son comportement de consommation (Oliver et Lee, 2010).

Ainsi globalement, l’impact symbolique que peut avoir un produit sur le statut se joue à deux niveaux. D’une part, cela peut servir à représenter au monde extérieur les qualités uniques de l’individu en question et d’autre part, cela peut servir à représenter la richesse et l’appartenance de ce dernier à un groupe social (Ali et al., 2019 ; Dittmar, 1994). En effet, dans certains cas, les individus voudront consommer certains produits afin de se conformer à un mouvement de masse alors que dans d’autres cas, ils voudront

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consommer certains produits plus difficiles à se procurer afin de développer un sentiment d’exclusivité et influencer positivement leur statut social (Eastman et al., 1999 ; Kastankis et Balabanis, 2014 ; Leibenstein, 1950). Dans le cas des voitures, si l’on reprend l’exemple précédent, on constate que les individus auront donc tendance à aller vers un véhicule beaucoup plus coûteux et plus gros afin de montrer aux autres qu’ils ont les moyens de se l’offrir et qu’ils appartiennent à une classe « supérieure » (Mann et Abraham, 2006). En somme, la recherche d’unicité et le besoin de se différencier des autres semblent influencer l’intention d’achat des individus, et ce, plus particulièrement lorsqu’ils accordent beaucoup d’importance à leur statut et qu’ils sont plus matérialistes (Ali et al., 2019 ; Tascioglu et al., 2017).

2.5.2 Aspects affectifs

Les aspects affectifs font référence aux sensations et émotions suscitées par la conduite de l’automobile (ex. : sentiment de vitesse, de plaisir, d’appréciation du paysage) (Steg, 2005). Il a été démontré qu’ils auront une certaine influence sur les choix de transport, et ce, même dans un contexte où l’individu est contraint de se déplacer (ex. : aller au travail, aller à une clinique, etc.) (Lois et López-Sáez, 2009). En effet, pour plusieurs personnes, conduire est en soi une activité positive et agréable (Bergstad et al., 2011 ; Gatersleben, 2007 ; Mokhtarian, 2005 ; Steg, 2005). Hoffmann et al. (2017) vont jusqu’à préciser que, déjà au moment de devoir acheter une voiture, les consommateurs chercheraient à satisfaire certains besoins psychologiques tels que : la recherche de plaisir, la recherche de stimulation sensorielle et la recherche d’excitation. Selon les auteurs (Hoffmann et al., 2017 ; Nilsson et Kuller, 2000), si un individu parvient à trouver et à acheter un véhicule qui répond à ses besoins psychologiques, ce produit aura donc une certaine « valeur sentimentale » et génèrera en lui certaines émotions (Hoffmann et al., 2017).

Plus la valeur sentimentale d’un produit sera grande pour un individu, plus le lien d’attachement à celui-ci sera fort (Hoffmann et al., 2017 ; Schifferstein et Zwartkruis-Pelgrim, 2008). Schifferstein et Zwartkruis-Pelgrim (2008) définissent ainsi le concept d’attachement à un produit de consommation comme étant la force du lien émotionnel existant entre un consommateur et un produit (ex. : une voiture). Le consommateur qui va considérer un objet comme étant spécial aura tendance à s’y attacher au point tel que la valeur émotionnelle y étant accordée surpassera la fonction utilitaire de l’objet en question (Schifferstein et Zwartkruis-Pelgrim, 2008). Certains individus iront jusqu’à le considérer comme étant irremplaçable (Schifferstein et Zwartkruis-Pelgrim, 2008). En d’autres mots, l’objet de consommation n’a donc plus un simple rôle utilitaire, mais devient symbolique aux yeux de l’individu. Il est donc pertinent d’étudier la force du lien émotif qu’a un individu avec son automobile puisque cela pourra avoir un impact sur les

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motivations de nature symboliques sous-jacentes à la décision d’acquérir ou d’utiliser une voiture.

C’est d’ailleurs ce que plusieurs études provenant de diverses disciplines (ex. : économie, psychologie, ingénierie, etc.) ont cherché à analyser en mettant en relation les deux types de motivations dont nous venons de discuter (instrumentale et non instrumentale) (Belgiawan et al., 2016; Choocharukul, 2006; Steg, 2005; Van and Fujii, 2011; Zhu et al., 2012). Par exemple, dans son étude, Linda Steg (2005) a adopté le modèle de Dittmar (1992) et tout comme lui, elle a démontré que posséder un véhicule privé répondait non seulement à des besoins instrumentaux, mais également à des besoins psychologiques.

Selon les données recueillies lors de son étude, l'utilisation de la voiture remplit non seulement des fonctions instrumentales, mais aussi d'importantes fonctions symboliques et affectives. Plus précisément, l'utilisation de la voiture par les navetteurs (une sélection aléatoire de 113 navetteurs qui se déplaçaient régulièrement aux heures de pointe à Rotterdam et dans ses environs, une région située à l'ouest des Pays-Bas) est plus fortement liée aux motifs symboliques et affectifs qu'aux motifs instrumentaux (Steg, 2005).

En effet, le fait de pouvoir ressentir des sensations nouvelles, d’avoir un sentiment de supériorité, de puissance et d’excitation en conduisant et en possédant une voiture faisait partie des aspects symboliques et affectifs qui étaient priorisés par les individus (Steg, 2005). De plus, ces aspects devenaient encore plus importants lorsque l’utilisation du véhicule servait à des fins récréatives ou sociales (ex. : voyager, aller voir des amis, etc.).

Les individus ne conduisent pas simplement par nécessité, mais bien parce qu’ils aiment conduire (Gatersleben, 2007 ; Handy, Weston et Mokhtarian, 2005 ; Mokhtarian, 2005 ; Steg, 2003 et 2005). Nilsson et Küller (2000) ont d’ailleurs rapporté que les personnes émotionnellement attachées à leur voiture auraient tendance à la conduire plus fréquemment.

Cette idée que vouloir posséder un véhicule privé soit motivé par des besoins principalement psychologiques a été également corroborée par plusieurs autres auteurs tels que : Baltas et Saridakis, 2013 ; Bergstad et al., 2011 ; Gardner et Abraham, 2007 ; Gatersleben, 2007 et 2011 ; Hiscock et al., 2002 ; Ibrahim, 2003; Lupton, 2002; Lois et López-Sáez, 2009 ; Mann and Abraham, 2006; Mokhtarian, 2005; Mokhtarian et Salomon, 2001 ; Steg, 2001 et 2003 ; Van et Fujii, 2011 ; Weinberger et Goetzke, 2010 et 2011 ; Zhu et al., 2012.

Cependant, certains résultats présentés par les auteurs amènent des précisions quant aux propos de Linda Steg (2005). En effet, tout comme Steg (2005), Lois et López-Sáez (2009) rapportent que les motifs instrumentaux n’ont pas d’effets directs sur la possession

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ou l’utilisation d’un véhicule privé. Par contre, ils précisent que parmi les motifs psychologiques de possession ou encore d’utilisation d’un véhicule privé, ce sont davantage les aspects affectifs qui sont en mesure d’expliquer ce phénomène. Les aspects symboliques n’auraient donc pas, selon eux, d’effet direct quant à la possession et l’utilisation d’une voiture. Grâce aux résultats qu’ils ont pu obtenir lors de leur étude, ils en sont arrivés à la conclusion que les aspects instrumentaux et symboliques serviraient plutôt de tremplin pour expliquer l’importance accordée aux aspects affectifs. Ils expliquent que si les répondants ont tendance à accorder plus d’importance à certains aspects instrumentaux (ex. : confort) ou symboliques (ex. : prestige), c’est dans le but de pouvoir en bénéficier sur le plan affectif (ex. : du plaisir à la conduite ; bien-être ; etc.) (Lois et López-Sáez, 2009). En résumé, on constate donc que les aspects affectifs ont une grande influence dans le processus d’achat d’un véhicule (Lois et López-Sáez, 2009).

Cependant, la valeur perçue d’un produit viendra également influencer ce processus décisionnel et cela mérite d’être abordé plus en profondeur (Babin et al., 1994 ; Forsythe et al., 2006 ; Gwinner et al., 1998 ; Roy, 1994 ; Sheth et al., 1991).