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Orthographe et phonologie

"papa la frans à ganié je suis allé dans la pisine cé la pisine que tu vois la haut

j’ai vu des plages de surf Maël"

ien comprendre les processus de perception implique de bien définir les propriétés des objets à percevoir. Ceci s’applique bien entendu à l’étude du système de lecture et plus particulièrement aux processus de reconnaissance des mots. Comme nous l’avons déjà dit, nous n’avons accès aux systèmes cognitifs que de manière indirecte. Nous ne pou-vons envisager de comprendre la structure et la dynamique de ce système que sur la base d’inductions issues de manipulations expérimentales. Dans ces manipulations, on fournit au système un stimulus dont on spécifie au mieux les propriétés et on mesure des indices exter-nes du traitement effectué sur ce stimulus. Aussi l’expérimentation nous permet-elle de trou-ver des relations, parfois des lois, reliant les propriétés du stimulus aux indices externes. Ces

relations peuvent être considérées à leur tour comme le reflet des propriétés du système ou, plus précisément, comme le reflet des interactions entre les propriétés du stimulus et les pro-priétés du système. Ainsi le degré de compréhension d’un système cognitif dépend du nom-bre des relations [(propriétés du stimulus) / (indices externes)] mises à jour au cours d’expérimentations. Toutefois, pour des stimuli aussi sophistiqués que des mots écrits, la nécessité de spécifier l’ensemble des propriétés de ces stimuli s’avère cruciale. En effet, afin qu’une relation, reliant les variations d’une certaine propriété du stimulus à des variations comportementales, soit validée, il faut s’assurer que ces variations ne sont pas confondues avec les variations d’une autre propriété. L’enjeu d’une manipulation expérimentale est donc de s’assurer que les relations établies entre une propriété du stimulus et une variable dépen-dante sont indépendépen-dantes de toute autre propriété de ce même stimulus.

Un mot écrit peut se décomposer suivant trois dimensions principales : orthographe, pho-nologie et sémantique. Au sein de chaque dimension, on peut définir un certain nombre de sous-composantes, indexant chacune une des propriétés des mots. Dans ce chapitre, nous présentons différentes propriétés ou variables orthographiques et phonologiques ainsi que les relations qu’entretiennent ces variables avec certaines variables expérimentales. Nous décri-vons une série de résultats expérimentaux révélant l’influence de variables ortho-phonologiques lors de la reconnaissance d’un mot. Nous limitons ici notre examen à ces deux dimensions, l’analyse des dimensions sémantiques, ou encore morphologiques et syn-taxiques, dépassant l’objectif du présent travail (pour des manipulations de ces dimensions, voir, pour la sémantique : Gernsbacher, 1984 ; James, 1978 ; Jastrzembski & Stanners, 1975 ; Jastrzembski, 1981 ; Millis & Button, 1989 ; Pavio & O’Neill, 1970 ; Richards, 1976 ; Rubenstein, Garfield, & Millikan, 1970 ; Rubenstein, Lewis, & Rubenstein, 1971 ; Whaley, 1978 ; pour la morphologie : Babin, 1996 ; Berent & Shimron, 1997 ; Colé, Segui, & Taft, 1997 ; Drews & Zwitserlood, 1995 ; Feldman & Bentin, 1994 ; Fowler, Napps, & Feldman, 1985 ; Frost, Forster, & Deutsch, 1997 ; Grainger, Colé, & Segui, 1991 ; Murrel & Morton, 1974 ; Taft & Forster, 1976 ; pour des manipulations des dimensions syntaxi-ques : Baayen, Dijkstra, & Schreuder, 1997 ; Deutsch, Frost, & Forster, 1998 ; Pulvermul-ler, Lutzenberger, & Birbaumer, 1995 ; Schmauder, 1996 ; Sereno, 1991 ; Sereno & Jong-man, 1997). L'objectif d'une telle revue est de se placer à un niveau empirique et de déceler les résultats expérimentaux significatifs qui éclairent notre compréhension du système de lecture.

3.1. Variables visuo-orthographiques

Sur le plan visuel, et pour les systèmes d’écriture alphabétique, on définit un mot comme une séquence particulière de caractères alphabétiques. A partir de cette définition, on peut donc dériver un certain nombre de variables visuo-orthographiques spécifiant la position de chaque séquence de lettres possible dans l’espace multidimensionnel visuo-orthographique. Nous considérons ici des variables suivantes : la confusabilité des lettres, la visibilité des lettres, le nombre de lettres, la fréquence d'occurrence de certaines unités orthographiques et les voisins orthographiques.

3.1.1. La confusabilité des lettres

Un mot est composé d’une certaine séquence de lettres. Aussi, la reconnaissance d’un mot est-elle dépendante, a priori, de la reconnaissance des lettres qui le composent et, donc, des propriétés de ces lettres. La question de la perception des lettres est, jusqu’à maintenant, abordée indépendamment de la question de la perception des mots. Peu ou pas d’études considèrent l’influence des propriétés structurelles des lettres dans la reconnaissance des mots. D’ailleurs, comme nous le verrons au chapitre 4, la plupart des modèles de la percep-tion des mots restent muets sur ces étapes de traitement précoces.

La plupart des études dans le domaine de la perception des lettres utilisent des protocoles d’identification perceptive où les sujets doivent identifier des lettres qui sont présentées ta-chistoscopiquement (e.g., Bouma, 1971 ; Fisher, Monty, Glucksberg, 1969 ; Geyer, 1977 ; Gilmore, Hersh, Caramazza, & Griffin, 1979 ; van der Heijden, Malhas, & van der Roovaart, 1984 ; Townsend, 1971). On obtient ainsi des matrices de confusions indiquant pour chaque lettre la répartition des réponses données. De ces matrices, on déduit trois résultats généraux : (1) certaines paires de lettres sont plus souvent confondues que d’autres ; (2) certaines let-tres sont mieux identifiées que d’aulet-tres ; et (3) les erreurs de confusion entre deux letlet-tres sont souvent asymétriques (Appelman & Mayzner, 1982). Les contributions théoriques réali-sées à la suite de ces résultats expérimentaux suggèrent que la reconnaissance d’une lettre dépend (1) du nombre de traits visuels la constituant, (2) du nombre de traits partagés avec d’autres lettres, et (3) de la présence de traits distinctifs (Appleman & Mayzner, 1982 ; Ke-ren & Bagen, 1981 ; Krumhansl, 1978, 1982 ; Shimron & Navon, 1981 ; Tversky, 1977).

La perception d’une lettre est donc dépendante des propriétés de ses traits visuels. Selon cette analyse, on peut classer chaque lettre sur un continuum de confusabilité et prédire une relation inverse entre les performances d’identification d’une lettre et son degré de confusabilité.

Dans une étude récente, nous avons étendu un résultat obtenu pour la reconnaissance de lettres individuelles à la reconnaissance des mots (Ziegler, Rey, & Jacobs, 1998). Nous mon-trons que, dans une tâche d’identification perceptive (protocole de fragmentation de Snod-grass : SnodSnod-grass & Mintzer, 1993 ; SnodSnod-grass & Poster, 1992) le degré de confusabilité des lettres est négativement corrélé avec les performances d’identification des mots (r = -.42). Dans ce protocole, un mot est présenté de manière hautement fragmentée et on demande au sujet de l’identifier. S’il n’y parvient pas, le sujet peu passer à un niveau de fragmentation moindre jusqu’à ce qu’il obtienne suffisamment d’indices visuels pour donner une réponse. Il existe huit niveaux de fragmentation et on mesure ainsi pour chaque mot le niveau auquel une identification correcte est donnée (Figure 3.1). Dans cette expérience, les sujets doivent identifier l’ensemble des mots français de 4 lettres (N = 580). Nous obtenons alors des sco-res d’identification pour l’ensemble de ces 580 mots sur une moyenne de 10 sujets.

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