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Chapitre 1 : Evaluation de l’hétérogénéité et de la géométrie des réservoirs karstiques :

6. Discussion

6.1 Origines des vides au sein de la série sédimentaire

La Figure 1-38 illustre les données de δ13C et δ18O avec leur moyenne et leur écart type, ainsi que les valeurs de porosité mesurées, en fonction de la colonne stratigraphique de la région Toulonnaise. Cette figure globale se décompose en 4 parties : le log stratigraphique synthétique de la région Toulonnaise, les données isotopiques en δ13C et δ18O, les valeurs de porosité mesurées, puis les grandes caractéristiques de chaque unité ou période. Le log stratigraphique est synthétique et régional, les échantillons sont alors représentés relativement en fonction de cette colonne lithologique. Dans la deuxième partie de cette figure, les échantillons de δ13C et δ18O sont représentés verticalement en présentant tout d’abord la variation des données en δ13C, puis leur moyenne et écart type selon les âges prélevés, puis en δ18O. Les variations de porosité mesurées (à l’eau et à l’hélium) sont présentées verticalement. Les échantillons utilisés pour les mesures de porosité sont les mêmes que ceux des valeurs isotopiques. Mais les mesures n’ont pas pu être réalisées sur chaque échantillon de roche.

Les carbonates du Trias n’ont pas de valeurs de porosité mesurée, les valeurs isotopiques ont montré que les échantillons ont subi une cimentation précoce sous influence météorique avec un enfouissement intense. Les valeurs de porosité intergranulaire doivent alors être très faibles dans les calcaires bioclastiques. Les séries du Muschelkalk présentent de nombreuses brèches à différentes échelles qui ont subi des influences de fluides. Ces brèches n’ont pas été échantillonnées concernant les mesures de porosité et la géochimie isotopique. Mais elles présentent toutes des circulations de fluides, avec conduits karstiques, des remplissages karstiques ou des traces de dissolutions d’évaporites (Ondicolberry, 2015). Ces brèches sont alors des hôtes propices au stockage ou à l’écoulement de fluides.

Les dolomies primaires du Jurassique, ayant de fortes valeurs de δ18O, (Hettangien et Jurassique supérieur) se remarquent par leur forte valeur de porosité. Il y a eu préservation de la dolomitisation précoce et ainsi préservation de la porosité intercristalline. Les fortes valeurs de porosité des dolomies peuvent être liées à la dissolution de la matrice calcaire (Maliva et al., 2011). Les phénomènes de dolomitisation précoce peuvent entrainer une création de porosité matricielle.

Les échantillons du Bajocien-Bathonien, Jurassique moyen, ont des valeurs de porosité variable, allant jusqu’à 12%. Les fortes valeurs de porosité se retrouvent dans des faciès granulaires (grainstone) et les faibles valeurs dans les faciès boueux (mudstone). Les valeurs isotopiques de ces différents faciès ne sont que très peu variables. Dans les faciès granulaires, soit la porosité primaire a été préservée, soit il y a eu une phase de dissolution tardive, sans recristallisation, qui a développé de la porosité intergranulaire.

Les carbonates très peu poreux et bien cimentés de faciès Urgonien du Barrémien montrent des valeurs positives de δ13C et faiblement négatives en δ18O typiquement marines (Moss and Tucker, 1995) sur le plateau de Siou-Blanc. Ces carbonates ont subi une cimentation marine précoce et/ou une phase de cimentation précoce d’origine météorique liée à des phases d’émersion répétées (Leonide et al., 2014). Les calcaires Urgoniens de Provence sont d’excellents analogues de réservoirs carbonatés microporeux, rencontrés au Moyen-Orient, en terme de faciès (âge, faciès sédimentaire et environnement de dépôt) et selon les propriétés réservoirs (types de pores, porosité et perméabilité) (Borgomano et al., 2002; Fournier et al., 2011; Leonide et al., 2012). Les roches sont plus ou moins poreuses dans ces faciès Urgoniens selon les phases diagénétiques qu’elles ont subies et leur environnement de dépôt, avec des porosités allant jusqu’à 20% mesurées à Fontaine-de-Vaucluse (Leonide et al., 2014). Dans la région Toulonnaise, les valeurs sont inférieures à 3%. En Provence, les dépôts carbonatés ont subi une période d’émersion généralisée, liée au bombement Durancien. Au Nord de la Provence, la discordance a affecté

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les calcaires du Barrémien supérieur, alors qu’au Sud elle a affectée les calcaires du Barrémien inférieur. Les fluides météoriques associés n’ont pas généré de microporosité comme au Nord (Leonide et al., 2014) car les calcaires de l’Hauterivien et du Barrémien inférieur devaient déjà être complètement cimentés. L’impact de cette phase a été la création de paléokarsts mais il n’y a peut-être pas eu d’augmentation de la porosité matricielle. Cependant, la circulation de fluides météoriques lors de cette période dans les couches lithologiques sous les calcaires du Crétacé inférieur a pu créer de la dissolution/recristallisation dans les dolomies du Jurassique.

Les fortes valeurs positives de δ13C au Cénomanien sont expliquées par le premier stade de la crise mondiale anoxique à la transition entre le Cénomanien et le Turonien. Ces valeurs maximales du δ13C correspondent à la dérive positive d’âge Cénomanien supérieur, signal global du carbone lié à l’événement océanique anoxique OAE2 (Cénomanien supérieur / Turonien basal) (Frijia and Parente, 2008). Bien que des conditions anoxiques ne soient pas enregistrées, il n’y a pas de facies sédimentaires marqueurs de ces conditions (black shales par exemple) sur la plateforme Provençale, les carbonates de plateforme ont enregistré un signal géochimique montrant les perturbations globales du cycle du carbone. Ces calcaires présentent également de très faibles valeurs de porosité (Matonti et al., 2017).

Les faibles valeurs de porosité du Crétacé supérieur correspondent à des roches ayant subies une cimentation précoce et pas de préservation de la porosité matricielle.

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Figure 1-38 Log stratigraphique synthétique régional de la région Toulonnaise associé aux propriétés isotopiques et de porosité des carbonates

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6.2 Compartimentation de l’aquifère karstique

Les coupes équilibrées sont des modèles théoriques simplificateurs avec des incertitudes en profondeur puisque aucun forage profond ne permet de les calibrer régionalement. Plusieurs modèles ont été testés mais un seul résultat est gardé pour chaque coupe, le plus cohérent avec les observations de surface. Le style structural de la Provence de l’Est (Figure 1-6) implique le socle et la couverture (thick et thin-

skinned (Bestani, 2015; Espurt, 2012; Lacombe, 2005; Lacombe, 2002; Tempier, 1987). Les structures

proposées pour accommoder la déformation en Provence sont variées : décollement de couverture dans les niveaux triasiques ou jurassiques, prisme de socle et de couverture ou encore des chevauchements de grandes longueurs d’onde (Bestani, 2014).

Le style structural de la zone d’étude est dominé par le rôle important des failles normales de socles héritées du Permo-Trias (Bestani, 2014) mais aussi par la présence de grands décrochements hercyniens réactivés lors de l’orogénèse Pyrénéenne. Les nombreuses failles de socle présentes en Provence orientale et retrouvées dans le domaine offshore dans le Golfe du Lion (Séranne, 1999) seraient connectées vers 10-15 km de profondeur (Bestani et al., 2015; Lacombe and Mouthereau, 2002) et ne seraient pas lithosphériques.

Les travaux de Bestani et al. (2015) à l’échelle de l’avant pays provençal, ont réalisé une coupe équilibrée depuis le Cap Sicié (au Sud) jusqu’à Pertuis (au Nord), incluant le synclinal de l’unité du Beausset, le synclinal de l’Arc ainsi que la Sainte-Baume et la Sainte Victoire. L’équilibrage de cette coupe montre un raccourcissement total horizontal de 40 km, dû aux grandes structures provençales. L’essentiel de ce raccourcissement (≈37 km) est accommodé par des chevauchements de socle au Sud du synclinal de l’Arc (Figure 1-6). Les coupes équilibrées réalisées dans cette thèse présentent un raccourcissement de 1 km pour la coupe I et de 3 km pour la coupe II approximativement. Ces valeurs sont alors cohérentes avec les résultats de Bestani et al. (2015) selon l’échelle d’étude. De plus, les niveaux de décollements en Provence sont identifiés dans les séries d’âge Triassique (Caron, 1967; Champion et al., 2000; Roure and Colletta, 1996; Tempier, 1987). Au Nord-Ouest de la Provence, des diapirs de sels datant du Trias sont clairement identifiés (Casagrande et al., 1989; Emre and Truc, 1978). Ces structures et les plis identifiés dans le Muschelkalk (station tectonique 6, Ondicolberry (2015) sont des déformations ductiles qui ne sont pas prises en compte dans la méthode des coupes équilibrées. Cela provoque alors des incertitudes non-estimées sur le raccourcissement des coupes équilibrées présentées dans cette thèse.

Les failles normales présentes sur le Mont Faron sur la coupe I, potentiellement ancrées dans le socle, résultent certainement d’une phase extensive, ou transtensive, d’âge Crétacé supérieur. Elles peuvent résulter de la tectonique lors de l’ouverture du bassin sédimentaire, et ensuite être partiellement réactivées avec un mouvement inverse ou décrochant, lors de la compression pyrénéo-provençale. En effet, des zones de brèche tectono-sédimentaires sont observées sur le Mont Faron, au contact de failles normales. Des réactivations en décrochement avec une composante inverse dans certains cas, entrainent alors l’ouverture des failles par dilatance (Ferrill and Morris, 2003; Jeanne et al., 2012; Matonti et al., 2017). Ces failles normales ouvertes peuvent mener à une augmentation de perméabilité (Bense et al., 2003; Sperrevik et al., 2002) et permettre un écoulement d’eau souterrain important.

Les coupes réalisées dans cette thèse, ont été réalisées avec parcimonie, ce sont un support à la visualisation du réservoir géologique de Dardennes (Figure 1-39). Cependant, elles restent des modèles et sont ainsi soumises à de nombreuses incertitudes. En effet, la zone la plus incertaine concerne la structure synclinale au droit des sources de Dardennes. Ce synclinal est présent sur les coupes géologiques réalisées dans des études antérieures (Bestani et al., 2015; Fournillon, 2012; Gouvernet, 1963). Dans les études récentes, telles que Bestani et al. (2015) et Fournillon (2012), le synclinal est représenté avec plusieurs charnières différentes, mais le flanc Sud est subvertical dans les deux cas. Ce

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synclinal peut avoir deux origines lors de l’histoire géodynamique du bassin du Beausset. Le synclinal au droit des sources de Dardennes peut, soit correspondre à un pli d’entrainement sous le niveau de décollement lors de la compression pyrénéo-provençale, soit à l’inversion en compression d’une structure préexistante en graben. Durant l’Albien, la Provence enregistre des apports sédimentaires turbiditiques et bréchiques sur la bordure Sud du synclinal du Beausset (Masse and Philip, 1969; Philip, 1987) qui témoignent d’une structuration en horsts et grabens.

Cette structure profonde serait à confirmer avec des méthodes géophysiques profondes ou des forages exploratoires (Arthaud et al., 1980; Bestani, 2014; Raffaele et al., 2004), ou avec des modèles géomécaniques (Lamarche et al., 2013).

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Figure 1-39 Vue en 3D des coupes équilibrées réalisées dans la région Toulonnaise, en gris la surface topographique représentée par le MNT (25 m).

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