Nous tenterons d’expliquer dans un premier temps ces influences grâce aux mouvements de populations. En effet, il apparait que les mouvements humains apportent avec eux du mobilier, mais également un savoir-faire : l’introduction d’une population sur un territoire induit l’introduction d’une culture et de ces particularismes.
Par « population » il faut entendre le peuple dans sa dimension la plus large, comme mouvement démographique : les émissaires, les artistes et les marchands seront développés à part.
Des orientaux en Crète
Certaines chercheurs se prononcent pour une origine anatolienne des Minoens. Une population venue de Carie, une région côtière de l’Asie Mineure serait alors venue peupler le territoire crétois au cours du Néolithique1. La période du BA verra par la suite apparaitre les authentiques minoens. La naissance de la civilisation minoenne s’expliquerait par une évolution de la population anatolienne locale préalablement établie.
1 Demargne, Pierre, op.cit, p31 ; Duhoux, Yves, op.cit, p16 ; Poursat, Jean Claude, op.cit, 2008, p24 : Rachet, Guy, op.cit, p30
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Il est toujours difficile de mesurer et d’étudier la genèse d’une population, d’une civilisation, toutefois, cette explication permettrait d’admettre une certaine source d’influence.
Dans un second temps, les chercheurs établissent la présence d’orientaux, notamment venus d’Egypte ou du Levant au cours du MA1
: cette affirmation permettrait d’expliquer la présence de vases en pierre égyptiens.
Des minoens en Egypte
Un ensemble de sources nous permet d’attester la présence de minoens sur des territoires orientaux, particulièrement en Egypte.
L’étude des sources écrites à mis en évidence une des hypothèses quant à la traduction du terme des « Iles du grand vert » : cette mention permet d’établir des Minoens au sein de la vallée du Nil ou du Delta. Par ailleurs, de nouvelles sources retranscrivent des noms minoens en lien avec le territoire égyptien. Un ostracon (-6-) livre un nom égyptien dont la racine serait minoenne2 : nous pourrions alors supposer que cette mention retransmet l’évocation d’un égyptien rattaché à la culture minoenne ou inversement. Une tablette égyptienne (-8-) formule une liste de minoens désignés par leurs noms : cet inventaire établi par un scribe égyptien permet de démontrer l’installation de minoens en Egypte3
. Les découvertes archéologiques ont pu mettre au jour une culture matérielle rattachée à la civilisation minoenne : des vases en céramique ont notamment été retrouvés sur des sites égyptiens et levantins.
Une question reste toutefois en suspens. Pourquoi les Minoens auraient ils choisi de quitter l’île de Crête, décrit comme un « territoire prospère »4
où la civilisation minoenne peut pleinement se développer ?
Nous pouvons supposer que la migration minoenne soit due à des facteurs environnementaux ou pour des raisons de conflits internes5. En effet, l’île aurait subi deux
1 Rachet, Guy, op.cit, p122 ; Vercoutter, Jean, op.cit
2 Traduction et affirmation d’après Y. Duhoux, dans de Duhoux, Yves, op.cit, p158 3 Duhoux, Yves, idem, p158, 227, 269 ; Vercoutter, Jean, op ?cit p132, 161
4 Question et terme employés par Y. Duhoux dans Duhoux, Yves, idem, p158, 227, 269 5 Duhoux, Yves, idem, p35 ; Vercoutter, Jean, op.cit, p174
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catastrophes amenant à chaque fois à la destruction de ses palais1. Cette hypothèse peut également s’appliquer aux causes de migrations orientales : en effet, l’empire égyptien connait de fortes périodes de troubles, d’invasion et de guerre où le pouvoir et la sécurité de la population sont plus qu’instables2
.
Ces différentes causes peuvent alors déclencher une vague d’immigration vers de nouveaux territoires plus accueillants.
Certains supposent une première installation antérieure à celle du Nouvel Empire, communément admise. La présence de Minoens notamment au cours du BM permettrait d’expliquer la présence de céramique de Camares (75) ainsi que l’influence égyptienne des différentes appliques du Quartier Mu de Mallia.
En revanche, il semble assuré que les Minoens se soient installés dans le Delta au Nouvel Empire au cours des XIVe et XVe siècles, notamment au vue de la datation des sources, bien qu’une chronologie absolue reste encore à établir avec précision3
.
Les chercheurs privilégient une installation des Minoens dans le Delta du Nil4, au vue de sa position intermédiaire entre l’ile de Crète et la Vallée intérieure ; cette hypothèse est notamment corroborée par la localisation des vestiges archéologiques associés à la civilisation minoenne, majoritairement retrouvés dans cette zone géographique5.
Par ailleurs, la zone du Delta semble propice à l’arrivée de civilisations étrangères, par sa localisation en en bord de côte, comme en témoigne l’installation de la dynastie Hyksos, dynastie orientale qui a régné sur l’Egypte au cours de la Seconde Période Intermédiaire. Le développement de cette dynastie a notamment été amorcé par l’installation d’une population levantine dans le Delta6.
Cette information permet d’autant plus d’attester des relations étroites qui se tissent entre les civilisations minoennes, égyptiennes et levantines. En effet, deux civilisations, les Minoens et les Syriens, viennent s’installer sur le territoire égyptien, probablement à
1 Autour de -1700, les premiers palais minoens sont détruits, donnant lieu à l’édification de nouveaux palais. Par la suite, autour de -1450, ce sont les seconds palais qui sont à leur tour détruits. Plusieurs hypothèses sont alors soulevées pour en expliquer les raisons : séisme ? éruption ? incendie ? conflit interne, révolte ? conflit externe, invasion ? 2 Les différentes Périodes Intermédiaires égyptiennes sont synonymes de période de troubles en Egypte. Le pouvoir pharaonique en place s’effondre : l’absence d’un pouvoir fort entraine un morcellement du pays, divisé par des querelles internes entre les différents nouveaux souverains dirigeants.
3 Plusieurs hypothèses sont soulevés pour la datation de l’arrivée des minoens : sous la dynastie Hyksos ? au début du règne d’Amosis I ? à partir de 1475-1470 ? entre 1451-1443 ? ou 1446-1425 ?
Ensemble des datations notamment citées dans Duhoux, Yves, op.cit 4 Notamment Caubet, Annie, op.cit, 1999 ; Duhoux, Yves, idem
5 Le site d’Avaris a notamment mis au jour de la céramique minoenne ainsi que des fresques fortement influencées techniquement et iconographiquement par les modèles minoens
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quelques années d’intervalle. Ainsi chacune de ces trois civilisations apporte avec elle sa culture matérielle permettant ainsi de diffuser des modèles et d’influencer l’art de ses voisins.
Certaines des influences décelées auparavant pourraient alors s’expliquer par cette présence des Minoens en Egypte. Nous pouvons supposer l’installation d’une population relativement bien acceptée par les égyptiens : nous n’avons trouvé aucune mention relative à un conflit externe avec une population venue de Crête. Au contraire, les Minoens sont parfois qualifiés de « Grands » ou de « princes »1. En dehors d’une simple formule de politesse, nous pourrions y voir un véritable qualificatif caractérisant la position des Minoens en territoire égyptien. Les Minoens présents dans le Delta sembleraient occuper une position assez importance pour permettre la diffusion et la réception de modèles artistiques.