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A) Indices d’interprétation

1- La fresque

Il s’agira d’étudier la représentation de vases à travers trois exemples de fresques minoennes STUC, le sarcophage d’Haghia Triada, le cueilleur de crocus, le porteur de rhyton. Vous trouverez les différentes représentations dans l’annexe 12.

Ces différentes fresques ne seront pas étudiées dans leur globalité (matériaux, technique, stylistique, iconographie complète) : seule la représentation des vases et leur environnement direct seront abordés afin de tenter d’identifier des formes et de comprendre le contexte de leur utilisation.

Le sarcophage d’Haghia Triada2 comporte sur chacun de ces longs côtés une composition en trois registres : une scène figurée dans le registre médian, prise entre deux frises de corolles végétales.

La face nord présente un ensemble de personnages divisés en deux groupes de direction opposée. Attardons nous sur les trois figures dirigées vers la gauche. A son extrémité, se pose entre deux éléments verticaux surmontés d’une double hache, un vase de grandes dimensions que l’on pourrait alors aisément assimiler à un pithos. Trois personnages vêtus d’une longue tunique et dotés d’une chevelure bouclée brandissent à l’aide de leurs deux mains un vase identique : de panse tronconique, évasée dans sa partie supérieure et munie de deux anses verticales perpendiculaires à l’embouchure, cette typologique semble évoquer celle des paniers présents dans le corpus (44). La figure de tête déverse alors le contenu de son vase au sein du large pithos.

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Les fresques sont en grande partie restaurées et la représentation de vases sur des tablettes reste très approximative

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La face sud ne dévoile qu’un seul ensemble de personnages présentés successivement devant une architecture, nous rappelant la porte développée sur le rhyton du sanctuaire. Nous distinguons alors trois typologies de vases. Une première forme évoquant celle des jarres du corpus (JA) se situe à proximité du pied de la table centrale afin de recueillir le sang qui s’écoule du corps de l’animal sacrifié. Le personnage de tête, identique à celui de la face nord, présente sur un second autel, une cruche à double bec oblique, à une anse haute, et panse ovoïde (33). Dans le fond, comme suspendue, se développe une coupe ou un canthare garni.

Chaque de ces représentations de vases peut facilement être identifiée : on a pu établir des parallèles avec des typologies existantes au sein du corpus (CAN, COU, JA, PA, PI), La scène apporte des indications quant à la fonction de ces vases et le contexte d’utilisation. Le sarcophage décrit une procession au cours d’une cérémonie cultuelle et sacrificielle illustrée par la présence de musiciens, d’autels, du symbole de la double hache et de la corne, associés à l’architecture d’un sanctuaire. Ainsi les différents vases en usage évoque une fonction propre : des paniers et un pithos afin d’exercer un rituel de libation ; une jarre recueillant le sang sacrificiel ; une coupe en offrande ; la cruche à double bec pourrait elle aussi servir d’offrande ou récipient lors d’une future libation.

La fresque du cueilleur de crocus1 représente au sein d’un environnement naturel des singes remplissant de fleurs des « pots de jardins »2. Ces vases se présentent sous différentes typologies : de forme pansue, carénée ou tronconique évasée dans la partie supérieure, dotés d’anses ou d’un pied, décorés d’une couleur monochrome, d’horizontales ou de pointillés. Le corpus ne comporte pas de façon distincte cette forme de vases mais permet tout de même de présenter des typologies approchantes comme celles des vases carénés (VC), des coupes (COU) ou des canthares (CAN). Cette représentation admet alors une nouvelle utilisation de ces typologies, utilisées comme simples pots de fleurs ou lors de la cueillette de fleurs comme contenants et facilement transportables.

Le palais de Cnossos dispose d’une seconde fresque arborant des exemples de vases. Cependant, le corridor de la procession3 expose une représentation majoritairement restaurée à partir de maigres fragments dessinant des pieds, des pans de vêtements, ou la partie inférieure des corps. Ainsi, seuls ces fragments d’origine seront pris en compte dans

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Le cueilleur de crocus, Cnossos, palais, Crète, MM3a-MR, MAH, MA 32

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Platon, Nicolas, La civilisation égéenne: Le bron e récent et la civilisation mycénienne. Vol. 2. L’Evolution de l’humanité 9. Paris: Albin Michel, 1981, p15

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l’étude des vases. En effet, bien que la fresque dessine des formes connues du corpus (id), elles sont en réalité issues d’une réalité archéologique : ces modèles existants, retrouvés lors de fouilles, influencent alors la restauration.

Deux fragments s’attachent à représenter des vases. Une partie basse d’une panse de couleur blanche est soutenue, par le fond, par le plat de la main. Une seconde figure composée d’un plus grand nombre de fragments permet de livrer une représentation plus complète. De profil gauche, une figure masculine à la chevelure noire épaisse, longue et bouclée, à la taille cambrée, soulignée par un pagne ceinturé, soutient de son bras gauche, accessoirisé de deux bracelets parallèles, le fond d'un vase, et tient l'anse de sa main droite. On retrouve alors la représentation d’un homme minoen que l’on a pu étudier sur les vases du corpus associé à un rhyton conique présent au sein de contextes archéologiques (R3). Il s’agit de comprendre à partir des seuls fragments la signification de la scène et la destination de ce rhyton conique. Ainsi, la fresque représenterait une procession au sein d’un contexte cultuel ou palatial où les différents personnages, du moins les figures masculines, apporteraient des offrandes. Plusieurs éléments justifient cette interprétation. Dans un premier temps, le nombre important de protagonistes permet de constituer un cortège dense propice au déroulement d’une procession. De plus, on observe des parallèles probants avec la représentation du sarcophage d’Haghia Triada, dont nous avons déjà mis en avant le caractère cérémoniel et cultuel : la subdivision en deux groupes de direction opposée et le vêtement long coloré tombant aux chevilles. Le vase représenté s’insère alors parfaitement dans ce contexte cultuel, puisque le rhyton conique apparait être utilisé lors de libations, porté et présenté de la sorte sur la fresque, il peut constituer une offrande ou un objet symbolique au sein de la procession. Enfin, un dernier point mérite d’être souligné, celui d’un lien étroit entre l’emplacement même de la fresque et la thématique de la scène : le corridor serait le passage privilégié des visiteurs du palais apportant alors des cadeaux au souverain.

L’ensemble de ces arguments présentent la scène comme une procession ; cependant, il reste à identifier le bénéficiaire de cette cérémonie. La restauration a mis en avant une figure féminine frontale aux bras levés, présentée comme point de convergence des deux groupes d’individus : ce personnage central serait issu du milieu divin ou palatial, incarnant une déesse, une prêtresse ou une princesse, à laquelle le cortège apporterait des offrandes. Cependant, cette figure n’apparait nullement comme le point focal : la fresque est incomplète et devait comporter un plus grand nombre de figures. De plus, elle se

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présente simplement à la tête d’un des groupes tout comme une autre figure féminine plus à gauche. Il ne pourrait ainsi s’agir que d’un membre du cortège ; on ne peut alors savoir si le rhyton constitue une offrande à une divinité ou un tribut au roi du palais.