• Aucun résultat trouvé

4.3 Discussion

4.3.1 Origine de la MO

4.3.1.1 Dans le lac de Petit Saut

Dans l’épilimnion, la MO est peu dégradée (CO : 37,4 ± 0,75 %, rapport C/N : 15,2 ± 0,23) et appauvrie en 13C (δ13C-COP : -35,4 ± 0,12 h) par rapport à celle de l’hypolimnion. Cette MO semble principalement constituée de phytoplancton, elle est autochtone (Figure 4.12). Dans l’hypolimnion la MO correspond à la MO dégradée de l’épilimnion (rapports C/N inférieurs et δ13C-COP enrichis en13C, voir 4.3.2.1, Figure 4.12). Les fortes concentrations en MES mesurées au fond de l’hypolimnion (Annexe B) témoignent de la remise en suspension des sédiments au contact de la colonne d’eau.

Figure 4.12 – Origine et état de dégradation de la matière organique de la colonne d’eau du lac de Petit Saut.

Des fragments de branches étaient visibles dans nos pièges à particules. La MO qui rejoint l’hypolim-nion n’est donc pas uniquement constituée de phytoplancton dégradé, elle contient aussi des fragments ligneux d’arbres provenant de la forêt inondée ou des arbres du bassin versant, une fraction de la MO de la colonne d’eau est donc allochtone. La MO allochtone ne provient pas seulement des berges du lac.

Les profils de COP de la zone pélagique (exemple Roche Genipa : Figure 4.14 b) mettent en évidence une augmentation de la concentration en COP dans le métalimnion et non une diminution. De plus le

δ13C-CID présente un enrichissement en 13C à 6 m et le δ13C-COP un enrichissement en 13C à 10 m (Figure 4.14 c). Ces profils illustrent des apports par les rivières du bassin versant (Sinnamary et Cour-sibo amont : δ13C-CID = -11,5 ± 0,56 h, δ13C-COP = -30,4 ± 0,08h) qui persistent en fin de saison humide. Ainsi une partie de la MO allochtone provient des rivières en amont du lac (Figure 4.12). Les apports de MO allochtone varient avec les saisons, en saison humide ils sont probablement plus impor-tants en raison d’une augmentation du débit entrant et des précipitations pendant cette saison. Dans la zone pélagique, les concentrations en COP plus élevées en saison humide (Mai 2012) peuvent donc être liées à une augmentation des apports de MO allochtone. La MO allochtone (Sinnamary et Coursibo : -30,4 ± 0,08h ; Arbres et sols : -27,9 ± 0,31) étant plus enrichie en13C que la MO autochtone produite par le phytoplancton le δ13C-COP de la MO de l’épilimnion s’enrichit pendant cette saison (Mai 2012).

Dans l’épilimnion de zone littorale, les concentrations en COP sont plus élevées et la MO est plus appauvrie en13C qu’en zone pélagique (Tableau 4.1, cf 4.2.1.5, Figure 4.12). Les δ13C-COP de la MO de la zone littorale plus appauvris en 13C que ceux de la zone pélagique peuvent être liés à la présence des méthanotrophes. Les fortes concentrations en CH4 mesurées dans la colonne d’eau de zone littorale (Ta-bleau 4.1) sont en effet favorables au développement d’une importante communauté de méthanotrophes dans cette zone du lac or ces bactéries correspondent à un pool de COP appauvri en 13C (Boschker et Middelburg, 2002).

Les différences de δ13C-COP et de concentrations en COP entre les zones littorale et pélagique peuvent aussi être liées à des variations spatiales de la production primaire. Le δ13C-COP plus appauvri dans l’épilimnion de la zone littorale suggère que la production primaire est moins limitée par les faibles concentrations en nutriments (Collos et al., 2001) qu’en zone pélagique. En zone littorale, dans la couche euphotique, la concentration en azote pouvant être utilisé par le phytoplancton lors de la photosynthèse (NH+4 + NO3) est de 23,3 µg (N) L−1 et celle en carbone (CO2) est de 1 810 µg (C) L−1, le rapport de Redfield C/N est alors de 78 en zone littorale. De même en zone pélagique, avec les concentrations en azote (8,53 µg (N) L−1) et carbone (1 610 µg (N) L−1), on obtient un rapport de Redfield C/N de 189. Ces rapports appuient l’hypothèse d’une production primaire dans la couche euphotique de la zone littorale moins limitée par les concentrations en azote que dans la zone pélagique. De plus, en zone pélagique, la production primaire peut aussi être limitée par les concentrations en COD plus élevées qui limitent la pénétration de la lumière et donc la production primaire (Vidal et al., 2012; Pacheco et al., 2015).

Enfin, les différences observées entre les δ13C-COP et les concentrations en COP des deux zones peuvent être liées au temps de résidence des eaux, qui est probablement plus élevé en zone littorale et plus faible en zone pélagique. Dans la zone pélagique il est en effet probable que la vitesse du courant soit supérieure à celle de la zone littorale car la zone pélagique est directement sous l’influence des vitesses de courant des rivières en amont du lac alors que les zones littorales échantillonnées se situaient dans des anciennes vallées n’étant pas directement connectées aux quatre grandes rivières du bassin versant (Figure 3.3).

4.3.1.2 Dans le fleuve en aval du barrage

D’après Abril et al. (2005), les eaux transitant par les turbines sont un mélange de 18 % d’eau provenant de l’épilimnion et 82 % d’eau provenant de l’hypolimnion de Roche Genipa. Ces pourcentages nous permettent de calculer un δ13C-COP empirique à partir des δ13C-COP de l’épilimnion (-34,6 ± 0,35h) et de l’hypolimnion (-32,2 ± 0,25 h) de Roche Genipa. Nous obtenons un δ13C-COP empirique de -32,6 ± 0,27 h. Le δ13C-COP réellement mesuré dans le fleuve en aval du barrage était de -33,5 ± 0,16 h, il est donc du même ordre de grandeur que le δ13C-COP empirique. De plus les apports par les affluents (débits = 15 - 36 m3 s−1, Dumestre (1998)) sont négligeables devant ceux du barrage (débits = 140 - 291 m3 s−1 en 2012 - 2013). Ainsi la matière organique du fleuve en aval du barrage

plus ou moins dégradée de la colonne d’eau du lac. Le δ13C-COP mesuré dans le fleuve est en moyenne légèrement plus appauvri en13C que l’empirique calculé à partir des pourcentages de Abril et al. (2005). Cet appauvrissement laisse supposer que les eaux de l’épilimnion ont un poids plus important que celui déterminé par Abril et al. (2005). Pour obtenir un δ13C-COP empirique égal à celui mesuré il faudrait que, dans le calcul, les eaux de l’épilimnion aient le même poids que celle de l’hypolimnion. Cependant les δ13C-COP de la station de Roche Genipa n’ont été mesurés qu’un mois sur deux alors que ceux de l’aval ont été mesurés pour chaque mois, de plus la station Roche Genipa n’a pas toujours pu être échantillonnée 2 semaines avant l’échantillonnage de l’aval du barrage or ce délai correspond au temps de transit des eaux de Roche Genipa au barrage. Ainsi la légère différence entre les δ13C-COP mesuré et calculé de manière empirique peut être due à un biais d’échantillonnage. Cet appauvrissement peut aussi être lié à une augmentation de la contribution des méthanotrophes au total de la biomasse, qui se développent sur des particules dans les eaux oxygénées et riches en CH4 du fleuve (de Angelis et Scranton, 1993; Abril et al., 2007; De Junet et al., 2009).

Figure 4.13 – Origine et état de dégradation de la matière organique du le fleuve en aval du barrage de Petit Saut.

La MO du fleuve provenant essentiellement des apports du lac de barrage et les apports par les affluents étant négligeables, l’augmentation de la concentration en COP observée entre 0,8 km et 36,5 km est due à l’effet de la marée dynamique (Annexe D) qui ralentit le transfert du carbone à l’Océan Atlantique (Amouroux, 2003). Les concentrations en MES élevées et les faibles teneurs en CO dans la MO mesurées dans l’estuaire du Sinnamary mettent en évidence une remise en suspension des sédiments de cette zone en raison des courants de marée. La MO en aval du barrage étant essentiellement sous l’influence des apports du barrage, l’enrichissement du δ13C-COP en 13C en Juillet 2013 (Figure 4.7 i) est donc uniquement lié aux apports du barrage. Sa signature isotopique était plus proche de celle de l’hypolimnion que de celle de l’épilimnion. Cependant cette augmentation ne peut pas être due à une augmentation des apports d’eau provenant de l’hypolimnion car les vannes de fond sont restées fermées

pendant la totalité de ce mois. Ainsi l’enrichissement du δ13C-COP en 13C de la MO en aval du barrage suggère un enrichissement du δ13C-COP en 13C dans l’ensemble de la colonne d’eau du lac. Le mois de Juillet correspond à un mois de la saison humide, il est donc assimilable au mois de Mai 2012 où la colonne d’eau de la zone pélagique a une faible stratification thermique en raison des pluies et des forts débits entrants. Les apports des rivières du bassin versant (δ13C-COP enrichi en 13C) sont donc importants pendant ce mois-ci et l’oxygénation d’une partie de l’hypolimnion stimule la dégradation de la matière organique et donc l’enrichissement en 13C du pool de COP (cf 4.1.2.5).