• Aucun résultat trouvé

4.3 Discussion

6.3.3 Contrôle redox de la dégradation de la MO

6.3.3.1 Des sédiments

La diminution des teneurs en CO et N avec la profondeur dans les sédiments met en évidence la dégradation de la MO des sédiments (Rullkötter, 2000) qui est source de COD, CO2, CH4, NO3 et NH+4 (Figure 6.5 a,b et c, Figure 6.6 a, Orem et al. (1986), Martens et al. (1992)). Dans les 5 premiers centimètres du sédiment de Bois Blanc, la dégradation de la MO a lieu principalement via la sulfato-réduction du SO2−4 (Scholten et al., 2002) synchrone de la réduction du Fe (III) (Figure 6.6 e, Figure 6.7 b). Entre 5 et 10 cm de profondeur, la sulfato-réduction se poursuit, elle est synchrone de la dénitrification du NO3 et des réductions du Mn (IV) et du Fe (III) (Figure 6.6 a et e, Figure 6.7 f et h). Sous 10 cm, la dégradation de la MO se poursuit via la dénitrification du NO3 et les réductions du Mn (IV) et du Fe (III). Dans les 5 premiers centimètres du sédiment de Crique Tigre, la dégradation de la MO a lieu principalement via la dénitrification du NO3 mais aussi via la sulfato-réduction du SO2−4 synchrone des réductions du Fe (III) et du Mn (IV) (Figure 6.6 f et j, Figure 6.7 f et h). Entre 5 et 10 cm, la dégradation de la MO se poursuit principalement via la dénitrification du NO3 et la réduction du Fer (III) synchrone de la réduction du Mn (IV). Sous 10 cm, la MO est essentiellement dégradée via les réductions du Fer (III) et du Mn (IV), le pool de NO3 et de SO2−4 a en effet été épuisé dans les 10 premiers centimètres du sédiment (Figure 6.6 f et j). Les variations verticales des concentrations des accepteurs d’électrons dans les carottes de sédiment du lac mettent en évidence une utilisation non séquentielle des accepteurs d’électrons (NO3, Mn (IV), Fe (III) et SO2−4 ) lors de la dégradation de la matière organique dans les sédiments contrairement à ce qui avait été mis en évidence par Froelich et al. (1979) (Figure 6.14). Jørgensen (1982) a montré que cette séquence dépend des concentrations des accepteurs d’électron. Ainsi, dans les 5 premiers centimètres, dans le sédiment de Crique Tigre, les fortes concentrations en NO3 favorise la dénitrification alors que, dans le sédiment de Bois Blanc, les fortes concentrations en SO2−4 et fer particulaire favorisent la sulfato-réduction et la réduction du Fe (III).

Dans les incubations de sédiment, l’augmentation des concentrations en fer et manganèse dissous dès les premières semaines confirme une utilisation non séquentielle des accepteurs d’électrons (NO3, Mn (IV), Fe (III) et SO2−4 ) lors de la dégradation de la MO dans les sédiments contrairement à ce qu’avait

mis en évidence Froelich et al. (1979). L’augmentation de la concentration en manganèse dissous étant plus lente que celle du fer dissous dans les incubations du sédiment de Crique Tigre, le fer semble être préférentiellement utilisé comme accepteur d’électron dans le sédiment de Crique Tigre, d’où l’augmen-tation de la concentration en fer dissous plus élevée que celle du manganèse dissous dans la carotte de Crique Tigre (Figure 6.7 f et h) (Figure 6.14). Il est difficile de conclure sur l’accepteur d’électron préférentiellement utilisé entre le fer et le manganèse dans le sédiment de Bois Blanc (Figure 6.14). En effet, dans les incubations de sédiment de Bois Blanc, la concentration en manganèse diminuait dès la deuxième semaine et celle du fer à partir de la septième semaine (Figure 6.8 j). D’après Vandieken et al. (2006) la libération du Mn2+ et du Fe2+ lors de la dégradation de la matière organique est masquée par d’autres réactions comme la précipitation, l’adsorption et l’oxydation chimique ainsi les taux de réduc-tion de ces deux métaux sont généralement sous estimés (Canfield et al., 1993; Thamdrup et Canfield, 1996; Glud et al., 2000; Thamdrup et al., 2000; Jensen et al., 2003).

Figure 6.14 – Schéma de la répartition verticale de l’origine de la MO et des processus ayant lieu lors de la dégradation de la MO dans les sédiments de Bois Blanc et Crique Tigre.

Dans les incubations de Crique Tigre la concentration en fer dissous a été divisée par plus de trois entre les semaines 7 et 8 (Figure 6.8 i). Cette chute de concentration peut être due à l’oxydation du fer avec comme accepteur d’électron le manganèse (Fe (II) + Mn (IV) → Fe (III) + Mn (II), Postma (1985); Myers et Nealson (1988); Lovley et Phillips (1988) et Lovley (1991)). Cette chute peut aussi être due à une adsorption du Fe (II) sur les sulfures (Thamdrup et al., 1994; Wallmann et al., 1993) ou une précipitation dans des carbonates (Berner, 1981; Aller et al., 1986; Rude et Aller, 1989). D’autres chutes ponctuelles de la concentrations en fer dissous ont été observées dans les incubations de sédiment de Crique Tigre, elles sont synchrones du pic de méthanogenèse (Figure 6.8), ainsi les différentes diminutions de la concentration en fer dissous peuvent être liées à une compétition pour le substrat entre les bactéries méthanogènes et les bactéries réductrices du fer (Lovley, 1991, 1995). Le pic de fer extractible à l’ascorbate observé à 2 cm de profondeur dans le sédiment de Crique Tigre peut être interprété comme la signature de la boucle d’oxydoréduction. La boucle d’oxydoréduction a été observée dans de nombreux lacs où le fond de la colonne d’eau est oxygénée (Robbins et Callender, 1975; Matisoff et al., 1981; Davison, 1982; Löfgren et Boström, 1989; Wersin et al., 1991; Hamilton-Taylor et Davison, 1995). D’après les profils d’oxygène

Tigre ait été occasionnellement oxygénée jusqu’au fond, le Fe2+ qui diffusait depuis le sédiment dans la colonne d’eau a été oxydé en Fe3+ qui a sédimenté.

6.3.3.2 Des troncs d’arbres ennoyés

Les incubations d’arbres mettent en évidence trois phases (Figure 6.9). La première phase (Semaines 0 à 7 inclues) peut être assimilée à une phase de réduction des principaux accepteurs d’électron, la seconde phase (Semaines 8 à 14 inclues) correspond au pic de CO2 et la troisième phase (> 15ème semaine inclue) se caractérise par une diminution des taux de production de CO2.

Figure 6.15 – Évolution temporelle de l’utilisation des accepteurs d’électron lors de la dégradation de la MO de la poudre de troncs d’arbre incubée en conditions anaérobies.

Dans les incubations d’Eperua falcata ennoyé et vivant, l’augmentation lente des concentrations en fer et manganèse dissous suggèrent que ce ne sont pas les principaux accepteurs d’électrons pendant cette phase (Figure 6.9 e et g, Figure 6.15). Pendant la seconde phase l’augmentation de la concentration en fer dissous est supérieure à celle de la première phase alors que celle du manganèse dissous est inférieure, le fer semble être l’un des principaux accepteurs d’électron lors de cette seconde phase (Figure 6.15). Dans les incubations de Sterculia foetida vivant (Figure 6.9 f et h), la réduction du fer (III) semble prévaloir sur celle du Mn (IV) pendant la première phase (Figure 6.15). Les concentrations en fer et en manganèse dissous variant peu pendant la seconde phase des incubations de Sterculia foetida vivant, d’autres accepteurs d’électron sont probablement utilisés (NO3, SO2−4 , Figure 6.15). Dans les incubations de Sterculia foetida ennoyé (Figure 6.9 f et h), la réduction du Mn (IV) semble prévaloir sur celle du Fer (III), celle du manganèse se poursuit plus lentement pendant la seconde phase, un autre accepteur d’électron semble donc aussi être utilisé à partir de la semaine 7 (Figure 6.15). Le fer et le manganèse étant utilisés dès les premières semaines d’incubation, l’utilisation des accepteurs d’électron lors de la dégradation de la MO de la poudre d’arbre n’est pas séquentielle (Figure 6.15). À l’exemple de sédiments, il est probable que l’utilisation des accepteurs d’électron soit fonction des concentrations de ces accepteurs (Jørgensen, 1982).

6.3.4 La MO des sédiments et la MO ennoyée en 1994 : des sources de carbone,