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2.1 Un concept anglo-saxon

2.1.1 Origine du Learning center

En traduisant mot à mot le concept de Learning center en français, on obtient l’expression « centre d’apprentissage ». Ce concept peut se démultiplier selon les contextes en learning

ressources centre150, learning commons151, information commons152, social learning space153,

148 Lieu d’apprentissage ou information commune

149 Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture 150

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Learning and innovation centre154. Au Québec, on parle de « carrefour d’apprentissage », et en France, Suzanne Jouguelet propose « centre de ressources pour l’information et la recherche ». Nous voyons que cette notion vit et évolue. Je me suis attachée dans le présent mémoire à n’utiliser dans mon propos que le terme américain d’origine de Learning center. Le vocabulaire appliqué à ce concept varie et décrit les fonctions que l’on souhaite attribuer au lieu : lien social, dimension spatiale, information, apprentissage, innovation. Toutes ces expressions mettent l’accent, sur « l’appropriation communautaire des connaissances »155 dans et au delà du lieu. Le mot « centre » est signifiant car le lieu se veut être « au cœur » de l’établissement d’enseignement, et a pour ambition de faire converger les ressources et les services. Suzanne Jouguelet conteste le fait que le Learning center a parfois été perçu, à tort, par les professionnels du monde de l’éducation, comme « le dernier concept à la mode, avec un côté gadget ou modèle unique plaqué »156. Actuellement les différents acteurs de la documentation se questionnent sur la dénomination du lieu. Pour Graham Bulpitt, le rejet du mot « bibliothèque » au profit d’un mot nouveau reste sujet à controverse 157. Toutefois l’idée n’est pas de rejeter le modèle actuel de bibliothèque mais de le prolonger. La bibliothèque n’est plus seulement un lieu de ressources mais aussi un lieu d’apprentissage, fonction principale mise en avant par le Learning center.

La diffusion du vocable Learning center est aujourd’hui assez faible en France. En effet, en analysant le catalogue du Système Universitaire de Documentation158 - catalogue collectif français réalisé par les bibliothèques et centres de documentation de l'enseignement supérieur et de la recherche - on observe que ce terme est quasiment absent de la littérature professionnelle. En interrogeant soit le terme Learning centre ou Learning center dans le titre, on recense à peine quelques dizaines de résultats cumulant tous les types de publications et quelques ouvrages francophones. La documentation présente décrit particulièrement la construction et le fonctionnement du Rolex Learning centre de Lausanne.

151 Centre de ressources communes d’apprentissage

152 Informations communes 153

Espace d’apprentissage social

154 Centre d’apprentissage et d’innovation

155 JOUGUELET, Suzanne. Les Learning centres : un modèle international de bibliothèque intégrée à

l’enseignement et à la recherche : rapport à madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, 2009.

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JOUGUELET, Suzanne. Journée d’étude – learning centres : vers un modèle à la française ? Média Rhônes Alpes, Lyon décembre 2010, p.1

157 BULPITT, Graham. « Le modèle du Learning Centre ». In BISBROUCK, Marie-Françoise (sous la dir. De).

Bibliothèques d’aujourd’hui : à la conquête de nouveaux espaces Edition du Cercle de la Librairie, 2010. p.66.

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La pierre angulaire du concept de Learning center se fonde sur l’articulation entre formation et documentation : « la porosité est grande entre temps pédagogique et temps documentaire – ce que les pratiques pédagogiques britanniques encouragent »159. En 2009, en France, le premier texte valorisant, et préconisant son introduction dans les bibliothèques françaises, est de Suzanne Jouguelet160. Cependant, Louis Timbal-Duclaux161 préconise déjà en 1986 cette « formule originale » de modèle de bibliothèque afin de modifier le fonctionnement des établissements scolaires de l’école à l’université en France. Dès 1970 aux Etats-Unis de petites universités américaines, surtout scientifiques, sans aucune renommée internationale, décident suite à un constat de lacunes dans les méthodes de travail (prendre des notes, savoir rechercher, mener une étude, composer un rapport, extraire les informations utiles des textes…) et le niveau faible en lettres, de créer un soutien auprès des étudiants. Un deuxième constat met en avant des services mal utilisés au sein des universités (bibliothèque, atelier audiovisuel, atelier de tirage…). Un nouveau lieu est créé, le Learning center, à vocation pédagogique et dirigé par un pédagogue. Cette nouvelle organisation eut un succès considérable et se répandit dans le monde anglo-saxon. La forme du Learning center diffère selon les choix des différents acteurs du projet. En général il regroupe toutes les ressources pédagogiques de l’établissement. Le rôle du responsable de ce centre est d’accueillir et renseigner les étudiants et les professeurs, et aider les élèves dans leurs méthodes de travail. Un tel système crée des passerelles entre les départements, entre professeurs, élèves et autres services de l’établissement. Le contexte scolaire des Etats-Unis est particulier étant donné que ce sont les Etats qui gèrent la politique éducative, l’administration et la fiscalité. Le corps professoral est très accessible. Le professeur joue le rôle d’animateur plutôt que de dispensateur d’un savoir dans cette pédagogie interactive. La participation, les questions et même les objections sont encouragées. En l’absence de pilotage par le ministère de l’Education nationale, la gouvernance des universités américaines s’effectue de façon décentralisée, et suivant le modèle de gestion des entreprises dans le privé, mais de plus en plus dans le secteur public également. Il en résulte une compétition acharnée et une pression constante pour de meilleures performances. En Angleterre, le système éducatif fonctionne

159 BERTRAND, Anne-Marie. Les bibliothèques. La Découverte, 2011. p.109

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JOUGUELET, Suzanne. Les Learning centres : un modèle international de bibliothèque intégrée à

l’enseignement et à la recherche : rapport à madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Op. cit.

161TIMBAL-DUCLAUX, Louis. « Les « learning centers » : une formule originale ». Communication et

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avec les Public school, écoles privées prestigieuses ayant un objectif de performance de l’éducation. En outre l’université est un lieu où l’on vit tout autant qu’un lieu où l’on travaille. C’est en 1970 que l’on accuse le système scolaire britannique de dispenser une éducation trop généraliste, bonne pour éduquer des citoyens, mais inadaptée à la formation de futurs travailleurs. Le gouvernement rend les écoles de plus en plus autonomes. Ainsi elles bénéficient de financements publics spécifiques et possèdent des sponsors privés. L’Université est sélective et se rapproche du monde de l’entreprise. Ce modèle novateur de

Learning center est un système à la recherche de la qualité. Louis Timbal-Duclaux explique

que ce système « permet aussi de faire fonctionner l’établissement d’enseignement comme une entreprise performante, une entreprise où les étudiants sortent avec une forte ’’valeur ajoutée’’ par rapport à leur niveau d’entrée… »162. Des objectifs de performance liés à l’entreprise sont donc fortement pris en compte dans ce système scolaire anglo-saxon.