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Ière PARTIE : LA CONSTRUCTION DE L’OBJET DANS SON CONTEXTE THEORIQUE, HISTORIQUE, SOCIAL ET PSYCHIQUE

1. er CHAPITRE Les contours épistémologique et théorique

2.3. Une orientation familiale du handicap

Nous avons vu comment le handicap s’est constitué par l’imaginaire social pour créer une catégorie d’individus à part. Cependant, l’organisation collective de la gestion du handicap s’est déplacée vers une gestion familiale sous l’effet conjugué de la responsabilité individuelle des parents et des affects liés à l’enfance. C’est ce que nous allons voir maintenant.

Je vais montrer que le sentiment de responsabilité du parent d'enfant handicapé émerge de la notion moderne de responsabilité qui repose sur le double aspect des droits et des devoirs. Une famille basée essentiellement sur les droits du père depuis l’Antiquité a pris progressivement corps sous la responsabilité des deux parents.

Nous verrons que la famille, institution capable de s’adapter aux évolutions de la société, puissante composante sociale, enjeu des politiques publiques pour ses effets stabilisateurs ne peut jouer ce rôle qu’avec l’évolution des affects parentaux et la place centrale que prend l’enfant au sein de la famille.

2.3.1. La famille, lieu d’exercice de la responsabilité

Instruire un point de vue sur la famille ne peut être que partiel. La famille a été explorée comme le lieu d'affrontements idéologiques, pilier naturel ou miroir du fonctionnement de la société ou comme la domination du pouvoir patriarcal. Celui défendu ici, considère la famille comme la création imaginaire d'une société, figure du social-historique, qui évolue, prend de multiples facettes, perméable aux significations qui la modèlent.

Parmi celles-ci, nous verrons que la responsabilité traverse la famille, désignant les parents comme les acteurs principaux de cette responsabilité qui les engage au-delà de leur parentalité. Nous montrerons que la responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants s’est progressivement instaurée et instituée dans l’imaginaire social comme une fonction naturelle. Avec la représentation d’une famille responsable de ses enfants, intériorisée par les parents, celle-ci devient alors un puissant vecteur des politiques publiques et économiques.

Nous verrons que « la bonne mère » et « les bons parents » font partie de l’imaginaire social de nos sociétés. Ces représentations nourrissent une conception de la famille et du rôle des parents : l’élevage des enfants leur revient en toute responsabilité. Redonner à cette signification sa place dans l’imaginaire nous permettra de problématiser les enjeux psychiques lorsque cette parentalité s’adresse à un enfant handicapé.

2.3.2. La responsabilité s’individualise

2.3.2.1. Emergence de la responsabilité individuelle

La notion de responsabilité, telle qu’elle apparaît aujourd’hui dans le droit occidental était absente dans la Rome antique. La responsabilité pénale se confondait avec la responsabilité civile. Il existait bien des formes de réparation, à finalité punitive ou indemnitaire, mais elles reposaient sur une approche casuistique, à partir de délits spéciaux et sans principe général. Le terme même de responsabilité n’existait pas « Le mot responsabilité qui a tant de succès

dans la doctrine juridique moderne, manque en droit romain. Il n'apparaît dans les langues européennes qu'à la fin du 18ème siècle et sa vraie carrière ne commence qu'au suivant »

(Villey, in Desbons et Ruby, 2004, p. 26)

La culture du moyen âge impliquait une autorité supérieure, Dieu, qui déterminait l'action des hommes. La notion de responsabilité moderne marque une rupture avec cette conception: l'homme n'obéit plus dans ses actes à une volonté transcendante, il est engagé à agir sur le monde et avec les autres (Desbons et Ruby, 2004). Il peut se déclarer l'auteur de ce qu'il accomplit, l'excuse du péché ou de la tentation du diable ne vient plus le dédouaner.

Un courant philosophique se développe sur cette idée (Montesquieu, 1689-1755, soixante neuvième des Lettres Persanes, Leibniz 1646-1716, Théodicée, cités par Desbons et Ruby,

2004). La notion de liberté individuelle est contingente de cette période. Elle est nécessaire pour que l'homme puisse être responsable. Un sujet souverain de lui-même émerge ainsi avec force. Le droit s'en empare pour qualifier et asseoir dans nos sociétés cette notion de responsabilité individuelle. La responsabilité s’étend au XIXe siècle aux notions de risque et de garantie avec la révolution industrielle.

La responsabilité s’est progressivement déployée dans les différents domaines de nos de notre société : la famille, l’entreprise, la politique. Civile ou pénale selon qu’elle concerne un risque ou une infraction, la responsabilité individuelle est recherchée pour obtenir une réparation ou infliger une sanction.

La responsabilité est de l’ordre de l’institué. Elle pérennise l’ordre social établi. La responsabilité est un facteur de stabilité des sociétés, notamment la responsabilité parentale. Si la famille évolue, la responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants demeure.

2.3.2.2. La double facette de la responsabilité

La responsabilité comprend deux facettes. Le responsable est celui qui possède la qualité de prendre des décisions par rapport aux actions qu’il entreprend ou à celles de ceux dont il a la garde. Cette notion qui provient du droit romain, à traversé l’Ancien droit. Le pater familias grec avait droit de vie et de mort sur sa progéniture, droit qui s’est poursuivi avec les lettres de cachet : un père pouvait envoyer en prison l’un de ses enfants.

Le responsable est également celui qui doit répondre, être garant des ses propres actions, de celles et des choses dont il a la garde. Ce second aspect de la responsabilité s’est développé progressivement depuis un peu plus de deux siècles. La responsabilité d’un parent vis-à-vis de ses enfants articule ces deux facettes indissociables, « pouvoir et obligation peuvent… se

comprendre comme les deux faces d’une même et seule médaille » (Quentel, 2001, p. 28).

Le code civil introduit en 1804 un principe général de responsabilité du fait personnel, son article 1382 stipule que « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage

oblige celui pour laquelle la faute est arrivée à le réparer », marquant une rupture par

rapport aux systèmes qui ont influencé l’ancien droit.

Il n’y a pas de droits sans devoirs. La formule est passée dans le langage commun, liant les deux facettes de la responsabilité. Les intitulés des déclarations de 1793 et de 1795 qui introduisent nos constitutions expriment l’évolution de la responsabilité. Alors que la déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1793 ne mentionne que les droits, la déclarations des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen de 1795 y ajoute des devoirs. Ces derniers sont la contrepartie des droits du citoyen. Les droits ouvrent à des devoirs correspondants. La responsabilité individuelle qui est au cœur du droit moderne comprend cette double facette exprimée dans la Constitution de 1795.

L’article 4 de la déclaration du 5 Fructidor an III (22 août 1795) pose la famille au service du lien social, et affirme les qualités indispensables aux parents « Nul n’est bon citoyen, s’il

n’est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux ». La constitution prend appui sur la

morale pour faire tenir ensemble ces deux aspects de la responsabilité.

2.3.2.3. La responsabilisation : une prise de pouvoir sur l’autre

Max Weber (2012) distingue l’éthique de la responsabilité, suivant laquelle « Nous devons

répondre des conséquences prévisibles de nos actes », de l’éthique de conviction dont le

partisan « ne se sentira responsable que de la nécessité de veiller sur la flamme de la pure

doctrine ». C’est l’éthique de responsabilité qui est engagée lorsqu’un individu confie une

tâche à un autre individu ou un groupe d’individus, en les rendant responsables des conséquences de leurs actes.

L’attribution d’une responsabilité par un individu à un autre procure au premier un pouvoir sur le second. Morales La mura énonce ainsi :

« Pour Friedrich Nietzsche, la responsabilité n’appartient pas à l’être comme une

propriété naturelle, comme un don divin, mais elle serait le fait d‘une construction sociale, de l’incroyable rectification que la société impose à l’homme pour obtenir de lui la régularité, la discipline du devoir, l’aptitude à répondre de sa personne, tendant à le pénétrer de la morale et établissant par elle sa dépendance…. Deux facteurs sont donc présents dans la responsabilité. Le premier est qu’il faut quelqu’un qui souhaite être reconnu responsable… le second est qu’il faut une autorité, reconnue légitime par celui qui a exprimé le souhait pour qu’il se sente obligé d’avoir à lui répondre…. La responsabilisation n’appartient pas au processus de responsabilité, au processus qui mène l’individu à être souverain de ses actes ; elle place ce dernier indéfiniment dans une posture de potentialité incertaine, elle est son opposé perpendiculaire…. La volonté de responsabilisation, c’est un acte de légitimation unidirectionnel profondément déséquilibré qui exprime et perpétue les rapports de domination entre celui qui a autorité et celui qui, par son action, le lui reconnaît ». (Morales La Mura, 2003, p. 103-104)

La responsabilisation est ce rapport de pouvoir qui soumet et contrôle l’autre. La responsabilisation des parents à l’égard de leurs enfants par les pouvoirs publics procède de ce processus. Le contrat de responsabilité parentale de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 illustre la pression financière sur les parents. Le président du conseil général peut suspendre le versement des prestations familiales aux parents qui n’exercent pas les devoirs que confère leur responsabilité parentale.

L’art. 48, Titre III, indique « En cas d’absentéisme scolaire….. ou de toute autre difficulté

liée à une carence de l’autorité parentale, le président du conseil général… propose aux parents un contrat de responsabilité parentale… qui rappelle les obligations des titulaires de l’autorité parentale… Lorsqu’il constate que les obligations incombant aux parents… n’ont pas été respectées…. Le président du conseil général peut…. Demander la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l’enfant… » Si les parents

reviennent à de meilleures dispositions, la sanction sera levée. L’art. 49 poursuit « Dès que le

leurs étaient imposées…. il en informe l’organisme débiteur…. Afin qu’il rétablisse le versement des prestations suspendues… ». Les populations financièrement défavorisées sont

visées par ces dispositifs pour les soumettre aux dispositions morales d’éducation de leurs enfants.

La responsabilisation n’a pas toujours besoin de la loi et de sanctions financières à l’égard des parents. Les significations instituées par la morale, le contrôle de la société sous la forme de regards désapprobateurs et, si nécessaire l’intervention du travail social, sont souvent suffisants pour convaincre les parents d’un enfant handicapé que leur devoir s’impose. La sanction sociale remplace la sanction financière, « l’éthique » de responsabilité, la morale. Un individu qui se sent coupable d’avoir un enfant handicapé agit comme responsable des conséquences des actes dont il se sent fautif. Nous comprenons alors que le sentiment de culpabilité fait agir selon l’éthique de responsabilité : j’assume les conséquences de ma faute d’avoir engendré un enfant handicapé.

2.3.3. La responsabilisation de la famille comme moyen de contrôle social

Nous allons voir comment un imaginaire de la responsabilité individuelle se répand dans la famille, faisant des parents les responsables de leurs enfants.

Nous allons en retracer les multiples enjeux sous l’aulne d’un individu soumis à son propre jugement et avec la famille comme moyen de contrôle social.

2.3.3.1. La famille, enjeu de pouvoir entre l’Etat et le clergé

Le pouvoir sur l’institution familiale est un enjeu important sur l’ensemble de la société. Au Moyen Age, la famille apparaissait déjà comme un moyen de contrôle social. Elle a longtemps été un objet de pouvoir entre l'Etat et l'Eglise.

Au XIe siècle, le mariage était religieux, l’Eglise avait l’exclusivité pour légiférer sur ce contrat. Le mariage prend place parmi les sacrements au XIIe siècle. A partir du XVIe siècle, la monarchie cherche à prendre le pouvoir sur la famille et commence à s’intéresser au mariage comme moyen de contrôle social. La monarchie s’appuyait sur l’institution familiale pour asseoir son autorité, faisant des parents le relais de son pouvoir. La monarchie revendique le rôle de l’Etat à qui il appartient à « de contrôler les mariages, dans l’intérêt du

lignage et de l’ordre social tout entier » (Théry, 1993, p. 31).

Les conflits entre l’Eglise qui s’alléguait la conservation de l’autorité directe sur le mariage et l’Etat qui voulait la lui prendre apparaissent. L'Edit royal de 1556 déclarait illicite le mariage de mineurs sans le consentement de leurs parents alors que le sacrement catholique du mariage le validait. (Concile du 11 novembre 1563).

L’Etat et l’Eglise vont trouver un compromis « A l’Eglise le sacrement, à l’Etat le contrat…

dans une alliance conflictuelle qui s’affirme au Concile de Trente. … les deux puissances poursuivent un même objet… mettre de l’ordre et affermir leur contrôle sur des pratiques

qui leur échappent encore largement » (idem, p. 32). Un consensus entre les catholiques, les

protestants et l’Etat depuis le XVIe siècle s’est progressivement mis en place. Un pouvoir conjoint sur la famille accordait au père le pouvoir à l'intérieur de la famille (ministre du culte chez les protestants, reflet de l'autorité de Dieu chez les catholiques) tout en le contrôlant (répression de l'infanticide en 1556 par l'Edit de Henri II).

Domat entreprend en 1683 un traité des lois, « sorte de discours de la méthode scientifique

qui soit une synthèse de la conception chrétienne du droit » (idem, p. 33). Il s’agit de repérer

la filiation et ses conséquences économiques et d’encadrer juridiquement « les engagements

des parentés et des alliances, qui sont la suite du mariage et des naissances… et toutes autres sortes d’engagements… les différents usages des arts, des emplois et des professions… selon les besoins de la vie… soit par des communications gratuites, soit par des commerces » (Domat, cité par Théry, 2001, p. 34).

La transmission des biens est au cœur de la famille. Le contrôle de la filiation est ordonné par les besoins de la transmission des biens matériels. Nous verrons plus loin qu’un second aspect de la transmission, non pas matériel mais existentiel, a ensuite pris davantage d’importance, notamment par la perte du sentiment religieux qui place l’homme en lien direct avec sa descendance.

Le rapprochement entre l’Eglise et l’Etat pour asseoir leurs pouvoirs conjoints sur la famille est toujours d’actualité. Plus d’un siècle après la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat, ces deux institutions poursuivent leur action commune pour une morale et une responsabilisation de la famille.

2.3.3.2. La responsabilité familiale naturalisée par les philosophes

Kant (1994), dans la Métaphysique des mœurs II, Doctrine du droit, publié en 1797, s’appuie sur une argumentation naturaliste qui oblige les parents à l’égard de leurs enfants. Ces derniers ont un « droit originaire inné à bénéficier de l'assistance de leurs parents jusqu'à ce

qu'ils soient capables de se conserver eux-mêmes » (1994, p.82). Il poursuit par le devoir

des parents « de conservation et d'assistance » vis-à-vis de leurs « produits ». Il leur est interdit de détruire « leur ouvrage » et de l'abandonner au « hasard » (idem p. 83), l'enfant étant un citoyen du monde. Droits pour les enfants et devoirs pour les parents « de prendre

en main et de former l'enfant aussi longtemps qu'il n'est pas capable de faire un usage personnel… de son entendement » (ibid.). De ce devoir de formateur de l’enfant découle

l'autorité nécessaire à cette relation fortement complémentaire.

L’assimilation de la personne de l'enfant à un produit lui ôte de fait la liberté. L’acte de procréer appartient aux parents et les engage à satisfaire les enfants de la condition qui est la leur.

Les aspects moraux d’une responsabilité non mise en œuvre marquent la faute des parents. Nourrir et éduquer les enfants relèvent de la responsabilité morale des parents et préviennent d'éventuelles négligences.

La portée de ces préceptes pour l'éducation d’enfants handicapés mentaux qui n’acquièrent jamais leur entendement lie à vie les parents à leurs enfants.

La philosophie Kantienne montre comment, à partir de la procréation, élément naturel, une signification imaginaire prend place. Ce n'est plus la religion moyenâgeuse omniprésente qui régule de l'extérieur les mœurs. La morale pénètre les individus et s'installe comme agent de contrôle interne. Ce mouvement se réalise par un système de représentations. Celles-ci posent comme naturelle l'éducation des enfants par leurs parents et introduit la notion de responsabilité individuelle et de faute. Un imaginaire se superpose à un autre. La responsabilité individuelle remplace les injonctions de Dieu.

2.3.3.3. La famille au service de l’industrie naissante

Avec la fin de l'ancien régime nous passons, d'un gouvernement de la famille à un gouvernement par la famille (Donzelot, 2005). Les mécanismes d'intégration sociale sont alors ancrés dans la famille. Cette stratégie correspond à deux impératifs : les exigences normatives – éducation des enfants, régulation par le mariage, et l'adaptation des comportements économico-moraux au service du capitalisme. Le capitalisme naissant va introduire la bonne mère au foyer, garante de l’élevage des enfants et de la religion.

Alors qu’au XVIIIe siècle, la norme était d’envoyer ses enfants chez des nourrices à la campagne, y compris pour les domestiques des maisons bourgeoises, afin qu’elles soient disponibles pour leur travail, le XIXe siècle a besoin des hommes dans les usines. La famille va se réorganiser pour répondre à ces nouveaux besoins. Les débuts de l’industrialisation nécessitent un apport important de main-d’œuvre. « La mortalité infantile, acceptée jusque-

là avec résignation comme soumission à la volonté divine, commence à être dénoncée comme un gaspillage scandaleux » (Knibiehler, 2002, p. 2). Afin de remédier à cette

déperdition, l’économie industrielle et capitaliste naissante va prendre appui sur

« L’invention de la bonne mère » (Knibiehler, 2004, p. 59). Le parent responsable comme

signification sociale et psychique va ramener les ouvriers au foyer.

Les Lumières avaient promu la signification maternelle qui glorifie l’idéal de l’amour maternel et de la mère au foyer. Celle-ci, « en aménageant un logis agréable…retiendrait

son mari et ses fils loin du cabaret et des agitateurs socialistes » (Knibiehler, 2002, p. 3).

Les ouvriers allaient boire leur salaire dans les tavernes et n’étaient pas réguliers au travail. La famille allait les stabiliser.

Des représentations sont délaissées au profit de nouvelles, pour répondre aux besoins de l’industrie naissante et de la nouvelle économie. Les entreprises familiales se sont raréfiées. Le père travaille dans les entreprises industrielles, s’éloignant de l’éducation des enfants. La mère est restée au foyer pour s’occuper de la vie domestique et des enfants. «De la bonne

mère, on attendait beaucoup… le centre de gravité de la vie familiale s’est déplacé de son côté » (Knibiehler, 2000, p. 70). Une représentation de la mauvaise mère se met en place,

La famille contemporaine s’est constituée à partir de ces représentations. Le bon parent s’est généralisé sur une représentation naturelle de son rôle. Les parents élèvent leurs enfants, le contraire apparaîtrait comme inconvenant. Les représentations du bon père évoluent vers ce père « moderne » qui consacre du temps à ses enfants. La psychologisation des rôles a renforcé le bon père, celui qui « pose l’interdit », fait « tiers dans la relation entre la mère et l’enfant ».

Dans les années 1970, l’industrie a eu besoin de main d’œuvre supplémentaire. A l’instar des débuts de l’industrialisation qui a promu la mère au foyer, on a fait appel à la mère affranchie. Les mouvements d’émancipation des femmes ont servi (et vice versa) la représentation d’une femme indépendante qui travaille en dehors du foyer familial. L’émancipation de la femme servait la société marchande qui avait besoin de bras. La famille ne lui retirait pas son rôle, la double journée devenant le lot quotidien de nombreuses femmes.

L’imaginaire radical produit un sujet s’émancipant. Cependant, le libéralisme économique et l’institution familiale n’ont de cesse de convoiter ce sujet afin de le dévoyer à leurs propres