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Une organisation préopératoire aléatoire

3.2. Une stratégie thérapeutique délicate à mettre en œuvre

3.2.2. Une organisation préopératoire aléatoire

Il paraît clair, après ceci, que le travail en unités de soins est difficile, et que des répercussions néfastes en termes de qualité peuvent intervenir sur l’anxiolyse pharmacologique. Pour autant, les problèmes ne sont pas seulement situés à ce niveau. En effet, je vais démontrer qu’un défaut de gestion, que ce soit en termes de programmation opératoire qu’en termes de flux de patients, existe aussi au sein du bloc opératoire et engendre les mêmes conséquences.

3.2.2.1. Une visite préanesthésique mise de côté

Je l’ai mis en évidence dans la première partie de ce travail, l’organisation anesthésique est de nos jours un processus bien rôdé, et doit comporter diverses étapes dans un ordre précis211. Mais qu’en est-il réellement sur le terrain ?

Tout d’abord, la visite préanesthésique ne se déroule systématiquement la veille de l’intervention chirurgicale que d’après 28 % de la population sondée, avec un écart important entre la vision des I.D.E. (21,82 %) et des I.A.D.E. (40 %), soit quasiment du simple au double212 ! Je pense que ces derniers ont une vision surfaite de celle-ci, c’est la raison pour laquelle un gradient si fort est présent, c’est aussi pourquoi j’attache plus

210 ACKER F., Les reconfigurations du travail infirmier à l’hôpital, [en ligne], Janvier 2005, [31 Mars 2009], article disponible sur http://www.sante.gouv.fr.

211 « Un processus qualitatif concernant la gestion du stress préopératoire : l’organisation anesthésique », p.

34 à 42.

212 Graphique 19 p. 86.

de valeur à la réponse des I.D.E. de services pour cette question. En effet, ils sont les mieux placés pour voir si oui ou non un M.A.R. rend visite au patient la veille de l’intervention chirurgicale.

De surcroît, tout ceci est corroboré par le fait que, selon près de 18 % des I.D.E., cette visite préanesthésique est rarement effectuée la veille, et d’un point de vue global, elle ne l’est fréquemment que d’après 47 % des personnes interrogées, soit moins d’une sur deux213 ! Ce point de vue est très intéressant car il met en lumière un paradoxe : alors que l’on sait qu’un pic d’anxiété existe à J-1214, celui-ci est pourtant négligé puisque cette visite n’a pas forcément lieu la veille. Par ailleurs, celle-ci doit permettre, en théorie, de diminuer le nombre d’interventions annulées et améliorer l’organisation opératoire215. On se doute bien qu’en l’absence de visite, ceci est bien compromis et a potentiellement une influence néfaste sur la qualité de la prémédication anxiolytique, puisque le M.A.R.

ne l’aura pas forcément prescrite, et n’aura pas stipulé non plus le moment d’administration…

3.2.2.2. Un programme opératoire opaque

Le programme opératoire est lui aussi un élément capital, il est un excellent reflet du fonctionnement d’une structure hospitalière216. Pour autant, il ressort de mo n enquête d’importantes difficultés quant à son accès et à son respect.

Tout d’abord, sa disponibilité n’est pas parfaite, loin de là. En effet, elle ne l’est systématiquement que dans deux tiers des cas, selon les sondés217, avec des résultats similaires entre les deux catégories de soignants. Ces chiffres peuvent donc être

Florian Massacrier Ecole IADE Lyon Promotion 2007-2009

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cela est conforté par le fait que plus de 7% des I.D.E. ne le trouve que « parfois » en unité de soins, et « souvent » pour seulement un cinquième de la population.

En second lieu, le non respect du programme préétabli est aussi un problème . Ainsi, selon 13 % des I.A.D.E., présents au bloc opératoire, il n’est jamais respecté, alors que 23,33 % d’entre eux pensent qu’il l’est « parfois ». Par ailleurs, et ceci est un signe fort, son respect « systématique » n’est absolument pas obtenu218 ! Par conséquent, no us pointons là, un dysfonctionnement majeur de l’organisation préopératoire. En effet, la programmation « doit être faite conjointement par l’opérateur et l’anesthésiste d’après les termes du décret, ce qui signifie que les conditions de réalisation de l’intervention soient effectivement réunies aussi bien du côté chirurgical que du côté anesthésique (…) l’établissement du programme doit être conforme au modèle décidé dans le cas de la charte de bloc. Il est prévisionnel pour la semaine et réajusté tous les jours selon divers impératifs. Sa publication intervient en milieu d’après midi. Il ne peut être modifié sans avis des différents partenaires »219.

Or, nous avons mesuré que ceci n’est pas réalisé en pratique. Certes, est évoquée comme circonstance atténuante une proportion plus ou moins importante d’interventions réalisées en urgence. On appelle « urgence » une intervention du jour J non connue du jour J-1 et traitée en journée en provenance du service des urgences ou non220. Elles représentent 15 % des interventions en moyenne toutes spécialités chirurgicales confondues221, ce taux pouvant grimper jusqu’à 40 % pour la spécialité neurochirurgicale222, néanmoins ce non respect récurrent ne peut totalement être expliqué par ces situations. En tout cas, celles-ci ne justifient en rien la difficulté d’accès au programme opératoire ou l’absence totale de respect de celui-ci, comme nous avons pu le constater dans le paragraphe précédent.

Par conséquent, alors que le planning opératoire doit être considéré comme un outil de travail (car servant à la planification des soins), comment peut-on le suivre et

218 Graphique 21 p. 88.

219 MARTY J., BONNET F., CORDA B., ETTORI F., HOLTZER S., LAGNEAU F., LE CORRE F., PLAUD B., SAMAIN E., VINH M.P., Op. Cit. p. 107.

220 M.E.A.H., Gestion et organisation des blocs opératoires dans les hôpitaux et cliniques, [en ligne], 2004, [31 Mars 2009], rapport disponible sur http://www.meah.sante.gouv.fr.

221 MARTY J., BONNET F., CORDA B., ETTORI F., HOLTZER S., LAGNEAU F., LE CORRE F., PLAUD B., SAMAIN E., VINH M.P., Op. Cit. p. 107.

222 MAUREL D., Neurochirurgie, Paris, Estem, 2006, p. 3.

comment peut on obtenir une prise en charge de qualité sans l’avoir à disposition ? Comment peut-on prévoir les heures effectives de départ au bloc opératoire ? Tout ceci est à l’origine de troubles sérieux quant à la gestion des flux de patients et est préjudiciable pour prévoir l’heure d’administration idéale de la prémédication anxiolytique.

3.2.2.3. Une gestion archaïque des flux de patients

Il paraît évident qu’un programme opératoire peu disponible et finalement peu respecté engendre des perturbations quant à la fluidité du circuit patient. Ceci est encore aggravé par les moyens de communications actuellement utilisés entre les blocs opératoires et les unités d’hospitalisation chirurgicales. En effet, à l’heure ou le monde devient de plus en plus virtuel et ou les échanges se font majoritairement par informatique grâce à l’essor d’internet, il persiste à l’opposé un mode de transmissions quasi féodal utilisé à l’hôpital. J’en veux pour preuve les moyens de communications utilisés par les soignants pour connaître l’avancement du programme opératoire et, par conséquent, pour connaître le moment idéal pour prémédiquer les patients.

Tout d’abord, ils sont représentés essentiellement par l’utilisation du téléphone et par la prévision d’horaires planifiés à l’avance223, avec les bémols que l’on peut émettre à leur encontre. Ainsi, anticiper une heure théorique de prémédication et de passage au bloc opératoire (réponse émise par 60 % des soignants) relève, dans la

224 « Posologies et cinétiques des différents produits », p. 46 à 48.

Florian Massacrier engendré par des horaires imprécis. C’est la raison pour laquelle, pour limiter ces aléas, plus de 40 % des personnes sondées ont couplé leur réponse, en stipulant que les horaires prédéfinis à l’avance étaient complétés par un appel téléphonique en provenance du bloc opératoire225.

Enfin, et ceci est assez démonstratif, nous savons qu’une gestion informatique des flux de patient existe, aucune réponse n’a montré l’utilisation de logiciels permettant de suivre l’activité opératoire en temps réel. Les blocs opératoires des spécialités cardiovasculaire et neurochirurgicale des C.H.U. enquêtés n’ont donc visiblement pas cet outil, ce qui est bien évidemment dommageable. En effet, « de nombreux auteurs traitant de la problématique du bloc opératoire s’accordent à dire que ce dernier constitue le secteur le plus important et le plus coûteux dans la majorité des hôpitaux (…) les activités du bloc opératoire représentent plus de 10 % du budget de l’hôpital (…). De plus, étant donné les nombreux aléas (…) le nombre élevé d’acteurs, la difficulté de standardisation et de coordination des interventions chirurgicales, ce service est également le plus complexe à gérer et à planifier »226. Ainsi, un point clé permettant une gestion plus efficace est la « connaissance précise de la durée d’un acte donné dans la structure considérée (…). Une fois que le temps opératoire est défini et optimisé avec un timing précis du parcours du patient dans une institution donnée, il est nécessaire de vérifier par un suivi permanent le respect des délais (système d’assurance qualité). La détermination des temps précis permet par rapport au programme prévisionnel de positionner les interventions dans les plages horaires disponibles »227. D’ailleurs, différents travaux réalisés dans les pays anglo-saxons mettent en évidence l’avantage de connaître la durée d’une intervention donnée228. Par conséquent, ces exemples montre nt bien la plus value accordée par une gestion optimale du temps, ceci étant grandement

225 Graphique 24 p. 91.

226 MESKENS N., RIANE F., La libre entreprise, Les Hôpitaux face à des défis majeurs, 28 juillet 2007, p. 7.

227 MARTY J., BONNET F., CORDA B., ETTORI F., HOLTZER S., LAGNEAU F., LE CORRE F., PLAUD B., SAMAIN E., VINH M.P., Op. Cit. p. 107.

228 DEXTER F., MACARIO A., TRAUB R.D., Anesthesiology, Which algorithm for scheduling add-on elective cases maximizes operating room utilization ? Use of bin packing algorithms and fuzzy constraints in operating room management, Volume 91, Mai 1999, p. 1491 à 1500.

facilité par différents logiciels actuellement disponibles (QBLOC229, CliMCO SANTE230…). Autrement dit, on se rend bien compte que les établissements de soins qui en sont dépourvus sont grandement pénalisés, aussi bien en termes de gestion de flux de patients qu’en termes de prévisions opératoires. Par conséquent, ceci aura forcément une incidence négative sur la qualité de la prémédication anxiolytique puisqu’elle sera soumise à des aléas et à des moments d’administration différés plus nombreux.