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2.2 – Organisation de l’espace à l’échelle de la région

Nous avons vu qu’au niveau des terroirs villageois, l’homme participe à la construction du paysage agraire de plusieurs manières, à travers des actions directes et indirectes. Ces processus sont particulièrement sévères dans nos régions d’étude, où la migration humaine a entraîné des changements majeurs dans l'occupation du sol. A ceux-là viennent s’ajouter les changements climatiques, et en tout état de cause, il n’y existe plus de milieux véritablement naturels, c’est-à-dire des milieux qui ne portent pas la marque de l’homme (Réounodji, 2005), en dehors de la Forêt Classée qui est déjà même largement entamée. La thématique globale de recherche s’intéresse à la fois aux zones d’agriculture et d’élevage et à la forêt, ce qui impose de faire la part entre les champs agricoles, les ressources pastorales et les formations végétales ligneuses au travers de la caractérisation de plusieurs types et sous-types d’occupation du sol. Nous ne reviendrons pas ici sur l’impossibilité d’individualiser les espaces pastoraux déjà signalés, et seuls les espaces cultivés, les zones en jachère, et la forêt ont été distingués visuellement sur les images.

Pour appréhender cette structuration de l’espace à l’échelle régionale, nous nous sommes intéressés à l’évolution du paysage à l’échelle de notre zone d’étude en général et celle de la Forêt Classée de Yamba Berté en particulier.

2.2.1 – Dynamique du paysage à l’échelle de la zone d’étude

L’observation de certains processus environnementaux ou sociaux nécessite des temps très longs pour que l’observateur puisse percevoir des modifications remarquables des indicateurs (Réounodji 2004). Pour cette raison, notre pas de temps de 15 ans (1986 et 2001) retenu pour la présente étude ne permet pas de bien appréhender, dans leurs différentes phases, les changements inscrits au cours du temps dans les paysages agraires de la région, même si les modifications affectant les systèmes de production peuvent être rapides. Pour cette raison, pour tenter de reconstituer et de donner des indications générales sur l’évolution du milieu naturel à l’échelle de la zone de notre

étude, nous avons eu recours à l’histoire agraire, reconstituée à partir des témoignages des anciens. Cela nous a permis de faire un rapprochement avec le milieu végétal décrit par les paysans et celui que nous présente la carte.

L’analyse croisée des deux types de données permet de conclure que la tendance générale est à la progression des terres cultivées et à la réduction du couvert arboré. Cependant, cette dynamique ne remet pas en cause - du moins pour l’instant - le développement du pastoralisme. Mais elle laisse présager qu’à ce rythme, si rien n’est fait, elle peut constituer à terme une contrainte majeure pour les activités pastorales et surtout augmenter la concurrence autour des espaces-ressources.

Figure 18 : Evolution du paysage entre 1986 et 2001 de la zone de notre étude

Ces supports cartographiques ont certes fourni des éléments d’appréciation importants sur les niveaux d’occupation du sol et de la mise en valeur de l’espace. Cette proportion qui semble importante est loin de traduire parfaitement la réalité, mais indique la tendance générale. Nombreuses modifications relatées par les acteurs locaux ne sont pas visibles dans leur intégralité sur les images satellitaires à cette échelle régionale alors qu’elles le sont mieux sur les photos aériennes, à une échelle plus grande, comme celle de la Forêt Classée de Yamba Berté.

2.2.2- Dynamique de la végétation dans la Forêt Classée de Yamba Berté

L’image Spot nous donne une représentation de l’occupation récente de l’espace à l’échelle de la Forêt Classée de Yamba Berté région, et met en évidence la dégradation de la végétation de cet espace-ressource (Figure 19).

Vilagel

Culture LEGENDE Forêt Limites de la forêt Piste Route principale La Kabia 0 3,5 7 Kilomètres Kordo Ngara Laoundoul Ngaraboubou Kordolal Kag-Ninga

Méndouba Lao Nangara Laoboulmadjé Koumoutalla Petit Kordo Marba Kordo 1 Bélé Vanza Bélé Yansou Nguété 3 Nguété 2 Nguété 1 Djokdi Goye Mango N'Djiket Sorga Barou Lingmatna 1 Bélé Darem Bélé Bokoli Pont Carol Lingmatna 2 Yam ba Malloum Yass anda Domo Mbaïra Djifidi Kakou 2 Berté Djoum a Kéni Bérem Vaïzoum Mari Lala L'herdéou Mboukipala Yamba Tchangsou Goula Marba Kordo 2 Djoïla Kakou 3 Baïra Vouzoulna Kassing Baouna Mbaïbakla Yam boula Man-goto Gounougali Nourou Goloum Kakou 1 Kakou 4 Pont 2 Daouli Gol Gonkaria Mbio Pala Oua

Figure 19: L’action anthropique sur la forêt de Yamba Berté

La forte densité d’occupation au Nord et à l’Est de la forêt classée est bien marquée, alors que cette région était pratiquement inhabitée il y a une cinquantaine d’année. Si au Sud de la forêt classée, il existe encore des espaces non mis en valeur, tous les territoires

villageois apparaissent joints dans le Nord, ce qui s’explique par le passage de la route nationale qui a créé une dynamique sur le plan socio-économique (sécurité, création des marchés, création des infrastructures socio-éducatives, etc.). La partie Sud de la forêt, qui devrait servir de zone des pâturages, est devenue le lieu de refuge des coupeurs de routes et de ce fait est inaccessible aux pasteurs.

2.2.2- Evolution du paysage autour de la forêt classée de Yamba Berté

Les différents modes d’occupation de l’espace ont entraîné une forte dégradation de la Forêt Classée de Yamba Berté, par défriche et surexploitation du bois. Cette pression anthropique menace l’existence de la Forêt elle-même qui est devenue pour les populations riveraines un front pionnier. D’une superficie initiale de 64 000 ha, il ne reste aujourd’hui que 22 000 ha de forêt non dégradée. De l’analyse diachronique des cartes d’occupation de sols des années 1986 et 2004 (Figures 20 : 2a et 2b), il ressort que la superficie a diminué de 5882,92 ha en 18 ans, soit 326,8 ha par an. Les images spot prises en 1986 et 2001 montrent l’évolution de la zone dans cette période.

Au vu des images satellitaires, deux fronts menacent dangereusement la forêt : il s’agit d’un front Est-Ouest avec la création de nouveaux quartiers, et d’un front entre Mari et Yassenda qui a presque divisé la forêt en deux parties. Il importe par ailleurs de préciser que les contraintes de l’interprétation visuelle ont vraisemblablement surévalué la superficie des savanes, la distinction entre les différents types de savane (savane arborée, savane arbustive) et avec des jachères anciennes (6 à 10 ans) étant difficile. La classe « savane ou brousse » est de fait la somme de tout ce qui n’est pas discriminant sur l’image (cuirasses rocheuses non cultivables, anciennes jachères, zones stériles…).

Figure 20 : Pression anthropique sur la forêt classée (situation entre 1986 et 2001) 2a) Situation en 1986

2b) Situation en 2001