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ETUDE DE LA STRUCTURE ET DE L’ORGANISATION DU PAYSAGE

Planche 1: La diversité des unités paysagères dans la savane

1a : Champ d’arachide (cliché Prasac 2000). Paysage de terres sableuses, généralement occupée par la culture d’arachides, haricot ou coton

1b : Champ de riz (cliché Prasac 2000)

Paysage des zones d’inondation, terre de riziculture, sorgho ou maïs.

1e – Flanc des collines (Cliché Passinring 2004) Ces espaces sont considérés comme des terres incultes par des paysans mais utilisés comme espaces pastoraux

1f : Cours d’eau: Kabbia (Cliché Sougnabé 2006) Point d’attraction (maraichage, pêche et point d’abreuvement) et par conséquent zone des conflits

1a : la savane arbustive (cliché Prasac 2000). Une réserve des terres de culture pour les paysans, mais un terrain de parcours pour les pasteurs

1b : Zone de bas-fonds (cliché Sougnabé 2006). Elle constitue d’excellent pâturage et présente un haut potentiel agricol, par conséquent très disputé par les différents usagers

Chaque communauté rurale possède sa propre perception du paysage qui conditionne ses pratiques spatiales. Ainsi, les pasteurs éviteront certains paysages parce qu’ils présentent un risque sanitaire pour les animaux, ou parce qu’ils sont potentiellement sources de conflits sociaux si les animaux s’y aventurent. Les paysages se composent d’une mosaïque de formations végétales (champs après récolte, jachères, formations naturelles) utilisées par le cheptel en fonction des saisons et de leur accessibilité (Botoni, 2003). Ce sont les caractéristiques de ces paysages qui vont conditionner le fonctionnement des systèmes pastoraux (mobilité du bétail, fixation, abreuvement, etc.).

Les pasteurs peuls construisent leur espace en combinant plusieurs paysages. La Forêt Classée et ses alentours ont été ciblés comme une « région » qui constitue l’objet de notre étude. Mais ce concept de région est ambigu, difficile à définir car il renvoie à quelques idées-clés, comme homogénéité, polarisation, discontinuité, espace de projets…, mais sans référence à une délimitation spatiale matérialisable (Réounodji, 2003). C’est cependant sur cette notion de région, au sens de combinaison de plusieurs paysages qui construisent l’espace vital, que repose la définition de notre terrain de recherche et d’analyse.

1.1.3 - Terroir ou territoire villageois

La notion de territoire ou de terroir, même si elle est couramment employée, est moins formelle qu’il n’y paraît. La distinction entre territoire et terroir est toujours difficile à établir dans le fait bien que le territoire est une notion politique et le terroir une notion plus socio-économique. Mais dans les rapports des opérateurs de développement, beaucoup emploient par exemple indifféremment ‘’territoire villageois’’ ou ‘’terroir villageois’’.

En effet, la définition du territoire renvoie à trois éléments principaux : un espace physique qui constitue la base ou le support (1), un cadre de vie et d’activités humaines permanent (2), et une configuration (limite) plus ou moins admise consensuellement par tous (3). Dans notre terrain d’étude, les villages semblent bien révéler ce qui est défini ci-haut comme territoire. Car ce sont des espaces concrets, produits et interprétés au travers des pratiques et la représentation. Ils peuvent également rejoindre la définition de l’espace géographique que Di Méo (1987) donne comme étant «une combinaison spontanée d’espace existentiel et d’espace social ». Pour clarifier les

relations des groupes sociaux à l’espace, il nous faut retenir la définition du territoire qu’en donne le géographe Le Berre (1992) qui le définit comme «portion de la surface terrestre sur laquelle s’exercent des conflits en vue d’assurer sa domination». Dans cette définition, le territoire est une aire géographique délimitée par des frontières où s’exerce la domination d’un groupe social sur les autres. Mais dans le cadre du pastoralisme dont il est question dans ce document, la notion de territoire n’est pas réductible à sa acception politique définie ci haut, laquelle, selon les catégories occidentales, implique l’existence de frontières au sein desquelles s’exerce la souveraineté d’un groupe sur un espace précisément délimité. Le territoire pastoral incorpore des données matérielles, à savoir l’espace nécessaire à la réalisation d’un cycle annuel de production soumis aux aléas climatiques, et des données immatérielles, voire imaginaires. Dans le cadre du pastoralisme donc, la territorialité fait l’objet de définitions circonstancielles et temporaires (Bourgeot, 1999). Nous préférerons dans la suite de nos travaux la notion de parcours (ou terrain de parcours) qui semble probablement mieux adaptée car ayant un contour flou que celle du territoire qui recèle de fortes connotations politiques.

Quant à la notion du terroir, Jouve (1996) distingue trois définitions différentes selon les disciplines qui apparaissent dans la littérature ou dans les projets de développement :

• En agronomie, la notion de terroir désigne une unité de milieu naturel exploitée de manière homogène.

• Les géographes considèrent le terroir comme l’ensemble de l’espace aménagé et exploité par une communauté villageoise.

• En science sociale, le terroir correspond à un espace socialement défini, comprenant un ensemble de ressources et de droits associés à ces ressources, et à l’intérieur duquel une communauté particulière est supposée satisfaire à la plupart de ses besoins.

La dernière définition nous parait assez complète car, bien qu’elle renvoie à un même espace que la deuxième définition, elle précise en plus la présence d’un espace-ressource et les règles de sa gestion. Elle correspond donc bien au sens que nous donnons à la notion de terroir villageois dans ce document. Cependant, comme la notion du territoire, la façon dont les sociétés pastorales perçoivent et se représentent leur

milieu nous permet de dire qu’un terroir villageois ne signifie pas la même chose qu’un espace pastoral. Toutefois, en zone de savane avec la réduction de l’amplitude des mouvements de transhumance suite à la restriction des espaces pastoraux par les activités agricoles, il y a une tendance d’évolution vers l’agro-pastoralisme qui se caractérise par la combinaison d’un habitat fixe et d’un habitat mobile. Ce qui se traduit concrètement par la fixation d’une partie de la famille tout en maintenant la mobilité du troupeau. Ce type d’évolution du pastoralisme nomade, difficilement généralisable justifie la notion de « terroir d’attache » qui est une base de territorialité implicitement reconnue localement dans le domaine pastoral (cf. foncier pastoral chapitre 4).