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Les aires protégées sont définies comme « une portion de terre, de milieu aquatique ou de milieu marin, géographiquement délimitée, vouée spécialement à la protection et au maintien de la diversité biologique, aux ressources naturelles et culturelles associées, pour ces fins, cet espace géographique doit être légalement désigné, réglementé et administré par des moyens efficaces, juridiques ou autres » (UICN, 1994). Elles visent d’abord l’atteinte d’objectifs de conservation des espèces et de leur variabilité génétique, et donc en premier lieu le maintien des processus naturels et des écosystèmes qui entretiennent la vie. L’aire protégée est désignée comme méthode de la conservation et de la mise en valeur dynamique de la diversité biologique. Elle inclut d’emblée les problèmes biologiques et humains que pose la conservation in situ.

Quelle que soit la définition donnée à l’expression « aire protégée », elle fait ressortir trois éléments communs : une notion de limite géographique, une valeur culturelle et politique (ou biologique) passée, actuelle ou future, et une référence à une possible dégradation par un agresseur. Une aire protégée est donc un dispositif permettant d’éviter cette agression. Justement par rapport à cette définition, certains considèrent aujourd’hui le concept comme dépassé (UICN, 2002) : le terme “protégé” fait trop référence à une perception négative, statique et répressive. Ces détracteurs comparent les espaces protégés à une protection de type carcéral. Pour d’autres, le terme “espace” l’isole vis-à-vis des autres activités humaines. En fait, l’espace protégé représente un enjeu d’appropriation de l’espace par le politique, le technicien et le spécialiste. Dans notre cas, le terme « aire protégée » ou « espace protégé » est pris dans un sens plus large. Il désigne aussi bien les types identifiés par l’UICN (cf. classification ci-dessous) que toutes formes de mise en défens utilitaires, de bois, de zones cynégétiques, de réserves de faune ou de forêts domaniales. On considère comme « aire protégée » les zones qui sont aménagées de façon à répondre à des objectifs de conservation spécifiques. Diverses catégories d’espaces naturels peuvent être conçues et attribuées de façon à répondre à un ensemble d’objectifs compatibles avec la poursuite d’un objectif particulier n’excluant pas la possibilité d’en tirer d’autres profits. Les catégories les plus connues et qui présentent le plus de possibilités sont les parcs nationaux, le sanctuaire ou réserve de faune, et la réserve forestière.

1.1.1 -Contexte historique des aires protégées

L’histoire de la naissance des aires protégées se confond avec celle de Yellowstone32, créé en 1872 dans l’Etat américain du Wyoming. Le Congrès américain donnait officiellement mandat au gouvernement fédéral de conserver, en son état naturel, une portion du territoire national avec l’intention de l’ériger « en parc public et zone de loisir au bénéfice et pour l’agrément du public » Mais l’expression de parc national n’apparaîtra de façon officielle dans la littérature administrative que quelques années plus tard (UICN, 2004). La création de ce premier parc national en 1872 constitue une date fondamentale pour la politique de la conservation de la nature à travers les aires protégées, car c’est l’aboutissement d’un courant de pensée et l’apparition d’un nouvel d’état d’esprit.

Avant que se termine le XIXe siècle, les USA et le Canada créèrent de nouveaux parcs nationaux. Les britanniques innovèrent en instituant le National Trust qui, en Afrique du Sud, s’appliqua à une réserve de chasse devenue, quelques années plus tard, le Kruger National Park. D’autres réserves, des ranches de gibier, des sanctuaires de la vie sauvage, se multiplièrent un peu partout en Afrique du sud et, en particulier, dans le Soudan anglo-égyptien. Au cours du XXe siècle, ces initiatives se poursuivirent à travers le monde. C’est principalement entre les deux guerres que les puissances coloniales instituèrent des parcs et réserves sur les territoires de leurs dépendances.

Quant à la France, si des parcs nationaux ont été créés au début du XXe siècle dans ses colonies, y compris dans les Terres australes et antarctiques françaises, les parcs nationaux n’ont été dotés d’un statut juridique et législatif qu’en 1960. Mais, en dépit de ce relatif retard33, les parcs nationaux français ont construit un modèle original intégrant avant la lettre les questions de gouvernance des aires protégées et plus particulièrement de la catégorie II de l’UICN (Martinez et al. 2007). Les parcs nationaux français présentent d’emblée une architecture et une conception novatrices, avec une « cellule mère », appelée zone parc destinée à protéger l’aspect, la composition et l’évolution du territoire concerné, et une « zone périphérique ». Cette zone périphérique est dotée d’un programme d’ensemble de réalisations d’ordre social, économique et

32 Le Parc national de Yellowstone (Yellowstone National Park) est situé aux États-Unis, dans le nord-ouest du Wyoming. Une petite partie du parc se trouve sur les États voisins de l'Idaho et du Montana. Créé en 1872, le Yellowstone est le plus ancien parc national au monde. Il s'étend sur 8 983 km² (898 300 hectares)

33 A titre de comparaison, le parc national du Yellowstone date de 1872, le parc national de l’Engadine en Suisse de 1914 et celui du Grand Paradis en Suisse de 1922.

culturel dans le but de mettre à disposition de tous et plus particulièrement des citadins, les ressources scientifiques, artistiques, l’air pur, le calme et le silence ainsi respectés et conservés dans le parc proprement dit. Les parcs français instaurent également les linéaments d’une intégration dans le paysage et d’une approche par écosystème. Quant à leurs colonies, la France s’intéressera particulièrement à Madagascar où elle fonde plusieurs réserves intégrales et des réserves naturelles zoologiques et botaniques.

1.1.2 – Critères internationaux de classement des aires protégées

Avec l’accroissement du nombre des aires protégées, l’absence de critères de classement, de délimitation et de statuts homogènes suscita une définition commune des parcs nationaux proposée par l’UICN en 1969 à New Delhi (en Inde). Entre temps, à la demande du Conseil Economique et Social de l’ONU, l’UICN avait été chargée d’établir une liste des Nations-unies des parcs nationaux et réserves analogues. Depuis, cette liste est régulièrement remise à jour et publiée tous les cinq ans.

L’UICN depuis plus de 30 ans, oriente sur le plan international la façon de classer les aires protégées. En 1969, lors de l’assemblée générale de l’UICN qui s’est tenue en Inde, on a commencé à définir le terme « parc national ». Un premier système de classement en catégories a été établi en 1973 à partir des travaux de R. Dasman. En 1978, l’UICN a publié un rapport intitulé : catégories, objectifs et critères pour les aires protégées, préparé par le comité sur les critères et la nomenclature de la CPNAP. Les dix catégories proposées sont résumées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 10 : Première classification des aires protégées par l’UICN

I Réserve scientifique/Réserve intégrale

II Parc national

III Monument naturel/Elément naturel marquant

IV Réserve de la conservation de la nature/Réserve naturelle dirigée/Sanctuaire et faune V Paysage terrestre protégé

VI Réserve de ressources naturelles

VII Réserve biologique naturelle/Réserve anthropologique

VIII Région naturelle aménagée à des fins d’utilisation multiple/Zone de gestion des ressources naturelles

IX Réserve de la biosphère

Ce système de classement a été appliqué dans la plupart des législations nationales et utilisé dans les discussions entre gestionnaires d’aires protégées du monde entier ; il a en outre constitué l’ossature de la liste des Nations-unies des parcs nationaux et des aires protégées. A fil du temps, on a constaté que la conservation des milieux marins n’était pas prise en compte. Par ailleurs, d’autres termes utilisés pour décrire certains concepts de base du système de classement méritaient d’être revus pour mieux correspondre aux réalités du terrain et aux avancées de connaissances. C’est ainsi qu’en 1984, la CNPAP a mis sur pied un groupe d’étude chargé de revoir le système de classement des aires protégées en tenant compte d’un certain nombre d’éléments nouveaux : les intérêts des populations locales, les zones de nature sauvage et les paysages marins et terrestres protégés. Le rapport remis à l’Assemblée générale de l’UICN de Perth (Australie), en 1990, préconisait que les cinq premières catégories devaient servir de base à un nouveau système et que les catégories VI à X devaient être abandonnées. Ces propositions ont été transmises au IVe Congrès Mondial des parcs nationaux de Caracas (Venezuela), en 1992 (Tableau 11).

Tableau 11 : Deuxième classification des aires protégées par l’UICN

Objectifs de la gestion Ia Ib II III IV V VI

Recherche scientifique 1 3 2 2 2 2 3

Protection des espèces sauvages 2 1 2 3 3 - 2

Préservation des espèces et de la biodiversité 1 2 1 1 1 2 1

Maintien des fonctions écologiques 2 1 1 1 1 2 1

Protection d’éléments naturels et culturels particuliers - - 2 3 3 3

Tourisme et Loisir - 2 1 3 3 1 3

Education - - 2 2 2 2 3

Utilisation durable des ressources des écosystèmes naturels

- 3 3 2 2 2 1

Protection des particularités culturelles et traditionnelles - - - 1 2

Légende : 1= Objectif principal ; 2 = Objectif secondaire ; 3 = Objectif potentiellement réalisable ; - = Non réalisable

Cette nouvelle classification modifia également la définition de l’aire protégée : « une portion de terre et/ou de mer vouée spécialement à la protection et au maintien de la diversité biologique, ainsi que des ressources naturelles et culturelles associées, et gérée par des moyens efficaces juridiques ou autres ». Cette définition recouvre toutes les

catégories d’aires protégées, mais leurs objectifs de gestion peuvent différer dans des fortes proportions. L’analyse qui conduit au nouveau système international de classement des aires protégées et les objectifs qui lui ont été fixés conduisent à formuler plusieurs considérations :

• Le choix de la catégorie se fait en fonction du principal objectif de gestion (Encadré 1);

• Le classement dans telle ou telle catégorie n’a pas de valeur de jugement sur l’efficacité de la gestion ;

• Le système de classement des aires protégées est international ;

• Les appellations des aires protégées peuvent varier d’un pays à l’autre ;

• Une nouvelle catégorie a été introduite afin de tenir compte des aires à prédominance naturelle gérées aux fins de protéger leur diversité biologique, de telle sorte qu’elles assurent un flux durable de biens et services à la communauté ;

Encadré 1: Les catégories de gestion

Catégorie 1 : Réserve naturelle/ zone de nature sauvage gérée principalement à des fins scientifiques ou de protection des ressources sauvage.

Ia : Réserve naturelle intégrale gérée principalement à des fins scientifiques.

Espace terrestre et/ou marin comportant des écosystèmes, des caractéristiques géologiques ou physiologique et/ou des espèces remarquables ou représentatives géré principalement à des fins de recherche scientifique et/ou de surveillance contenue de l’environnement.

Ib : Zone de nature sauvage gérée principalement à des fins de protection des ressources sauvages.

Vaste espace terrestre et/ou marin, intact ou peu modifié, ayant conservé son caractère et son influence naturels, dépourvu d’établissements permanents ou importants, protégé et géré aux fins de préserver son état naturel.

Catégorie II : Parc national géré principalement dans le but de protéger son écosystème à