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Les résultats indiquent une relation faible à modérée entre l‟ORC et la RMT. Tout d‟abord, des représentations négatives de l‟enfant sont associées à une perception de colère plus élevée chez l‟enfant à 18 mois. Autrement dit, lors de l‟entrevue réalisée auprès des mères, lorsque celles-ci ont plus de facilité à se rappeler d‟évènements négatifs, ou lorsqu‟elles se rappellent d‟évènements négatifs alors que l‟intervieweur demande de rapporter des évènements positifs, ou encore, lorsque la mère a de la difficulté à voir les choses du point de vue de son enfant, manifestant même de la colère à son égard, ces mères ont également tendance à percevoir leur enfant comme étant plus facilement prédisposé à manifester de la colère, de pleurer beaucoup et de protester dans les situations conflictuelles.

Ce résultat met en lumière l‟hypothèse que l‟ORC et la RMT touchent à l‟importance d‟un même phénomène : la présence d‟affects négatifs et l‟interprétation de cet affect, au sein des interactions mère- enfant. Un lien entre l‟ORC et la RMT est également observé dans l‟étude de Demers et al. (2010). Dans cette étude, l‟ORC est mesuré par le biais d‟une entrevue où on demande à un échantillon de mères incluant

39 des mères adultes et adolescentes de décrire leur enfant. Le nombre de caractéristiques référant à l‟état mental de l‟enfant est observé ainsi que la valence des caractéristiques et la richesse de la description. L‟utilisation de caractéristiques mentales positives par les mères est associée négativement à la perception d‟un tempérament difficile selon l‟Infant Characteristics Questionnaire (ICQ). L‟étude de Demers et ses collaborateurs (2010) et la présente étude mettent en évidence une correspondance entre la valence de l‟ORC et la valence de l‟émotivité perçue chez l‟enfant.

De plus, les résultats indiquent que de la passivité (P) dans le discours de la mère est associée avec une perception de crainte sociale chez l‟enfant à 15 mois. La passivité est associée à une certaine

incohérence dans le discours, à un manque de clarté et de précision, à une longueur excessive de discours, à des phrases incomplètes et à des changements rapides de sujets ou d'opinions. Aucune étude, à notre connaissance, ne s‟est penchée spécifiquement sur la relation entre ces deux facteurs.

Comment la représentation mentale d‟une mère concernant son enfant et sa façon de voir les choses de son point de vue peut-elle être associé négativement à la perception de colère et de crainte sociale chez son enfant? Selon Demers et ses collaborateurs (2010), la tendance à percevoir son enfant comme étant facile favoriserait une disposition empathique à son égard. Ainsi, il est possible de supposer qu‟une

représentation d‟un enfant difficile entretient des représentations négatives à son égard. Les écrits portant sur la mentalisation des mères nous offrent également d‟autres pistes de réflexions permettant de formuler des hypothèses explicatives sur le lien entre l‟ORC (RN et P) et la perception d‟affects négatifs chez l‟enfant (Fonagy et al., 1991; Fonagy & Target, 2005; Grienenberger, Kelly, & Slade, 2005). Les efforts fournis par la mère pour comprendre, organiser et faire du sens de ses états mentaux et ceux d‟autrui (incluant son enfant) sont au cœur de la mentalisation. Ce processus est impliqué dans le développement de la régulation des émotions (Slade, 2005). Lorsqu‟une mère vit un état négatif ou perçoit un état négatif chez son enfant tel que la colère, elle peut tenter de comprendre, ce qui demande des efforts d‟organisation et recherche de sens. Cette réflexion lui permet de moduler son propre état, de raffiner sa perception d‟une situation et de comprendre les pensées, intentions, émotions qui sous-tendent l‟expression d‟affects négatifs chez son enfant. Une mère avec une bonne capacité de mentalisation saura prendre un certain recul par rapport à sa

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propre réaction affective créant ainsi une distance entre ses états mentaux et ceux de son enfant, afin de mieux comprendre la colère ou la crainte de ce dernier. On peut alors penser que cette mère pourra communiquer de façon comportementale cette compréhension des états mentaux tout en manifestant un sentiment de contrôle de la situation. Elle sera alors en mesure de démontrer à son enfant que bien que son état est désagréable, il s‟agit d‟un état tolérable, qu‟il est possible de moduler.

Au contraire, les mères qui ont des difficultés de mentalisation deviennent souvent envahies lorsque leur enfant manifeste de la détresse et arrivent difficilement à faire la distinction entre leurs propres émotions et les émotions de leur enfant. Ils peuvent alors avoir de la difficulté à moduler leurs émotions et manifester une certaine désorganisation dans leur comportement et leur discours. L‟absence de mentalisation laisse la mère imprégnée de son état négatif et de l‟état négatif de son enfant. Dans l‟étude de Foucault (2008), le lien entre l‟ORC et la perception de colère chez l‟enfant est bien illustrée dans les réponses d‟une mère au questionnaire EQRM. Lorsqu‟elle doit relater un événement négatif, une mère ayant un fort score dans le facteur RN, rapporte que son enfant a fait une crise lors d‟une sortie et se remémore s‟être sentie dépassée par la situation et avoir ressenti beaucoup de colère (ces émotions semblent encore présentes pendant le discours). Dans cet exemple, on peut facilement comprendre de quelle façon l‟affect négatif de l‟enfant perçu par la mère déclenche des émotions négatives chez la mère. L‟émotivité négative de la mère et de l‟enfant vient envahir la représentation mentale maternelle et devient au premier plan. Il est possible que le lien retrouvé entre une représentation négative de l‟enfant et la perception de colère chez l‟enfant sous-tende une hypersensibilité maternelle aux affects négatifs, possiblement associée à une difficulté à réguler les affects négatifs de l‟enfant ainsi que ses propres affects.

De la même façon, on peut penser que la passivité de la mère dans le discours (manque de cohérence et de clarté) révèle la présence d‟une difficulté de mentalisation chez la mère. Un discours incohérent pourrait trahir une difficulté à gérer des affects encore activés chez l‟individu. Ainsi, la passivité et la perception de crainte sociale chez l‟enfant pourraient être associées à une hypersensibilité ou une hypervigilance de la mère aux affects de crainte et une difficulté à réguler ce type d‟affect.

41 Tarabulsy et ses collaborateurs (2010), se sont penchés sur les défis cliniques de la maternité à l‟adolescence. Ils avancent l‟idée que le contexte à risque dans lequel vivent et ont grandi les mères adolescentes contribue au développement de représentations particulières concernant les relations

interpersonnelles. Dans un contexte où les interactions sont hostiles et insensibles, il est adapté et cohérent de développer une représentation négative des relations et de mobiliser sa propre hostilité pour y répondre. Ainsi, si ces représentations sont transposées à la relation mère-enfant, il est possible que la réactivité négative exprimée par l‟enfant soit perçue comme une forme d‟hostilité par la mère adolescente et l‟amène à entretenir des représentations négatives à son égard.

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