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4. Synthèse et caractérisation des matériaux

4.1 Optimisation de la méthode de synthèse

Comme mentionné dans la section 3.3, plusieurs tentatives ont été nécessaires afin de trouver la synthèse la plus efficace pour les matériaux AMP/SBA-15. En effet, au départ, deux stratégies générales ont été proposées. La première consistait à imprégner le carbonate de césium, à calciner ce matériau intermédiaire, à ensuite former le molybdophosphate de césium par imprégnation de l’acide phosphomolybdique, à recalciner, et finalement à procéder à l’échange d’ions final pour former le molybdophosphate d’ammonium (AMP). Ce protocole55 a été fait au départ à cause de l’affinité connue entre le césium et l’unité de Keggin et de la stabilité de ce composé dans la plupart des solvants60,93,94. La figure 20 présente un schéma de ce premier protocole de synthèse.

Figure 20 : Processus de synthèse des matériaux AMP/SBA-15 à partir de Cs2CO3pour des

charges de 30 % et 50 % massique en AMP

L’imprégnation du carbonate de césium s’est faite selon deux méthodes, soit l’imprégnation à humidité naissante et celle par agitation. Dans les deux cas, de l’eau déminéralisée a été utilisée comme solvant. Comme les résultats de fixation de l’AMP indiquaient que l’imprégnation à humidité naissante est plus efficace que celle par agitation, elle a été conservée pour la suite. La calcination qui suit aide à renforcer le lien entre la surface de silice et le césium. La température de cette calcination n’est toutefois pas assez haute pour former l’oxyde de césium et ainsi rendre le reste du protocole impossible. En ce qui concerne l’imprégnation de l’acide phosphomolybdique, elle a été faite dans le butanol selon les deux mêmes méthodes, mais aussi en variant le pourcentage massique ajouté à la silice, soit 30 % et 50 %. La calcination suivante a servi à créer un lien chimique entre la surface de silice et l’acide phosphomolybdique. En effet, durant l’imprégnation, il

se crée des liens de van der Waals entre la silice et l’acide phosphomolybdique. Avec la calcination, un lien chimique se forme entre la partie molybdate de l’ion de Keggin et la silice, pour former le silicomolybdate lorsque déshydraté et l’acide silicomolybdique, de formule H4SiMo12O40, lorsqu’hydraté. Ce lien permet de créer un matériau final plus stable

que si l’acide phosphomolybdique avait seulement été adsorbé. L’échange de cations final s’est fait par agitation du matériau et de carbonate d’ammonium en excès à température pièce dans l’eau durant 24 heures. Le tableau 7 présente les résultats de fixation que présentaient ces matériaux en pourcentage par rapport à la masse d’acide phosphomolybdique ajoutée au départ.

Tableau 7 : Résultats d’imprégnation de la méthode au départ de Cs2CO3 pour des charges

de 30 % et 50 % massique en AMP

Imprégnation Cs2CO3 Imprégnation HPMo AMP imprégné (%) (n=3)

Humidité naissante Humidité naissante 48 ± 3

Agitation 4 h 54 ± 6

Agitation 5 h Humidité naissante 34 ± 15

Agitation 4 h 43 ± 15

Cette synthèse produisait des matériaux très chargés en AMP, comme le suggérait l’hypothèse de départ. Pourtant, elle avait un défaut qui a fait en sorte qu’il a fallu passer à un autre protocole. En effet, comme la calcination suivant l’imprégnation du carbonate de césium renforçait le lien entre le cation et la surface de silice, il était par la suite impossible de l’enlever complètement, même avec une agitation de 24 heures dans la solution contenant l’ammonium. La raison pour laquelle le césium reste ainsi captif dans le matériau est certainement la calcination. Cette dernière renforce le lien chimique entre le césium et la silice , intégrant quasiment le cation à la structure, rendant ainsi l’échange qui suit beaucoup plus difficile95.

Le contenu en césium avant l’utilisation des matériaux pour l’adsorption de césium a été mesuré par spectrométrie de masse inorganique. Normalement, le signal observé ne devrait pas réellement dépasser celui obtenu en mesurant le césium dans de l’eau

déminéralisée, puisque la plus grande contamination possible proviendrait de cette source. Pourtant, un signal de 50 à 100 fois plus intense a été mesuré : il y avait environ 0,03 µg/l de Cs dans l’eau Milli-Q habituellement utilisée au cours de ce projet, tandis que lors des digestions acides des matériaux faits à partir de carbonate de césium, il y avait entre 0,5 et 2,0 µg/l de césium. Cette hypothèse a aussi été confirmée par diffraction des rayons X à grands angles. Dans la figure 21 est présenté le diffractogramme d’un matériau synthétisé par cette méthode. On peut y voir un certain dédoublement des pics principaux. Ce phénomène peut être explicable par le fait que le rayon ionique du césium est légèrement plus grand que celui de l’ammonium, ce qui fait que sa présence dans les interstices augmente la distance interplanaire et diminue ainsi le déplacement 2θ dans le diffractogramme96.

2 Theta (o)

10 20 30 40 50

Intensité relative

AMP/SBA-15 fait avec Cs2CO3

AMP commercial

Figure 21: Diffraction des rayons X pour un matériau AMP/SBA-15 fait à partir de Cs2CO3 comparé à de l’AMP disponible commercialement

Cette présence de césium dans le matériau de départ nuisait naturellement à l’atteinte de l’objectif, qui était de former un matériau qui captait aisément le césium en solution. Ainsi, le protocole qui a émergé de ces conclusions n’incluait pas de carbonate de césium. La figure 22 présente ce protocole modifié.

Figure 22 : Processus de synthèse des matériaux AMP/SBA-15 à partir de H3PMo12O40

Cette étape enlevée, les quantités de césium dans les matériaux vierges ont évidemment baissé radicalement, devenant quasi nulles. Toutefois, les rendements de synthèse n’étaient pas optimaux, malgré l’augmentation de la charge d’acide phospomolybdique à 75 % et 100 % massique, puisqu’une très grande partie de l’acide phosphomolybdique était dissous lors du lavage pour l’échange de cations. Les masses de molybdophosphate d’ammonium imprégnées sont présentées dans le tableau 8. À noter que pour la suite des synthèses, seule l’imprégnation à humidité naissante a été utilisée pour l’acide phosphomolybdique, puisque les rendements de fixation semblaient généralement meilleurs.

Tableau 8 : Résultats d’imprégnation de la méthode au départ de l’acide

phosphomolybdique

Imprégnation Solvant AMP imprégné (%) (n=3)

Humidité naissante H2O déminéralisée 12 ± 8

Éthanol anhydre 7 ± 2

Agitation 4 h H2O déminéralisée 6 ± 1

Éthanol anhydre 10 ± 2

Cette baisse du rendement d’imprégnation pourrait être due au lien chimique moins fort qui existe entre l’acide phosphomolybdique et la silice qu’entre le césium et l’anion de Keggin. Par une recherche plus exhaustive dans la littérature, il est devenu évident qu’il

fallait utiliser une autre source d’ammonium pour faire l’échange de cations : van R. Smit propose le nitrate pour former le molybdophosphate d’ammonium insoluble36. En effet, il est possible que le carbonate ait eu un rôle à jouer dans la dissolution de l’acide phosphomolybdique. Comme celui-ci est hautement soluble en milieux légèrement acide à basique, il est aisé de supposer qu’il lixivie de la surface de silice lors de cette étape.

Le protocole de van R. Smit propose d’utiliser une solution de 1 M de nitrate d’ammonium, c’est donc ce qui a été essayé. En analysant des diffractogrammes des rayons X pour ces nouveaux matériaux, il a été déterminé que la charge était effectivement très haute en comparant les signaux relatifs de l’AMP et de la silice amorphe, comme il est possible de le voir dans la figure 23.

2 Theta (o)

10 20 30 40 50

In

te

ns

ité

re

la

tiv

e

Figure 23 : Diffractogramme des rayons X d’un matériau AMP/SBA -15 chargé à 75 %

massique et lavé avec NH4NO3 1 M

Par contre, dans notre cas, il a été observé que des particules d’AMP recristallisaient à l’extérieur de la silice. Ce phénomène nuirait probablement à l’utilisation possible des

matériaux AMP/SBA-15 dans des colonnes chromatographiques à cause de la nuisance probable à l’écoulement du fluide. Les images de microscopie en transmission de la figure 24 montrent ces particules. Les particules plus foncées visibles dans les deux clichés sont en fait des cristaux de molybdophosphate d’ammonium. Elles sont présentes à la surface des particules de silice, ce qui ne poserait pas réellement de problème, mais aussi entre les particules, comme on peut le distinguer dans le cliché de gauche, qui est à un grossissement moindre.

Figure 24 : Images prises en microscopie électronique à transmission d’un matériau

chargé à 75 % massique et lavé avec NH4NO3 1 M

De plus, une analyse des diffractogrammes après chacune des étapes de synthèse d’un matériau chargé à 25 % massique a montré que la cristallisation se faisait seulement après le lavage au nitrate d’ammonium pour le changement de cations, comme on le voit à la figure 25.

2 Theta (o)

10 20 30 40 50

Int

ensité

relat

ive

HPMo/SBA-15 non-calciné HPMo/SBA-15 calciné AMP/SBA-15

Figure 25 : Diffractogramme des rayons X d’un matériau AMP/SBA -15 chargé à 25 %

massique et lavé avec NH4NO3 1 M selon l’étape de synthèse

Il a donc été supposé qu’il y avait un effet de relargage dû à la forte concentration du nitrate d’ammonium dans la solution de lavage. En diminuant la concentration à 0,4 M, le problème semblait être partiellement résolu, comme on peut le voir sur le diffractogramme de la figure 26. Les pics sont tout aussi intenses par rapport au signal de la silice amorphe, mais l’élargissement paraît plus significatif, ce qui voudrait dire que les cristaux d’AMP sont plus petits et qu’il y a une plus forte probabilité qu’ils soient bel et bien situés dans les mésopores de la SBA-15.

2 Theta (o)

10 20 30 40 50

In

ten

sité

r

ela

tive

Figure 26 : Diffractogramme des rayons X d’un matériau AMP/SBA -15 chargé à 75 %

massique et lavé avec NH4NO3 0,4 M

Toutefois, des images prises en microscopie à transmission en haute définition, présentées dans la figure 27, ont montré que malgré l’utilisation d’une solution de nitrate d’ammonium moins concentrée, de telles charges n’empêchaient pas la formation de cristaux d’AMP à l’extérieur des particules de silice, ayant un peu le même effet que le relargage dû au lavage pour l’échange de cations.

Figure 27 : Images prises en microscopie électronique à transmission d’un matériau chargé

à 75 % massique et lavé avec NH4NO3 0,4 M

La solution a donc été de baisser drastiquement les chargements, soit à 25 % et 12 % massique. Comme ces masses ajoutées ne permettaient pas encore tout à fait d’obtenir les matériaux espérés, les masses d’acide phosphomolybdique ajouté ont été ajustées à 6 % et 8 % massique. Cela a semblé être la synthèse optimale. En effet, comme on peut le voir dans les images de la figure 28, il n’y a aucune présence d’AMP à l’extérieur des particules de silice.

Figure 28 : Images prises en microscopie électronique à transmission d’un matériau chargé

à 6 % massique et lavé avec NH4NO3 0,4 M

De plus, les diffractogrammes à grands angles des matériaux AMP/SBA-15 chargés à 6 % ne présentent presque aucune cristallinité, certainement puisque les cristaux sont trop petits pour être détectés, laissant croire qu’ils sont bien situés dans les pores de la silice.

Parallèlement, différentes températures, soit 350 oC et 450 oC, et différents temps, entre 2 et 4 heures, ont été essayés pour la calcination52,97,98. Le temps de calcination, semblait peu important. En effet, entre 2 et 4 heures à 350 oC, il ne semblait y avoir aucune différence au niveau de la fixation de l’acide phosphomolybdique sur le support. À 450 oC, par contre, le rendement de fixation semblait varier beaucoup. Ces données sont présentées dans le tableau 9.

Tableau 9 : Rendement de fixation de l’acide phosphomolybdique selon le temps de

calcination et la température

Température (oC) Temps (h) AMP imprégné (%) (n=3)

350 2 52 ± 7

4 56 ± 1

450 2 41 ± 6

3 60 ± 14

4 39 ± 4

En ce qui concerne la cristallinité des matériaux, elle varie aussi en fonction de ces deux paramètres, surtout en fonction de la température. En effet, pour une même température, il ne semble pas y avoir de changement notable au niveau de la cristallinité selon le temps de calcination. Par contre, lorsqu’on compare entre eux les matériaux calcinés à ces deux températures, on voit une nette différence : sur les matériaux issus du protocole de calcination à 450 oC, du trioxyde de molybdène (MoO

3) était formé, comme

on peut le voir à la figure 29.

2 Theta (o) 10 20 30 40 50 450 oC 2 h 450 oC 3 h 450 oC 4 h MoO3 2 Theta (o) 10 20 30 40 50 Inten sité r ela tiv e 350 oC 2 h 350 oC 4 h

Figure 29 : Diffractogrammes des rayons X de matériaux calcinés à 350 oC (gauche) et 450 oC (droite) selon la durée

La formation de trioxyde de molybdène cristallin est due à la décomposition de l’acide phosphomolybdique. Selon les sources, cette température varie, étant à 350 oC selon Damyanova97, et variant entre 300 oC et 400 oC selon Bielanski99. Selon nos propres mesures, présentées à la section 4.8, la dégradation de l’acide phosphomolybdique ne se fait pas en deçà de 420 oC lorsqu’elle est dispersée dans un support de silice, comme on peut le voir à la figure 39, ce qui correspond aux résultats que Moffat avait obtenus en 1988 pour l’acide phosphotungstique dispersé sur de la silice98.

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