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5. Efficacité des matériaux

5.2 Capacité d’adsorption du césium sur les matériaux

La cinétique d’adsorption du césium a été vérifiée au départ pour optimiser le temps d’échange, afin de pouvoir par la suite établir un protocole le plus court possible, utilisable en mesure d’urgences. Le matériau a donc été agité dans une solution de césium selon le

protocole expliqué à la section 3.6; les résultats sont présentés à la figure 44. L’écart-type a été calculé sur trois essais.

Temps (minutes)

0 10 20 30 40 50 60

Cs ads

orbé (m

g)

0,00 0,02 0,04 0,06 Cs/AMP = 0,05 Cs/AMP = 0,5 Cs/AMP = 1 Cs/AMP = 5 Cs/AMP = 10

Figure 44 : Cinétique d'adsorption du césium sur un matériau AMP/SBA-15 6 % m/m à

divers rapports Cs/AMP

Dans cette figure, il est possible de voir qu’après un certain temps, il n’y a plus vraiment adsorption de césium. Pourtant, lorsque la quantité de césium augmente dans la solution, la quantité maximale de césium adsorbé augmente aussi, sans toutefois atteindre un maximum relatif égal pour chacun des rapports. Ces valeurs sont présentées dans le tableau 14.

Tableau 14 : Quantités maximales de césium adsorbé selon le rapport Cs/AMP pour un

matériau AMP/SBA-15 6 % m/m

Cs/AMP Cs adsorbé (%) Cs adsorbé (x 10-3 mg)

0,05 38 ± 4 0,8 ± 0,3 0,25 87 ± 7 9,3 ± 0,6 0,5 51 ± 9 10,9 ± 1,0 1 41 ± 8 17,5 ± 1,4 5 12 ± 9 25,5 ± 2,2 10 8 ± 5 32,5 ± 1,5

Ce phénomène signifie très certainement qu’il y a formation d’un équilibre lors de l’adsorption du césium. Pour vérifier cette hypothèse, les quantités maximales adsorbées ont été reportées dans un graphique selon le rapport Cs/AMP. Cette isotherme est présentée à la figure 45. Cs/AMP 0 2 4 6 8 10 Cs ad sorbé (mg) 0,00 0,01 0,02 0,03 y = 0,0057ln(x) + 0,0169 R² = 0,9789

Figure 45 : Quantités maximales de césium adsorbé en mg selon le rapport Cs/AMP

En observant que les quantités maximales de césium adsorbé par le matériau obéissent au modèle de Langmuir107, il est possible de certifier qu’il se forme un équilibre après un certain temps. Il a donc été tenté de forcer cet équilibre en créant un débit47 dans le

matériau, à l’image d’une colonne chromatographique. Pour cela, deux débits différents ont été utilisés, 1 ml/min et 5 ml/min, et ce, avec deux rapports Cs/AMP différents, soit 3 et 10. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 15.

Tableau 15 : Résultats d’adsorption du césium sur un matériau AMP/SBA-15 6 % m/m

avec utilisation d’un débit

Cs/AMP Débit (ml/min) Cs adsorbé (%) Cs adsorbé (µg)

3 1 16,9 ± 1,1 21,5 ± 0,8

5 7,4 ± 0,1 9,5 ± 0,1

10 1 18,6 ± 0,7 79,2 ± 3,1

5 7,2 ± 1,7 30,6 ± 7,2

Il est possible de remarquer que l’utilisation d’un débit n’augmente pas réellement la quantité de césium retenu dans le matériau. De plus, en augmentant le débit de 1 à 5 ml/min, on remarque que la quantité de césium adsorbé diminue. Ainsi, pour diminuer la durée du protocole le plus possible, le débit a été ajusté à 1 ml/min.

Pour ce qui est de la formation de l’équilibre, il a été rapporté dans la littérature44,45,47,108 que l’échange entre l’ammonium et le césium dans l’anion phosphomolybdate est très rapide et complet. Il devient donc évident que l’équilibre observé durant l’étude cinétique de l’adsorption de césium est dû à la structure du matériau et non aux propriétés du molybdophosphate d’ammonium. Cela est soutenu par le fait que les matériaux plus chargés en AMP, soit à 50 %, sont beaucoup plus efficaces que les matériaux chargés plus faiblement. De plus, des essais d’adsorption de césium ont été faits aux mêmes concentrations sur la silice SBA-15 pure que sur les matériaux. Il en a résulté que le césium n’était absolument pas retenu, attribuant ainsi l’efficacité des matériaux à l’AMP seulement.

Comme présenté à la section 4.1, les matériaux hautement chargés présentent des cristaux d’AMP entre les particules du matériau, la capacité de ceux-ci proviendrait très certainement de ces cristaux41. Quatre hypothèses ont été formulées à partir de cette observation. Premièrement, il serait possible que cette différence de capacité soit due au fait

que le césium ne puisse pas atteindre l’AMP situé dans les pores, soit par un blocage causé par des particules d’AMP à l’entrée des pores, soit par une impossibilité qu’aurait la solution d’entrer dans le matériau durant l’échange. Le blocage des pores a été écarté d’office puisque l’isotherme de physisorption d’azote, présentée dans la section 4.2, ne présente aucun indice qui laisserait supposer cela. Il restait donc l’hypothèse qu’il serait plus difficile de procéder à l’échange à cause de la localisation de l’AMP dans les pores et non à la surface des particules. Toutefois, il était facile d’observer que le matériau devenait mouillé très rapidement par un changement de couleur facilement discernable, signe que les pores étaient remplis de liquide. Il fallait donc chercher une autre explication.

Comme seconde hypothèse, il a été supposé que la plus grande partie de l’extraction était due aux cristaux de molybdophosphate d’ammonium présents à l’extérieur du matériau, non seulement à cause de leur accessibilité, mais aussi à cause de leur taille. En effet, en regardant un diffractogramme d’un matériau hautement chargé (voir figure 25, section 4.1), on peut voir que les pics sont relativement fins à la pointe, mais que vers la base ils élargissent subitement : cela indique qu’il y a plusieurs tailles de cristaux. En regardant le diffractogramme d’un matériau chargé à 6 % massique à la section 4.4, on peut voir que celui-ci ne présente presque aucune cristallinité, les seuls pics visibles étant très larges, signe de très petits cristaux. Ainsi, en comparant la cristallinité et l’efficacité des deux types de matériaux, on pourrait supposer que seuls les cristaux d’AMP sont efficaces, particulièrement les plus grands. Il existerait donc une taille critique nécessaire à la bonne capacité d’échange, ce qui pourrait expliquer pourquoi les matériaux AMP/SBA-15 6 % m/m sont si peu efficaces comparativement aux matériaux chargés à 50 % massique. Selon les résultats présentés à la section 4.1, lorsque les cristaux sont d’environ 100 nm, l’efficacité des matériaux est excellente. Il est toutefois difficile de dire s’il s’agit de la taille minimale requise pour procéder à l’échange entre l’ammonium et le césium.

Comme troisième hypothèse, il a été supposé que la taille des particules du support de silice, mais encore plus la taille et l’interconnectivité des pores joue un rôle limitant lors du phénomène d’adsorption. En effet, comme les pores de la SBA-15 sont cylindriques, une pression et un front de solvatation sont formés à l’intérieur des pores lors du mouillage,

ce qui vient limiter la bonne diffusion du liquide dans le matériau109. Comme les matériaux chargés à 75 % massique présentent des cristaux d’AMP à l’extérieur des particules de silice, il se pourrait que ceux-ci soient moins affectés par la faible diffusion du liquide dans les pores que les matériaux chargés à 6 % massique.

Une quatrième hypothèse a été formulée quant à la baisse de l’efficacité des matériaux avec la baisse en masse de l’AMP dans celui-ci. Il a été supposé que le lien chimique qui est formé avec la silice déformerait la structure de Keggin de l’anion, diminuant ainsi son affinité pour le cation de césium. Il a été vu à la section 1.2.4 que l’isomorphisme entre les différents composés ayant la structure de Keggin rendait l’échange de cations très facile. Si toutefois la structure de Keggin venait à être déformée ou absente, comme il a été vu avec les diffractogrammes des rayons X à grands angles en section 4.4, il serait possible que cette propriété soit effacée.

Il faut toutefois prendre en considération que bien que les capacités des matériaux à faible charge en AMP (6 % massique) ne sont pas exceptionnelles, elles sont amplement suffisantes pour des applications radioécologiques. En effet, comme les concentrations de césium dans l’environnement sont normalement faibles, soit environ 0,3 µg/l en moyenne110 dans l’océan, les matériaux AMP/SBA-15 sont suffisamment efficaces pour séparer le césium de la matrice.

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