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Les opposants à la légalisation

Dans le document DE QUOI LA MARIJUANA EST-ELLE LE NOM? (Page 32-45)

C. Les acteurs du débat

1. Les opposants à la légalisation

Le mouvement d’opposition à l’amendement 64 se structure autour de trois organisations militantes87 principales regroupées autour du mot d’ordre « No on Amendment 64 » et de l’organisation éponyme. On s’attachera à les décrire avant de dégager les constantes de leur positionnement et de leurs stratégies de campagne.

a) No on Amendment 64

No on amendement 64 ou « No on 64 » est une organisation ad-hoc crée pour mener la campagne contre l’amendement 64. Dotée d’un budget relativement faible d’environ 700 000 dollars88 pour l’ensemble de la campagne, ses principaux soutiens sont89 :

• La fondation « Save our society from drugs ». Basée en Floride, la fondation est dirigée par Betty Sembler, une figure de la « War on drugs », membre honoraire de la Drug Enfoncement Agency (DEA), membre fondateur de la « Drug free American Foundation » et ancienne directrice d’un réseau de centres de désintoxication.

Smart Colorado, principal soutien logistique et stratégique de « No on 64 ».

« No on 64 » est animée par son directeur de campagne, Roger Sherman et son porte-parole, Laura Chapin. Tous deux sont des professionnels de la communication politique. Roger Sherman est le directeur général de CRL Associate90, une entreprise de lobbying enregistrée à Denver et responsable de la gestion quotidienne de la campagne « No on 64 »91. Laura

87 D’autres organisations telles que « Smart Approach to Marijuana » ou « Save our Society from drugs » n’ont pas été incluses dans l’analyse en raison du manque d’information sur leur date de création ou sur leur implication directe dans la campagne préréférendaire au Colorado.

88 Pour l’ensemble de la campagne. http://blogs.denverpost.com/thespot/2012/12/28/story-marijuana-legal-colorado/87640/ consulté le 02/04/2017 contre près de 2,5 millions pour la campagne « Yes on 64 ».

89Les chiffres et ordres de grandeur annoncés sont indicatifs issus d’articles de presses. Ils sont néanmoins corroborés par les registres officiels des donations de l’état du Colorado dont les données sont regroupées ici :

http://blogs.denverpost.com/thespot/2012/10/21/breakdowns-amendment-64-campaignfinance-reports/84483/ . L’usage d’ordres de grandeur plutôt que des chiffres officiels de contribution participe du choix de ne pas se limiter aux organisations enregistrées officiellement en tant que participants à la campagne.

90 Son profil LinkedIn le confirme : https://www.linkedin.com/in/roger-sherman-1a3ab06a/

91 http://www.huffingtonpost.com/2012/06/11/colorado-amendment-64_n_1588341.html

33 Chapin quant à elle est consultante indépendante en communication spécialisée dans la communication électorale sectorielle comme en atteste son expérience en tant que responsable de la communication pour plusieurs sénateurs, pour l’équipe de campagne de Bill Clinton en 1996 ou encore son engagement auprès de nombreuses initiatives populaires similaires à l’amendement 64. Bien que « No on 64 » compte parmi les clients de sa société92, il est probable que Laura Chapin adhère réellement aux idées défendues par les opposants à la légalisation comme le laisse penser sa devise : « My personal and professional philosophy is simple : If I don’t believe in it, I can’t sell it.93».

Selon son site internet94 aujourd’hui hors ligne95, le slogan de l’organisation est « Wrong for Colorado ». Celui-ci laisse penser que les opposants à la légalisation adoptent une posture morale centrée sur les enjeux locaux et les risques liée à la légalisation de la marijuana.

L’étude du corpus textuel et des éléments de langage utilisés indique que l’argumentaire de

« No on 64 » repose sur la dramatisation des risques et effets délétères de la légalisation sur le Colorado et sa population. Ces arguments sont déclinés à l’échelle de l’individu, de la famille, de la « communauté »96 et de l’état.

En faisant disparaitre le stigmate social associé à l’illégalité et en facilitant la distribution et la promotion de la marijuana, la légalisation constitue pour ses opposants un facteur de risque individuel majeur. Ces derniers pronostiquent par exemple un doublement de l’usage récréatif de marijuana chez les 12-25 ans97 ou encore une forte augmentation du nombre d’accidents de la route causés par des conducteurs « sous influence ». Ces arguments sont appuyés par des données statistiques souvent coupées de leurs sources ou de leur contexte.

La consommation de cannabis est perçue comme une pratique dangereuse par ses conséquences biologiques, psychologiques, sociales et morales, en particulier pour les enfants d’âge scolaire. Ces derniers sont au centre de la rhétorique des opposants à la légalisation en raison de la valeur symbolique, politique et morale de la protection de l’enfance ainsi que de leur sensibilité aux effets négatifs de la consommation de marijuana.

En impactant leur développement cognitif, leur parcours scolaire et professionnel, elle limite

92 http://www.lkcconsultingllc.com/clients/

93 « Ma philosophie personnelle et professionnelle est simple : si je n’y croit pas, je ne peux pas le vendre. » http://www.lkcconsultingllc.com/who-i-am/

94 https://web.archive.org/web/20121005023237/http://votenoon64.com/ consulté le 02/04/2017

95 Les archives internet du projet « Wayback Machine » ont été utilisées pour accéder aux ressources utilisées en 2012 mais mises hors ligne depuis. Pour celles-ci, les liens de références renvoient à des documents d’archives publiquement accessibles.

96 Le terme de « communauté » est une traduction imparfaite du concept de « community » américain

97 “Among the most vulnerable group, ages 12 to 25, it is projected that the number of regular marijuana users will double.” https://web.archive.org/web/20121005023237/http:/votenoon64.com/ consulté le 02/04/2017

34 la capacité future des enfants d’âge scolaire à se réaliser personnellement et à faire usage de leur liberté98, en dehors de toute « influence »99.

Compte tenu de la centralité du thème de la protection de la jeunesse dans l’argumentaire de « No on 64 », il est logique que les dangers de la légalisation de la marijuana sur les familles et la communauté soient mis en exergue. Dans la continuité de la rhétorique prohibitionniste qui pourrait être résumée par la phrase « drugs ruins lives »100 l’effet du développement de la consommation de marijuana dans les familles est décrit par le prisme de ses conséquences sur ses membres. Alors que les enfants voient leur futur menacé par leur consommation de « drogue », les parents risquent de perdre le contact avec leurs enfants « drogués ». La consommation par les parents est réputée dégrader leur capacité à se comporter comme tel auprès de leurs enfants, lesquels sont soumis au risque de maltraitance et d’entrée en contact accidentel avec les substances consommées.

A l’échelle de la communauté, les risques de la légalisation du cannabis sont abordés par « No on 64 » sur le registre de la dégradation des conditions de vie causée par les conséquences sociales de la consommation de marijuana (baisse du niveau des écoles, accidents de voiture, dégradation de la qualité du lien social familial et communautaire, dégradation de la qualité morale des membres de la communauté, augmentation de la criminalité, directement imputés à l’augmentation du nombre de consommateurs…) et les modifications de contexte socio-économique causées par le développement d’une

« industrie du cannabis ». La Marijuana comme péril social et culturel est personnifiée dans la figure de l’étranger et de l’industrie subversive faisant commerce d’une substance addictive, nocive pour la santé des individus et de la communauté.

A l’échelle de l’état, les arguments de « No on 64 » sont dans la continuité des arguments relatifs à la communauté dans la mesure ou faire du Colorado le premier état américain à légaliser la marijuana risquerai d’en faire une destination de choix pour les « touristes de la drogue » et les trafiquants. A cela s’ajoute le risque légal engendré par l’inscription dans la constitution de l’état de la légalité d’une substance illégale au niveau fédéral. Notons à cette occasion la valeur symbolique forte de l’expression de « droit constitutionnel » à la consommation de marijuana.

98 “Amendment 64 is backed by people who are more concerned with the right of adults to use pot for pleasure than the rights of children to grow up as free as possible from the harms of substance use and addiction” “No on 64”, ChindrenFactSheet

99 “For children and young adults, smoking marijuana permanently affects brain development, impairs learning ability and contributes to depression. Adolescents are more likely than adults to develop problems with marijuana abuse and addiction.” https://web.archive.org/web/20121005023237/http:/votenoon64.com/

consulté le 02/04/2017

100 « Les drogues ruines des vies », phrase utilisée dans les documents de communication de « No on 64 ».

35 Une autre constante du discours de « No on 64 » est l’opposition, non seulement aux arguments des promoteurs de la légalisation mais à leur façon de définir les termes du débat. Cette compétition pour le « framing » de la discussion publique est particulièrement visible dans une série d’articles s’attachant à rétablir la vérité en énonçant des « faits »101 sur lequel devraient être fondés le débat public et que les défenseurs de la légalisation s’obstinent à ignorer ou à manipuler.

Mieux comprendre la posture défensive adoptée par « No on 64 » et caractéristique des opposants à la légalisation nous amène à nous intéresser plus en détail à la forme prise par leurs arguments. Compte tenu des thèmes sur lesquels « No on 64 » est le plus actif, à savoir la protection de l’enfance, la santé publique, la forme légale de l’amendement 64 et la critique des données et arguments des promoteurs de la légalisation, on suppose que le discours développé s’adresse aux familles avec enfants soucieuses de leur qualité de vie et de leur éducation. En d’autres termes, « No on 64 » s’adresse surtout aux familles de classe moyenne blanche, sensibles, en raison de leur situation sociale et culturelle, aux arguments prohibitionnistes. On retrouve donc de nombreux éléments caractéristiques de la rhétorique prohibitionniste dans le discours de « No on 64 ». Le vocabulaire utilisé pour faire référence à la marijuana et aux consommateurs véhicule des jugements moraux sévères. Les mots de

« marijuana »102 et de « pot »103 sont utilisés indistinctement. La marijuana est souvent désignée comme une « drug », voir comme une « hard drug »104. En parallèle, « No on 64 » fait appel au registre de l’activité criminelle pour qualifier la future industrie de la marijuana.

Dans le discours, l’industrie du cannabis légal et le trafic de drogue opéré par des organisations criminelles et violentes s’inscrivent dans la continuité l’une de l’autre. Cette continuité sémantique105 vient renforcer le sentiment de menace et l’idée que la population du Colorado est victime d’un complot fomenté par l’industrie du cannabis.

La théorie du complot de l’industrie du cannabis visant à transformer le Colorado en laboratoire de la légalisation est une constante du discours des opposants à la légalisation. Si ces derniers bénéficient également du soutien d’organisations ayant intérêt au maintien du régime de prohibition il est vrai que le mouvement pro-légalisation était beaucoup mieux

101 Get the facts, Facts about childrens, Facts for employers, Myths and facts about marijuana, What Amendment 64 permits sont les titres des articles dans lesquels “No on 64” s’efforce de renforcer sa position par le recours à la légitimité scientifique des “faits” établis.

102Terme historiquement forgé par les tenants de la prohibition aujourd’hui relativement neutralisé par son utilisation scientifique.

103 Terme associé à celui de « pothead » et négativement connoté.

104 « No on 64 »

105 Au-delà d’insister sur le fait que la marijuana demeure une substance illégale au niveau fédéral et que ceux qui en font commerce sont des criminels, « No on 64 » déclare que l’amendement 64 donnerais aux

« défenseurs de la légalisation le droit de vendre et de promouvoir la marijuana auprès des enfants de façon encore plus agressive qu’ils ne le font déjà ».

36 doté financièrement. Cette dysmétrie de moyens se retrouve dans les stratégies d’action déployées par les opposants à l’amendement 64.

En raison de leur faible budget et de leur constitution tardive, les opposants à l’amendement 64 n’ont pas été en mesure d’acquérir des créneaux de diffusion TV. Ils se sont donc rabattus sur les spots de campagne radiophoniques106 animés par deux anciens gouverneurs du Colorado Bill Owens et Bill Ritter, ainsi que sur des prises de paroles publiques107. Il est notable que les prises de parole publiques organisées par « No on 64 » et leurs spots de campagne font intervenir un ensemble bipartisan de figures publiques108.

En revanche, la communication des opposants à la légalisation sur les réseaux sociaux est très lacunaire. Si elle reprend les mêmes arguments, elle le fait au travers de publications Facebook longues, rarement accompagnées de liens et peu fréquentes.

« No on 64 » s’est aussi attachée à s’assurer du soutien public de personnalités et d’experts.

L’usage des « endorsements » par les entrepreneurs de causes est très répandu aux Etats-Unis et à, au Colorado, pris l’allure d’un concours entre pro et anti-légalisation.

b) Smart Colorado

En tant qu’association, Smart Colorado (SM) a été créé en 2013 par un ensemble de citoyens et de membres du comité d’implémentation de l’amendement 64 formé par le Gouverneur de l’état109 après les élections de 2012. Smart Colorado est néanmoins associé à la campagne

« No on 64 ». SM apparait sur la liste des organisations enregistrées comme acteurs officiels de la campagne110 et est créditée du financement de la majorité des encarts publicitaires et des efforts de communication entreprises par la campagne « No on 64 ». S’il apparait difficile de distinguer Smart Colorado et « No on 64 » sur le plan légal, leurs affiliations politiques et leurs porte-paroles en font deux instances au moins partiellement séparées.

Alors que « No on 64 », est représenté par Laura Chapin, une consultante en communication freelance à la sensibilité démocrate, Smart Colorado est presque exclusivement financé et représenté par des personnalités républicaines. C’est notamment le cas de Ken Buck,

106 https://www.youtube.com/watch?v=bD5Cv4b0W04 consulté le 08/04/2017

107 https://www.youtube.com/watch?v=LeDf280ckOg consulté le 08/04/2017

108 Bill Owens est républicain, Bill Ritter est démocrate, Mitch Morrissey, le procureur général du district de Denver est démocrate.

109 Le Gouverneur John Hickenlooper s’est prononcé contre la légalisation de la marijuana http://www.westword.com/news/john-hickenlooper-opposing-marijuana-amendment-64-both-sides-react-5822869 consulté le 04/04/2017

110 http://blogs.denverpost.com/thespot/2012/10/21/breakdowns-amendment-64-campaignfinance-reports/84483/ consulté le 04/04/2017

37 candidat malheureux du Tea Party aux élections sénatoriales de 2010 et procureur du comté de Weld connu pour ses positions conservatrices sur l’avortement ou le viol.

L’argumentaire de Smart Colorado diffère peu de celui de « No on 64 », tant sur le fond que dans la forme. On y retrouve les thèmes de la menace représentée par la légalisation de la marijuana sur les individus, la communauté et l’état. Les conséquences de sa consommation sur les qualités morales et le futur de la jeunesse du Colorado sont mis en avant et étayées par un ensemble de chiffres et d’interprétations que l’on retrouve dans la communication de

« No on 64 » :

• L’impact de la consommation de marijuana sur le développement cognitif des adolescents, mis en lien avec le développement de troubles mentaux (psychose, schizophrénie, dépression…) et la baisse des résultats scolaires.

• Le nombre d’adolescents et de jeunes adultes admis en cure de désintoxication pour des problèmes liés à l’addiction à la marijuana111.

• L’augmentation de la teneur en THC112 de la marijuana aujourd’hui devenue une

« drogue dure ».

Les complications légales pouvant suivre l’approbation de l’amendement 64 rendant légal la commercialisation d’une substance interdite au niveau fédéral tiennent une place de choix dans le discours de Smart Colorado. A la différence des arguments sur la dangerosité du cannabis, l’argument légal est supporté par des extraits de textes légaux mettant à juste titre en évidence les risques d’une telle divergence entre loi locale et fédérale. En effet, en légalisant la marijuana, le Colorado s’expose à des poursuites de la part du gouvernement fédéral tandis qu’une zone légale grise faite de conflits entre les lois fédérales et locales ferait peser sur l’économie du Colorado le risque de l’insécurité juridique et jurisprudentielle113. De plus, tout individu pratiquant une activité en lien avec l’industrie du cannabis au Colorado s’engage dans une activité criminelle aux yeux de la loi fédérale et demeure condamnable à ce titre.

Cependant, la vision négative de l’usage de la marijuana demeure prégnante dans la discours de Smart Colorado tout comme le thème de l’immoralité et du cynisme des défenseurs de la

111 Selon « No on 64 » et Smart Colorado, 67% des adolescents admis en cure de désintoxication le sont en lien avec leur consommation de marijuana.

112 Le principal composant psychotrope présent dans la marijuana.

113 « No on 64 » note par exemple l’absence de lignes directrices gouvernant la relation entre employeur et employé au sujet de l’usage de marijuana ou encore le risque pour certaines organisations de perdre le soutien d’agences fédérales en raison de leur non-respect des lois relatives à l’usage de drogues au travail.

38 légalisation réputés chercher à maximiser les profits de la future industrie du cannabis aux dépens de la jeunesse du Colorado114.

Le thème de la malhonnêteté des défenseurs de la légalisation est également une constante du discours de Healthy Drug Free Colorado, la troisième organisation de la coalition anti amendement 64.

c) Healthy Drug Free Colorado

Healthy Drug Free Colorado (HDFC) est une organisation associée à la « Colorado Drug Investigators Association ». Elle n’est pas enregistrée officiellement en tant que participante à la campagne contre l’amendement 64 mais l’analyse du contenu de son site internet115 en fait de facto un acteur du débat.

Healthy Drug Free Colorado est animée par des membres des forces de l’ordre spécialisés dans la lutte contre le trafic de drogue. On s’attend donc à ce que son discours soit proche de la rhétorique officielle. On s’attend également à ce qu’elle prenne la défense du bilan social et économique de la « War on drugs » dont les membres de l’association ont été les ouvriers.

Les arguments développés par HDFC sont du même ordre que ceux des autres membres de la coalition anti-légalisation. Si la protection de la jeunesse, la santé publique, le cadre légal de l’amendement 64 et les conséquences de la légalisation sur l’économie et la société du Colorado demeurent des thèmes importants, ils partagent le devant de la scène avec un ensemble d’éléments relatifs à la réfutation des arguments des pro-légalisation.

L’identité sociale des membres de Healthy Frug Free Colorado diffère de celle des membres et portes paroles des autres associations. Les membres des forces de l’ordre bénéficient en général d’un niveau d’éducation moins élevé que les portes paroles du mouvement « No on 64 »116, ils sont moins bien dotés en capitaux culturels et symboliques nécessaires à la maitrise des formes du discours politique légitime. Il est donc logique que les formes prises par leur discours reflètent cette différence d’identité et de point de vue socialement construit. L’engagement quotidien des policiers dans la lutte contre le trafic et l’usage de drogues suppose une adhésion, au moins partielle, aux principes et aux formes prises par la

114 “Really, I think this is a very simple equation: It is a profit-versus-people debate.” Ken Buck http://www.westword.com/news/marijuana-ken-buck-says-amendment-64-backers-care-more-about-profit-than-people-5905342 consulté le 05/04/2017

115 http://www.healthydrugfreecolorado.org/ Le site n’est plus maintenu depuis 2012 mais apparait avoir été créé dans le but de peser contre la légalisation de la marijuana comme en atteste son contenu et son intitulé :

« Marijuana Legalization : a bas idea. »

116 Ken Buck a étudié à Princeton.

39

« War on drugs ». Tout l’intérêt de l’analyse des prises de position de HDFC est de comprendre les mécanismes de l’adhésion et de l’expression de celle-ci dans un contexte de confrontation. La protection de la société et des communautés qui la composent des dangers représentés par les drogues en général, et la marijuana en particulier, est au cœur de la valeur symbolique du travail de la police. La prohibition constitue en quelque sorte la rente économique, symbolique, sociale et identitaire des policiers.

Il n’est donc pas étonnant que ceux-ci s’alarment de la menace que fait peser l’amendement 64 sur celle-ci. Fréquemment au contact de la criminalité, laquelle est souvent liée au trafic de drogue, les membres des forces de l’ordre développent parfois une vision manichéenne de la société divisée entre « gentils » (la police, les citoyens respectueux des lois et des normes morales) et « méchants » (les criminels, les agents de la subversion sociale et morale)117. De plus, les policiers sont habitués à représenter l’autorité légale en tant qu’agents de l’état détenteur du monopole non seulement de la « violence légitime » mais également de « l’information légitime ». Rien d’étonnant à ce qu’ils prolongent leur engagement pour la protection de leur communauté contre la légalisation d’une substance associée avec la criminalité et le péril moral118.

Les prises de position de Healthy Drug Free Colorado comportent une certaine vindicte119 exprimée dans un langage parfois familier, sur un ton et depuis une posture d’autorité120. Le discours de l’association est moins policé que celui des autres acteurs de la coalition anti-légalisation. Il se développe sur internet sous deux formes principales. Des documents courts en lien direct avec la campagne d’opposition à l’amendement 64 et reprenant le format de ceux utilisés par « No on 64 » ou les promoteurs de la légalisation121. Un document d’une cinquantaine de pages intitulé « Marijuana legalization : the issues. (Everything you wanted

117 Typologie schématique dérivée de la typologie tripartite de « assholes », « criminals » et « knows nothing » développée par John Van Maanen en 1978 dans son article « the Asshole ».

http://jthomasniu.org/class/Stuff/PDF/vanmanah.pdf consulté le 26/04/2017

118 Ici on s’appuie sur le travail d’Éric Fassin qui développe l’idée que la police utilise la loi dans un cadre

« d’enforcement » moins de l’ordre public que de l’ordre social. La loi est un ensemble de ressources mobilisables dans le contrôle des populations.

119 Comme en témoigne le titre de certains documents disponibles sur le dire de l’organisation tels que

« Marijuana lobby « spin » vs. The truth » (La vérité contre les manipulations du lobby de la marijuana).

http://www.healthydrugfreecolorado.org/html/MarijuanaLobbySpinvstheTruth.pdf consulté le 30/04/2017

120 Voir le document intitulé « Marijuana legalization : the issues. (Everything you wanted to know bit didn’t

know who to ask) »

http://www.healthydrugfreecolorado.org/html/Marijuana%20Legalization%20What%20Do%20You%20Want%

20to%20Know%20FINAL.pdf consulté le 30/04/2017

121 Document synthétiques d’une ou deux pages résumant les positions de l’association et offrant au lecteur des arguments discursifs « clés en main ». Exemples: « Marijuana lobby « spin » vs. The truth» et « Top 10 reason NOT to legalize marijuana ».

Dans le document DE QUOI LA MARIJUANA EST-ELLE LE NOM? (Page 32-45)

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