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6 Résultats des entretiens

6.2 Opinions sur le droit au masquage

6.2.1.1 Prérequis

Une personne interrogée affirme que le droit au masquage fait partie des prérequis issus directement de la loi Kouchner de 2002 qui n'était pas encore appliqué.

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6.2.1.2 Le masquage : phénomène ancien

Un répondant s'interroge :

"Est-ce que le DMP apporte réellement de nouveaux droits au patient ?"

En effet, un médecin affirme que le patient ne dévoile pas toutes ses informations médicales à tous ses médecins. Il masque déjà d'une certaine manière les données qu'il souhaite. Dans le cadre du DMP, le patient aura moins de contrôle du flux d'information entre les professionnels de santé, le droit au masquage tente donc de rétablir cette perte de contrôle.

6.2.2 Rendre plus supportable le DMP

Pour un intervenant, le droit au masquage est une manière détournée de faire adhérer les patients à ce dossier. Ce droit tente de rendre plus supportable la perte de liberté individuelle découlant du DMP.

6.2.3 Explication de l'exercice de ce droit

Différentes explications au sujet des raisons des patients à masquer une information médicale sont données lors des entretiens : l'impression d'être jugé, la honte d'être malade, la peur, l'ignorance et le fait de ne pas admettre sa maladie.

Ainsi le droit au masquage est identifié par une des personnes interrogées comme un mécanisme de réparation d'une souffrance.

6.2.4 Conditions d'exercice de ce droit

6.2.4.1 La confiance dans le professionnel de santé

Un patient interrogé déclare que son masquage dépendra du conseil de son médecin car il a une grande confiance en lui.

6.2.4.2 Inscription variable des données

Une magistrate considère que l'usage du droit au masquage dépendra principalement des données que le médecin devra rentrer dans le dossier.

Un intervenant propose que le professionnel de santé discute avec le patient toute donnée médicale qu'il souhaite intégrer dans le DMP. Cela éviterait une grande partie des masquages a posteriori.

6.2.4.3 Intervention en amont des pouvoirs publics

Certains répondants attendent du Ministère de la Santé qu'il définisse par décret d'application les informations pouvant être masquées et celle interdites au masquage.

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6.2.4.4 Interrogations taxinomiques

Nous pouvons remarquer que certaines maladies sont considérées comme nobles et d'autres pas, voire même honteuses. Les construits sociaux forment une échelle de valeurs des différentes maladies.

Un des intervenants déclare :

"Personnellement, cela ne me dérange pas que certains professionnels de santé aient accès à mon DMP parce que je ne suis pas atteint d'une maladie honteuse ou… "

6.2.4.5 Utilisation des données

Une personne interrogée remarque qu'il n'est pas nécessaire de masquer une donnée si elle n'est pas utilisée.

6.2.4.6 Pérennité des données

Un médecin s'interroge lors d'un entretien sur l'intérêt de maintenir des données médicales anciennes qui ne servent plus à la coordination des soins et qui risquent de nuire au patient.

6.2.4.7 Mise en jeu de l'intime

Une personne interrogée se demande :

"Qu'est-ce qui est du domaine de l'intimité ? Masquer quoi ? Est-ce que le patient est conscient de son intimité ?"

Ainsi, le masquage dépendra de ce que chaque individu considère comme appartenant à son domaine privé. Cette limite est strictement personnelle. Une même information ne porte pas préjudice avec la même intensité à tout patient.

Cette notion d'intimité varie selon la sévérité de l'épisode vécu. Un patient interrogé déclare ne pas révéler sa maladie VIH lorsqu'il consulte pour des signes cliniques bénins. Lors d'un problème aigu grave, dans l'urgence, un intervenant considère que le patient est plus soumis aux professionnels de santé et donc révèle plus facilement ses antécédents habituellement masqués.

Ainsi un patient pourra sentir la nécessité de masquer une donnée qui semblerait sans importance ou sans incidence pour un autre patient.

6.2.5 Masquage de données à leur rédacteur

Un médecin déclare qu'il serait incompréhensible que les patients puissent masquer des données à l'auteur de celles-ci.

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6.2.6 Opposition au droit au masquage

Une des personnes interrogées est farouchement opposée au droit au masquage. Elle considère qu'il n'existe pas de raison légitime à ce masquage sachant qu'il est acquis que le patient a confiance dans son médecin et que celui-ci inscrira des données dans le DMP afin d'améliorer la qualité des soins. D'autre part, il considère que si le DMP a une utilité pour la santé des populations, cet objectif collectif prime sur certaines libertés individuelles et ainsi le droit au masquage doit être possible.

"À partir du moment où il y a une utilité sociale à l'information, je suis contre le droit de retirer cette information."

Si le droit au masquage est appliqué, il propose que chaque masquage soit justifié. À ses yeux les seules raisons valables sont lorsque l'on "craint qu'une information diffusée ne porte

préjudice à plus ou moins long terme."

6.2.7 Condition de levée du masque

Un médecin dit :

"Qui dit masquage, dit qu'il y a une autorité supérieure qui s'arroge le droit par voie de justice à venir sous le masque. Fort de la justice, on pourra lever le masquage dans le cas particulier de plainte déposée dans le cadre de… Le juge demandera de lever le secret professionnel."

Cette levée de masquage est ressentie par quelques personnes interrogées comme une protection du médecin contre un patient qui souhaitait se cacher derrière son secret, son masquage.

6.2.8 Modifications attendues dans d'autres dossiers

Un représentant d'associations de patients déclare qu'il n'y a jamais eu de réflexion sur la participation des patients dans les autres dossiers médicaux notamment le Dossier Coordonné de Cancérologie (DCC). Ces derniers ne permettent pas toujours l'accès direct aux informations. Il souhaite que ce débat s'étende donc aux autres dossiers déjà mis en place.

6.2.9 Masquage et non effacement

Un intervenant responsable au Ministère de la Santé considère que le droit au masquage est un leurre et ne permet pas réellement de tenir secret une information médicale. Quant à l'effacement des données, il pense qu'il ne peut être autorisé au risque de transformer le DMP en "gruyère".

Un autre répondant s'exprime sur l'effacement de données par un tiers :

"Liberté de corriger ? Si elle devait exister, on devrait considérer, a priori, qu'il s'agit d'une décision grave, nécessitant réflexion au terme d'une explication claire, loyale et appropriée du médecin et qu'il serait éminemment souhaitable qu'elle ne soit réalisée que par lui en présence du patient. De même, si l'on peut imaginer des corrections à ses propres écrits, et avec l'accord du patient, on ne devrait pas tolérer que des confrères aient la liberté de se