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Compréhension des données du DMP par le patient

7 Discussion

7.3 La prise de connaissance du DMP par le patient

7.3.2 Compréhension des données du DMP par le patient

une cause médicale à tous les maux. Cet accès aux informations médicales ne risque-t-il pas d'amplifier cette tendance ?

"On ne se porte pas mieux et on ne vit sûrement pas plus longtemps quand on est obsédé par le souci de conserver sa santé et ne pas mourir, quand de "mortalis" (devant mourir un jour) cette obsession se transforme en "moriturus" (sur le point de mourir)." (Santé publique et

Libertés : Les illusions de la mobilisation. Ou comment informer les citoyens par Norbert Bensaïd) [46]

7.3.1.3.5 Modification de la demande d'accès au dossier professionnel

Nous n'avons malheureusement pas d'éléments permettant de savoir si l'accès direct au DMP via l'internet modifiera le nombre de demandes d'accès au dossier professionnel. Cette interrogation n'est pas anecdotique, car si c'est le cas, la charge de travail qu'impose la fourniture du dossier par le professionnel de santé au patient s'en trouverait fortement allégée.

7.3.2 Compréhension des données du DMP par le patient

La compréhension des données médicales contenues dans le DMP est extrêmement variable d'une personne à l'autre ; elle évolue selon les éléments du dossier et les caractéristiques propres au patient. Le pourcentage de personnes ayant des difficultés à la compréhension de leur dossier varie d'une étude à l'autre, de 9% à 60% ! [36]

Enfin, une donnée n'est perçue ni interprétée par les différents patients de la même manière : une donnée primaire (la demande) traduite par le médecin en donnée secondaire (le symptôme) est lue et interprétée par le patient en donnée tertiaire. Les facteurs influençant cette dernière interprétation seront étudiés dans ce paragraphe car ils influent à terme sur le désir de masquage du patient.

Nous nous reporterons à l'annexe 3.

7.3.2.1 Caractéristiques propres au dossier

7.3.2.1.1 Langage scientifique

Le DMP doit remplir certaines conditions pour être utile : présenter une fidèle description des signes cliniques du patient, avoir un vocabulaire médical précis, compréhensible par les autres professionnels de santé et par les patients… Ceci n'est pas simple dans la pratique. En effet, communiquer entre professionnels de santé fait appel à un langage médical qui peut être perçu par le patient comme ésotérique mais qui pourtant reste essentiel à une médecine de qualité, au risque de marquer des distances entre les soignants et les soignés.

Les professionnels de santé doivent s'accorder sur les définitions des concepts (médicaux ou autres) et sur les règles sémantiques (codes et standards).

Les utilisateurs des soins mentionnent que le langage médical est difficile à déchiffrer mais il n'est pas perçu comme un obstacle insurmontable.

76 Il nous apparaît en conclusion difficile de sortir du paradoxe selon lequel le langage médical peut être perçu comme discriminatoire par le patient, tout en étant un élément fondamental de communication entre les professionnels de santé.

7.3.2.1.2 Tenue du dossier

Deux aspects retiennent notre attention dans la tenue du dossier : la lisibilité de l'écriture et son organisation. Le support informatique a mis un terme au problème récurrent de la lisibilité, le médecin n'était en effet pas réputé pour sa belle écriture. L'organisation est un autre problème en rien résolu par l'informatique. Pour certaines associations de patients et la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), le DMP l'aggrave même. Le DMP est perçu, à leur grand regret, comme une accumulation de documents qui rendrait inexploitable ce dossier.

7.3.2.1.3 Chartre graphique

La chartre graphique et l'ergonomie sont essentielles. Il serait fortement souhaitable qu'elles soient élaborées en groupe de travail avec des ergonomes et l'ensemble des protagonistes : usagers et professionnels de santé ou mieux encore, qu'elles fassent l'objet d'un appel d'offres avec cahier des charges très précis dont les résultats seraient examinés par un jury comportant l'ensemble des protagonistes. En effet, c'est un élément essentiel à la bonne compréhension des données médicales.

7.3.2.2 Caractéristiques propres au patient

La compréhension des données médicales est liée à des caractéristiques propres à chaque patient comme le niveau d'instruction et la curiosité personnelle.

7.3.2.2.1 Le niveau d'instruction

Une personne ayant un niveau d'étude élevé est plus à même de comprendre les données mentionnées dans sondossier.

7.3.2.2.2 La recherche personnelle d'informations

Pour déchiffrer le langage médical et comprendre les concepts médicaux, certains ont recours à des sources d'informations complémentaires. Ils consultent des dictionnaires médicaux, des sites médicaux sur l'internet, ils interrogent des amis ou des membres de leur famille voire leur médecin ou leur infirmière. [38]

7.3.2.3 Variations dans l'interprétation des données

L'interprétation des données est personnelle à chaque patient. Elle dépend du vécu de chacun, de ses antécédents, de sa personnalité, des construits sociaux et des dires du médecin.

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7.3.2.3.1 Maladies nobles et honteuses

Dans les différents entretiens réalisés, les personnes interrogées mentionnaient souvent les maladies nobles et les maladies honteuses telles que les maladies sexuellement transmissibles.

"Personnellement, cela ne me dérange pas que certains professionnels de santé aient accès à mon DMP parce que je ne suis pas atteint d'une maladie honteuse ou…" (entretien avec un

avocat le 13 janvier 2006)

Ces deux catégories opposées modifiaient considérablement le souhait de masquage. Les maladies honteuses deviennent des maladies inavouables et risquent donc d'être masquées. Plus encore que les différentes catégories de pathologies, la Maladie elle-même est pointée du doigt. Anne-Marie Pabois le décrit explicitement : "Définir la santé comme le bien, c'est

définir la maladie comme le mal et rejeter, fautif, celui qui n'est pas conforme aux critères édictés par ceux qui exploitent notre peur de la mort pour avoir le marché de la santé. De même que la mort fait partie de la vie, la maladie fait partie de la santé." [47]

Est-il bon à notre époque d'avouer que l'on est malade ? Vaut-il mieux le masquer ? Mais chaque dissimulation, chaque masquage entretient ce phénomène de tabou, accentuant à son tour l'isolement et la ségrégation des autres malades qui eux, ne l'ont pas caché.

7.3.2.3.2 Données offensantes

Certains écrits, plus particulièrement du domaine psychiatrique, peuvent être perçus comme offensants. Ils peuvent provenir d'une rédaction insouciante de la part du médecin.

"Les notes de cas psychiatriques apparaissaient encore plus problématiques - parmi les dossiers qui étaient lisibles, grossièrement 80% contenaient des données potentiellement curieuses, offensantes, alarmantes ou bouleversantes d'après les médecins et les patients."

[37]

Cependant, nous pouvons aisément supposer que les professionnels de santé seront plus attentifs à leurs écrits sachant que le patient a librement et plus aisément accès au DMP.

7.3.2.3.3 Les paramètres scientifiques sont-ils suffisamment représentatifs

de l'être humain ?

Le médecin est formé pour faire entrer le discours des patients dans des grilles de façon le moins subjectif possible. La démarche diagnostique doit faire preuve d'un maximum d'objectivité afin d'obtenir une attitude rigoureuse, reproductible, scientifique. "Il - le médecin

- n'est plus alors, à son tour, une personne, mais un membre du corps médical, un technicien "précis et efficace", investi de la compétence, de l'autorité que lui confère son savoir." [30]

Le patient, quant à lui, se transforme en corps objet : "Tandis que le corps sensuel, le corps

temple de la consommation la plus effrénée, le corps modélisable, a recours à des normes encensées de performances accrues qui seules donnent droit de cité, le corps souffrant, lui, est de plus en plus transféré sur les écrans scintillants." [27]

Peu à peu, au fur et à mesure des progrès scientifiques, "ce que dira la médecine est la vérité