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Opinion sur la génomique en pré-conceptionnel

Nous nous sommes saisis du sujet de la génomique en pré-conceptionnel parce qu’il nous a paru intéressant à double titre :

- un domaine où la science évolue rapidement et qui porte en lui beaucoup d’espoir pour les futurs parents qui pourraient être porteurs de maladies génétiques,

- la science n’étant ni bonne ou mauvaise, mais les deux à la fois, le sujet est complexe au regard des fantasmes qu’il génère (enfant parfait, eugénisme, …) et donc de l’encadrement qu’il convient de lui donner.

Il apparaît difficile de ne pas statuer sur ce sujet aujourd'hui, ne serait-ce que parce que la demande existe au sein de la société et que des entreprises proposent sur Internet un séquençage du génome, sans garantie de fiabilité des tests et sans accompagnement pour les interpréter.

De fait, les questions qu’il génère sont vertigineuses, notamment :

- ce qu’il peut être important de savoir en pré-conception versus les risques « naturels » de la vie ;

- le devoir d’informer les populations à risques versus la création d’une anxiété chez de nombreux couples ;

- à qui ouvrir la possibilité de tels tests, eu égard au principe d’égalité ?

1) Le spectre des pathologies à cibler

Les tests génétiques sont aujourd'hui déjà proposés pour certaines pathologies en population générale en prénatal (trisomie 21) mais aussi auprès de populations à risques en pré-conceptionnel (parents ayant déjà un enfant atteint d’une pathologie héréditaire par exemple la mucoviscidose, maladie de Hunter, …).

Les paramètres qu’il nous semble important de considérer sont de différentes natures :

- La gravité de la maladie, que l’on peut définir comme étant très invalidante en termes de qualité de vie et/ou comme mettant en jeu le pronostic vital à court ou moyen terme (et non par exemple une potentialité de développer la maladie d’Alzheimer dans les dernières années de la vie).

- La probabilité de développer la maladie : pour certaines maladies, il y a beaucoup de porteurs sains qui ne la développeront jamais. D’autres au contraire, selon la configuration génétique des parents, débouchent sur une quasi-certitude de la développer.

- Enfin, l’existence ou non de traitements préventifs ou curatifs permettant d’améliorer sensiblement la qualité et l’espérance de vie.

Au-delà, il nous paraît essentiel de se concentrer sur les pathologies qui font l’objet d’une quasi-certitude dans leur identification génétique, en écartant celles qui ne font l’objet que d’une simple suspicion.

Dans ce contexte, sont aujourd'hui concernées :

- 4 ou 5 pathologies lourdes et clairement identifiées dans un test génétique,

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- plusieurs milliers de maladies rares, également clairement identifiables génétiquement.

Sachant que 97% du génome n’est aujourd’hui pas interprété et que l’on découvre régulièrement de nouvelles pathologies, la liste devra être régulièrement actualisée, en fonction des critères évoqués.

2) Le problème des données secondaires

Les tests génétiques effectués, même en ciblant une liste de pathologies précises, apportent des informations sur d’autres anomalies génétiques que l’on ne sait pas encore interpréter. Il apparaît important de prévoir le devenir de ces « données secondaires », trouvées sans être cherchées, tant elles soulèvent d’enjeux, souvent contradictoires, notamment :

- la transparence et de droit à l’information du patient,

- le caractère anxiogène d’anomalies non interprétables avec certitude, - l’intérêt pour la recherche s’agissant d’anomalies non encore identifiées, - l’opportunité de préserver des informations qui seront plus tard interprétables,

- la confidentialité des données vis-à-vis des organismes tiers (assurances, mutuelles, voire employeurs, …).

Tous, sauf deux d’entre nous, nous accordons à ce que les données issues des tests génétiques soient accessibles à la recherche, de façon anonyme, afin que celle-ci puisse progresser.

Une moitié d’entre nous est favorable à une communication de ces données au patient, à sa demande, avec une inscription dans le dossier médical. Certains souhaitent qu’elles ne soient communiquées au patient qu’une fois que les anomalies détectées soient clairement interprétables.

Une autre moitié est opposée à ce que ces données, non interprétables, soient communiquées aux patients.

3) La population concernée

La question qui se pose est celle de l’ouverture de l’accès à un diagnostic génétique pré-conceptionnel à la population générale, c’est-à-dire à tous les futurs parents. En l’occurrence, cette question divise le Comité Citoyen entre accès ouvert à tous et accès restreint aux populations dites « à risques ».

a. Les tenants d’un accès à tous (les 2/3 du Comité Citoyen)

Les arguments de cet accès universel, sous réserve du volontariat, reposent sur :

- le fait de pouvoir éviter des pathologies lourdes même pour des couples qui n’ont pas d’antécédents familiaux,

- le principe d’une égalité d’accès,

- l’évitement de tests génétiques peu fiables et lourds de conséquences pour les couples, - l’évitement d’interruptions volontaires de grossesse pour des pathologies qui ne

seraient découvertes qu’en cours de grossesse,

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- la richesse des données dont pourra disposer la science grâce à une production massive de tests génétiques.

Ces tenants d’un accès à tous les couples pointent également les inconvénients d’un accès limité aux populations dites « à risques » : une difficulté à les définir, à les sensibiliser, et un risque de stigmatisation.

b. Les tenants d’un accès limité aux populations dites « à risques » (1/3 du Comité Citoyen)

Les arguments des tenants d’un accès limité aux populations dites « à risques », c’est-à-dire : - aux membres d’un couple ayant des antécédents familiaux de pathologies génétiques

telles que définies plus haut,

- aux populations dont on connaît la plus forte prévalence pour certaines pathologies génétiques (par exemple la drépanocytose pour les habitants du Bassin Méditerranéen),

sont justifiés par :

- le risque d’une Société en proie à l’anxiété si tous les couples devaient, dans leur projet d’enfant, intégrer toutes ces données génétiques ((quelle issue pour les couples qui découvriraient de possibles anomalies à venir ?),

- le risque d’une vision perfectionniste et capacitiste de la Société, où ne seraient plus accueillis que les non porteurs de pathologies,

- le risque d’une condamnation par la Société des parents ayant accepté, en connaissance de cause, la pathologie de leur enfant à venir, voire de discussions sur la prise en charge de ces derniers par la collectivité,

- l’inutilité rationnelle de tests de certaines pathologies sur une population générale alors qu’elles ne touchent que des populations ciblées,

- le coût de tels tests généralisés.

4) Des zones de consensus

Quel que soit le périmètre de la population concernée, plusieurs consensus se dégagent au sein du Comité Citoyen :

- La communication des données génétiques du couple devra se faire sur la base du volontariat. La connaissance des risques encourus avant la conception d’un enfant ne doit jamais être imposée ;

- Ces tests devront être pris en charge par la Sécurité Sociale, et ne devront en rien affaiblir la prise en charge des enfants atteints de ces pathologies génétiques par la suite ;

- Enfin la nécessité d’assortir tout test génétique pré-conceptionnel d’une consultation avec des généticiens afin d’en discuter les interprétations.

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