• Aucun résultat trouvé

Nous, Comité Citoyen, avons souhaité nous emparer de la thématique de la fin de vie parce qu’elle nous apparaissait comme un sujet important, impliquant tout un chacun, et qui interroge particulièrement nos sociétés aujourd’hui, qui fait de la mort un tabou.

En approfondissant le sujet grâce aux différents intervenants et à la production des débats en région et des contributions sur le site Internet des États généraux, nous avons découvert un champ beaucoup plus sensible qu’attendu.

Certains d’entre nous, qui ne s’étaient jamais réellement posé de questions sur le sujet, ont pu percevoir la multitude de questions sous-jacentes que ce sujet de la fin de vie pouvait générer.

D’autres, qui croyaient avoir des idées bien arrêtées a priori, ont pris conscience que le sujet pouvait être abordé de façon beaucoup plus élaborée en n’étant pas simplement frontal, « pour ou contre l’euthanasie » par exemple.

Nous avons été frappés par la méconnaissance de la plupart d’entre nous de l’existence ou des contours précis d’un certain nombre d’éléments-clés sur la fin de vie, notamment :

- Au plan législatif et réglementaire : la loi Claeys-Leonetti de 2016, la possibilité de rédiger des directives anticipées et de désigner une personne de confiance ;

- Au plan médico-social : les soins palliatifs, qui ne sont pas seulement un accompagnement ultime à la mort, mais ont d’abord pour objectif le soulagement du patient, physique et psychologique, y compris en amont de sa fin effective de vie ; - Au plan technique : la signification précise de ce que l’on dénomme « euthanasie »,

« suicide assisté », « état irréversible de mort certaine », les différents niveaux de sédation possible.

La loi actuelle, pas ou mal connue, ne nous semble pas satisfaisante car elle est mal définie, mal appliquée et, pour une majorité d’entre nous, incomplète. Elle conduit à des situations critiques comme celle de Vincent Lambert, ou de personnes qui vont à l’étranger pour mourir.

Mais il convient de l’aborder avec la plus grande prudence avant de la modifier.

1) Des principes fondamentaux

Un certain nombre de principes fondamentaux nous paraissent utiles à rappeler et à intégrer dans toute réflexion sur la fin de vie.

- Le patient doit toujours être au centre du système de santé qui le prend en charge, en étant considéré dans son intégrité physique et psychique. Ce principe vaut bien sûr pour tous les patients, qui trop souvent sont considérés à travers leurs seules pathologies et les indicateurs y afférant. Il est d’autant plus critique pour les patients en fin de vie, pour lesquels leur qualité de vie et leur ressenti doivent être des priorités.

- Les aidants et l’entourage proche doivent également faire l’objet d’une attention et d’un accompagnement spécifiques.

- Vivre sa fin de vie dans la dignité précède logiquement le droit fondamental de mourir dans la dignité.

Page 189

189

2) Les soins palliatifs comme nécessité

Il nous semble d’abord essentiel d’envisager les soins palliatifs comme une nécessité sur toute réflexion sur la fin de vie. Le cheminement du patient ne peut s’élaborer que dans des conditions qui lui permettent d’y réfléchir sereinement, et non du fait d’une prise en charge insuffisante ou manquant de considération. En d’autres termes, l’évolution des choix laissés aux patients pour leur fin de vie ne saurait faire l’économie de soins palliatifs satisfaisants.

Or, nous sommes alarmés par le déficit des services de soins palliatifs en France : en effet, environ trois patients sur quatre susceptibles d’en bénéficier n’y ont pas accès. Le manque de lits est patent dans les services existants, de même que les unités mobiles. Et il existe de grandes inégalités selon les territoires.

Ce déficit est aggravé par le manque de formation des médecins aux soins palliatifs, seules quelques heures y étant consacrées au cours de leurs années d’études. Cela nous semble d’autant plus important que la plupart des médecins sont dans une logique de guérison, de sauver des vies, avant d’être dans une logique de soulagement.

Recommandations

 Faire respecter le droit du patient tel que l’indique la loi, à savoir le fait de pouvoir bénéficier de soins palliatifs, dans un service dédié, en unité mobile ou à domicile.

 Développer les services et des personnels dûment formés afin que chacun, où qu’il soit sur le territoire, y ait accès.

 Informer la population sur l’existence et le rôle des soins palliatifs et sur le droit à y accéder.

 Amplifier de façon significative la formation initiale et continue des personnels soignants consacrée à l’approche palliative, incluant une écoute attentive du patient et de sa famille.

3) L’urgence d’une sensibilisation de la population

Il nous apparaît que la population dans son ensemble n’a pas tous les éléments en sa possession pour se positionner de façon éclairée sur le sujet de la fin de vie. Plus encore, un patient ne peut prendre des décisions qui le concernent qu’en ayant été dûment informé de toutes les possibilités qui s’offrent à lui. Il pourra d’autant mieux se faire entendre des personnels soignants, et se sentir réellement partie prenante de la décision.

Recommandations

 Lancer une campagne massive de sensibilisation et d’information du grand public sur le thème de la fin de vie et ses enjeux.

 Proposer de façon systématique à tous les patients majeurs la possibilité de rédiger des directives anticipées et de désigner une personne de confiance, par exemple via le médecin traitant, et que ces informations soient consignées sur la Carte Vitale (cette recommandation étant validée par tous à l’exception d’un membre).

Page 190

 Informer de façon précise – à l’aide de brochures, de chartes de droits des patients, etc. – sur les différentes possibilités existantes en matière de fin de vie.

4) Un dissensus sur le recours à l’euthanasie et au suicide assisté

Les deux-tiers d’entre nous tiennent la position suivante : la situation juridique actuelle nous paraît à la fois hypocrite et inadaptée :

- le corps médical peut être amené à être hors-la-loi,

- certains patients sont obligés d’aller à l’étranger de façon onéreuse ou de recourir au suicide sans accompagnement,

- elle ne répond pas à la volonté d’une partie de la population d’avoir le choix et le droit de mourir quand, où et comme on le souhaite.

Nous souhaitons donc que la loi puisse ouvrir la possibilité au suicide assisté et à l’euthanasie au sein des alternatives de la fin de vie, et de les intégrer aux possibilités des directives anticipées.

Certaines conditions nous paraissent essentielles dans ce cadre :

- L’ouverture au suicide assisté et à l’euthanasie ne doit pas remettre en cause la possibilité d’avoir accès à des soins palliatifs de qualité sur l’ensemble du territoire.

- Il convient de s’assurer que le patient ait bien pris connaissance des conséquences de son choix, accompagné de son médecin traitant et d’une personne de confiance.

- Ces droits doivent être limités aux patients atteints d’une maladie incurable, avec une espérance de vie inférieure à six mois.

Enfin, certains d’entre nous souhaitent changer le terme de « suicide assisté », par exemple par celui d’« aide médicale à la mort ».

Le dernier tiers tient la position suivante : nous entendons les demandes précédemment formulées, mais nous sommes persuadés que l’insatisfaction pourrait être atténuée voire levée par une application rigoureuse de la loi, par un accès vraiment généralisé aux soins palliatifs à tous, y compris, et peut-être surtout, à domicile.

Le suicide assisté et l’euthanasie nous paraissent difficilement soutenables du fait des risques d’abus : des personnes âgées peuvent vouloir en finir parce qu’elles se sentent seules, oubliées, des héritiers potentiels pourraient être mal intentionnés, etc.

La sédation profonde telle qu’elle existe dans la loi nous paraît être une solution déjà satisfaisante au soulagement pour la fin de vie.

Enfin, nous pensons que nous n’avons pas suffisamment de recul sur la loi actuelle, comme sur d’autres dispositions en cours à l’étranger, pour statuer dès à présent sur de nouvelles options.

Page 191

191