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2 CONDITIONS DE VIE DES NATURALISÉS ET DES NON-NATURALISÉS

2.3 C ONTEXTE DE VIE

De nombreuses études sur l’insertion des jeunes d’origine étrangère prennent comme cadre de référence «naturel» l’espace social et politique national. Ce biais, connu sous le nom de «natio-nalisme méthodologique» (Wimmer et Glick Schiller, 2002), a suscité un certain renouveau des approches, notamment avec la prise en considération des variables contextuelles (Portes et Zhou, 1993) notamment au niveau infra-urbain. En Suisse, cet aspect n’a pas souvent trouvé application jusqu’ici.

Nous l’abordons par le biais d’une caractérisation structurelle des contextes. Cette variable a été considérée en trois modalités: centres des agglomérations, autres communes des agglo-mérations, communes rurales. Les quelques jeunes d’origine étrangère résidant dans des villes isolées ont été regroupés avec ceux vivant dans les communes au centre des agglomérations.

Ce regroupement a été préféré à celui qui consistait à inclure ces personnes parmi le groupe des résidants des communes rurales: en effet, nous avons observé, au cours de différentes analyses régionales (par exemple Wanner et Peng Fei, 2004), que les individus vivant dans une ville isolée présentaient des comportements s’apparentant plus à ceux des centres des agglo-mérations qu’à ceux des communes rurales, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. Une hypo-thèse expliquant ce résultat est l’amélioration des communications, qui «rapproche» les villes périphériques des villes centres d’agglomérations.

Les jeunes d’origine étrangère sont davantage concentrés que les Suisses dans les communes centrales des agglomérations suisses et dans les communes suburbaines; la concentration dans les communes au centre des agglomérations est encore plus marquée parmi les naturali-sés que parmi les non-naturalinaturali-sés (Tableau 14).

La moitié des Espagnols naturalisés habitent le centre des principales villes suisses, où se trou-vent également près de la moitié des Portugais, des Yougoslaves parlant serbe et croate, des Turcs, des Yougoslaves parlant une langue de la Suisse et du groupe des autres provenances.

Les Italiens sont majoritairement présents dans les communes suburbaines, lieu de domicile majoritaire d’autres groupes, tels les Allemands, les Croates, les Macédoniens et les Yougoslaves parlant une langue de la Suisse. Finalement, un jeune Yougoslave albanophone sur cinq habite dans un contexte rural.

Parmi les non-naturalisés, on observe la même concentration relative des Yougoslaves albano-phones (un sur quatre) dans les communes rurales; c’est également le cas pour les Macédo-niens, les Bosniaques, et les autres Yougoslaves (un sur cinq). Globalement les non-naturalisés habitent plus souvent le milieu rural que les naturalisés, même si la proportion de résidents des campagnes est faible (entre 9,5% pour les Espagnols et 26,9% pour les Yougoslaves albano-phones). Ce résultat pourrait traduire des difficultés à acquérir la nationalité suisse lorsque l’on vit dans une petite commune (Piguet et Wanner, 2000). Il pourrait également être le reflet d’un moindre intérêt, pour un étranger, d’entreprendre des démarches en vue de la naturalisation, avec des incitations professionnelles ou sociales peut-être moins fortes.

Tableau 14: Répartition (en %) des jeunes âgés de 20 à 24 ans, selon l’origine, le statut de naturalisation et le lieu de résidence, en 2000

Naturalisés Non-naturalisés

Centre Agglomération Commune Centre Agglomération Commune

agglomération - rurale agglomération - rurale

ville isolée ville isolée

Suisse* - - - 30.1 41.6 28.3

Allemagne 36.0 49.5 14.5 42.2 43.5 14.3

France 42.6 44.7 12.7 47.4 38.6 14.0

Italie 40.4 51.3 8.3 40.2 46.5 13.2

Espagne 50.1 45.2 4.7 53.6 36.9 9.5

Portugal 44.2 48.1 7.8 42.4 39.3 18.3

Turquie 45.9 44.6 9.5 41.9 41.7 16.3

Y. albanophone 35.1 45.7 19.2 31.1 42.1 26.9

Y. serbo-croate 46.7 44.0 9.3 35.8 44.7 19.4

Y. langue suisse 44.7 46.4 8.9 36.9 43.6 19.5

Bosnie-et-Herzégovine 43.1 45.5 11.4 38.2 42.3 19.5

Macédoine 38.9 48.6 12.5 37.4 41.6 21.1

Croatie 43.4 49.1 7.5 37.3 44.3 18.4

Autres provenances 47.2 43.1 9.8 48.4 40.3 11.3

Total 44.2 46.2 9.6 41.5 42.3 16.2

Source: Recensement fédéral de la population, OFS

* Les Suisses d’origine, par définition, ne sont pas naturalisés; indiqués à titre de comparaison, ils ne sont pas inclus dans le total.

Note: les villes isolées ont été incluses avec la catégorie des centres d’agglomérations.

Dans ce troisième chapitre, nous dépasserons le niveau de la description pour comprendre l’im-portance des facteurs susceptibles de déterminer certaines caractéristiques de la participation des jeunes adultes d’origine étrangère à la vie sociale en Suisse. Nous étudierons ainsi les pro-babilités de l’absence de formation post-obligatoire, de la non-participation à la vie économique, de l’absence d’emploi en fonction du statut de naturalisation.

Pour ces analyses et compte tenu des domaines étudiés, nous avons retenu les jeunes âgés de 23 à 34 ans. On exclut de cette manière les âges comprenant une proportion non négligeable de jeunes fréquentant encore une formation scolaire, et on recule par contre la limite supérieu-re pour avoir davantage d’observations. Les analyses portent séparément sur les jeunes nés en Suisse, supposés avoir été scolarisés en Suisse, et ceux nés à l’étranger mais résidant en Suis-se depuis plus de cinq ans, pour lesquels le lieu de scolarisation n’est pas connu. En outre, les analyses portent sur les hommes et les femmes séparément, même si l’objectif principal est de vérifier l’existence de différences de comportements entre naturalisés et non-naturalisés.

Nous utiliserons les méthodes de régression logistique pour mesurer le risque – estimé par des

«odds ratios» (O.R.) -– de présenter un état pour un groupe par rapport à une modalité de réfé-rence. Ce risque est estimé après prise en compte de différents facteurs de contrôle, introduits dans les modèles afin de tenir compte des spécificités, selon l’origine, concernant la structure socio-démographique de la population. Un O.R. supérieur à l’unité signifie un risque augmenté de subir l’événement sous étude, par rapport à la catégorie de référence (par exemple les Suis-ses de naissance). Un O.R. inférieur à l’unité traduit en revanche un risque réduit de subir l’évé-nement. Dans les tableaux de résultats figure la significativité statistique (valeur du p) résultant des régressions logistiques. Même si le recensement est exhaustif, et ne repose pas sur un échantillon, il nous a paru utile d’ajouter cette information de manière à pouvoir interpréter la robustesse des résultats.

Dans le but d’éviter des effets de colinéarité, nous avons combiné les variables «origine» et

«statut de naturalisation». En effet, une association existe entre ces deux variables, puisque, par définition, les Suisses d’origine ne sont jamais naturalisés. On a donc distingué, pour chaque origine (excepté pour les Suisses), la population naturalisée et la population non natura-lisée.

3.1 F

ACTEURS EXPLIQUANT L

ABSENCE DE FORMATION POST

-

OBLIGATOIRE Etant donnée l’importance d’une qualification post-obligatoire, il est utile d’étudier plus en détail les facteurs expliquant l’absence d’une formation secondaire II: ce niveau comprend notamment l’apprentissage qui représente le type le plus fréquent de formation secondaire II et qui est aussi favorablement associé à une bonne insertion professionnelle. Nous expliquons dans cette sec-tion l’absence de formasec-tion secondaire II en foncsec-tion du statut de naturalisasec-tion, après prise en considération de différents facteurs de contrôle, qui sont:

3 FACTEURS EXPLIQUANT LES