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5. DISCUSSION

5.2 C ONFRONTATION À LA LITTÉRATURE

Bien que nos résultats soient discutables en plusieurs points, la prise en charge physiothérapeutique a des effets favorables sur la sévérité des céphalées, le handicap qu’elles engendrent, ainsi que sur la consommation de médicaments. En effet, malgré des traitements et des durées de prise en charge différents dans les cinq études que nous avons sélectionnées, les résultats sont, de manière générale, positifs. La diversité et la qualité méthodologique de chaque étude, ainsi que le choix des paramètres évalués et des outils de mesure nous empêchent d’apporter des résultats plus probants.

Comme nous l’avons décrit dans le cadre théorique, plusieurs mécanismes physiopathologiques expliquent que la physiothérapie peut diminuer des céphalées.

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Tout d’abord, le thérapeute peut agir directement sur les nocicepteurs des différentes structures de la région cervicale afin de moduler les afférences sensorielles. O’Leary, Fall, Hodges, Jull & Vicenzino (2007) rapportent que, comme les traitements de thérapie manuelle, certains exercices actifs et particulièrement les exercices de stabilisation cervicale, provoquent une hypoalgésie locale immédiate en diminuant l’excitabilité du système nerveux sympathique. D’autre part, le physiothérapeute peut également agir sur certains mécanismes de la douleur chronique. Dans ce sens, Nijs, Van Oosterwijck & De Hertog (2009) conseillent d’expliquer au patient les mécanismes physiopathologiques de la douleur chronique, de lui apprendre certaines bases d’ergonomie, de lui enseigner des exercices de mobilisation, de stabilisation et de renforcement et éventuellement de le diriger vers une thérapie cognitivo-comportementale. Cette approche permettrait non seulement de prévenir la chronicité mais également d’avoir un effet sur le long terme (Nijs & Van Houdenhove, 2009).

Dans nos études, les traitements sont variables. Certaines évaluent l’efficacité d’une seule technique, comme par exemple la recherche de Hall et al. (2007) ou celle de Haas et al. (2004), qui évalue essentiellement l’efficacité de manipulations vertébrales.

D’autres, par contre, préconisent plutôt une prise en charge globale, éventuellement centrée sur l’évaluation physique. Celles-ci correspondent plus aux recommandations décrites ci-dessus.

Dans la mesure où les CGH s’inscrivent dans un contexte de douleurs chroniques, nous avons décidé de ne pas limiter la sélection de nos études en fonction du type de traitement mais d’inclure des recherches proposant toute intervention rigoureuse et pertinente pouvant entrer dans les compétences du physiothérapeute. Par conséquent, nous avons choisi d’inclure également les études dont l’intervention consistait en des techniques de thérapie manuelle effectuées par des chiropraticiens et des ostéopathes.

Par contre, nous avons décidé d’en exclure les groupes placebos et les groupes contrôles, bien que ceux-ci aient, la plupart du temps, quand même une intervention.

Il est intéressant d’observer que dans certaines des études que nous avons sélectionnées, les résultats obtenus après la prise en charge sont maintenus à plus long terme. Haas et al. (2004) et Haas et al. (2010) nous donnent des résultats à 12 semaines, Haas et al.

(2010) réévaluent les paramètres à 24 semaines et Jull et al. (2002) à 12 mois.

Globalement, les résultats de ces études sont maintenus. Ceci est un point important pour notre pratique professionnelle. Le groupe qui se distingue des autres est le groupe de Haas et al. (2004) qui ne reçoit que trois traitements et dont l’amélioration des

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résultats n’est pas maintenue, ni pour l’intensité ni pour le handicap. D’autre part, les groupes dont les résultats ne sont pas maintenus à long terme sont tous des groupes d’intervention plutôt passive. Comment l’expliquent Gross et al. (2004) dans leur recommandations cliniques pour des patients souffrant de cervicalgies avec ou sans CGH, les manipulations ou mobilisations utilisées comme unique traitement ne diminuent pas les douleurs. Ce type de traitement doit toujours être inclus dans une prise en charge multimodale. Il a en effet été démontré que la thérapie manuelle, lorsqu’elle était accompagnée d’exercices actifs, améliorait les douleurs également à long terme. Ceci appuie les résultats que nous avons trouvés dans ce travail. Les mêmes auteurs rapportent que les évidences sont moins claires concernant d’autres modalités et qu’il est donc au thérapeute de décider des différentes stratégies à adopter (Gross et al., 2004).

D’autre part, nous pouvons nous poser la question de la quantité de traitements nécessaire. En effet, le groupe de Haas et al. (2004) qui obtient le moins de résultats ne reçoit que trois traitements. Par contre, le groupe qui reçoit 12 traitements a des résultats cliniquement significatifs pour tous les paramètres sur lesquels nous nous sommes attardées. Selon nos observations, il semblerait donc que trois traitements soient insuffisants. La question que se posent Haas et al. (2004) et Haas et al. (2010) concernant la dose de traitement paraît pertinente. Haas et al. (2004) démontrent en effet de meilleurs résultats pour les groupes de 9 et 12 traitements, cependant, Haas et al. (2010) expliquent qu’un effet plateau est détectable entre 8 et 16 traitements.

Dans le cadre des douleurs chroniques, l’un des buts principaux de prise en charge est l’éducation du patient afin d’améliorer, entre autres, la capacité d’autogestion des douleurs (Gifford et al., 2006). L’intervention de l’étude de Hall et al. (2007) vise clairement l’autogestion puisqu’il s’agit d’enseigner une technique d’automobilisation.

Jull et al. (2002) demandent aux patients des groupe ExT et MT+ExT d’effectuer des exercices à domicile tout comme Fleming et al. (2007). Chez Haas et al. (2010) les thérapeutes sont autorisés à en proposer. Nous constatons donc que l’intention de rendre le patient actif dans la prise en charge est présente dans quatre des cinq études sélectionnées pour notre revue. A l’exception de l’étude de Hall et al. (2007), l’éducation du patient à l’autogestion n’est cependant pas un objectif central de la prise en charge comme il est préconisé par Shatman (2010) dans le Bonica’s Management of Pain.

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Comme nous l’avons précédemment mentionné, les céphalées ont un impact considérable sur la qualité de vie, ainsi que sur la vie professionnelle, sociale et économique (Auray, 2006, p. 37). De plus, elles représentent un coût important pour la société (Rasmussen, 2001). En considérant ces informations, nous constatons que, dans notre revue, l’unique paramètre d’évaluation qui mesure l’effet des interventions sur la vie des patients est le handicap. Pourtant d’autres paramètres peuvent être mesurés. La qualité de vie pourrait être mesurée en seconde intention dans les études comme le recommande l’IHS (Bendtsen et al., 2010). Pour ce faire, elle propose d’employer des outils de mesure tels que le Headache Disability Inventory ou le Headache Impact Test.

Une revue Cochrane de Bronfort et al. (2009) a tenté de recenser des études mesurant l’impact de différentes thérapies sur le coût qu’engendrent les céphalées, mais ils n’en ont trouvé aucune. Cette préoccupation est donc bien présente mais les recherches manquent encore.

Il existe également des paramètres de l’évaluation physique qui n’ont pas pu être pris en compte dans notre revue en raison du manque d’études. Hall et al. (2007), par exemple, mesurent le degré de rotation du segment C1-C2 à l’aide du Flexion Rotation Test (FRT). Il s’agit d’un paramètre intéressant puisque la classification de l’IHS (2004) définit la diminution de mobilité cervicale comme un critère diagnostique. Par ailleurs, une étude de Ogince, Hall, Robinson et Blackmore (2007) décrit que le FRT pourrait muscles fléchisseurs profonds de la nuque. Selon McDonnell, Sahrmann & Van Dillen (2005), il en résulte une augmentation des contraintes sur les facettes articulaires cervicales supérieures. Nous comprenons donc l’intérêt de considérer la posture du patient souffrant de CGH. Par ailleurs, Jull et al. (2002) choisissent également d’évaluer la posture en mesurant l’angle cranio-cervical sur des photographies. McDonnell et al.

(2005) ont aussi comme objectif principal de modifier la posture du patient en lui enseignant des exercices de renforcement des fléchisseurs profonds. De plus, ces exercices spécifiques, par leur action mécanique, provoqueraient une diminution immédiate de la perception de la douleur (O’Leary et al., 2007). Selon ces observations,

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nous constatons que le renforcement des fléchisseurs profonds aurait non seulement un effet antalgique mais permettrait également de corriger une posture source de douleurs.

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